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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
Une certaine grandeur dans la disposition et la largeur de la repré-
sentation trahissent l’influence des Ecoles italiennes, particulière-
ment des peintres florentins, tels que le Bronzino. Mais par là
l’artiste a perdu une bonne part de la manière de comprendre la
nature et la charmante exécution qui distinguent les peintres alle-
mands de cette époque. Dans le portrait d’Aldegrever, qui représente
le bourgmestre de Lennep, Engelbert Therlaen (1551), on remarque,
au contraire, d’une manière évidente, l’influence hollandaise.
Au nombre des plus habiles portraitistes de l’Allemagne au
xvie siècle, il faut tenir Christophe Amberger. Un de ses derniers
portraits, le vieux cosmographe Sébastien Munster, de Bàle (1552),
est certainement, à considérer l’énergique vigueur de l’expression et
le magnifique effet des couleurs, le chef-d’œuvre de l’artiste. Le
second tableau de lui (1532), qui se trouve dans la Galerie de Berlin,
offre un intérêt particulier, par le personnage qu’il représente. Il
n’y a pas de portrait de l’empereur Charles-Quint qui soit plus ressem-
blant que celui-ci, avec la couleur pâle du visage, l’expression méfiante
de l’œil gris, le dédain exprimé dans la puissante mâchoire inférieure
qui fait en quelque sorte saillie sur la figure. C’est bien là l’empereur
tel qu’il était à la diète d’Augsbourg. Un fait tout à l’honneur du
jeune prince, fait rapporté par Paul de Hutten, est d’avoir remis
au peintre le triple du prix convenu (18 écus) et d’y avoir ajouté en
cadeau une chaîne en or. Il est curieux de voir par quels moyens
artistiques Amberger, trop honnête pour embellir la forme et
l’expression de type, réussit à ne pas produire un effet désagréable :
le fond du tableau, d’un gris clair très tendre, et le costume d’un
violet pâle que porte l’empereur, rendent supportable la couleur terne
et comme cendrée de son teint. Nous pouvons considérer également
le portrait du fougueux général en chef de Charles-Quint, Georges
de Frundsberg, comme un ancien travail d’Amberger; mais comme
il fut peint après la mort du personnage représenté (1528), il lui
manque la fraîcheur et la vitalité qui distinguent les autres portraits.
C’est essentiellement aussi comme portraitiste que s’est fait con-
naître le peintre de Cologne, Barthélemy Bruyn. L’excellent por-
trait du bourgmestre de Cologne, Jean de Ryht (1525), se rapproche
des œuvres de Ilolbein par sa singularité et son énergie; dans la
vigoureuse et sombre coloration de la peinture se trahit l’influence de
l’art néerlandais, influence exercée par l’auteur inconnu de la «Mort
de Marie », qu’on peut considérer comme le maître de Bruyn.
L’influence qu’Albert Durer exerça sur tout l’art allemand de son
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
Une certaine grandeur dans la disposition et la largeur de la repré-
sentation trahissent l’influence des Ecoles italiennes, particulière-
ment des peintres florentins, tels que le Bronzino. Mais par là
l’artiste a perdu une bonne part de la manière de comprendre la
nature et la charmante exécution qui distinguent les peintres alle-
mands de cette époque. Dans le portrait d’Aldegrever, qui représente
le bourgmestre de Lennep, Engelbert Therlaen (1551), on remarque,
au contraire, d’une manière évidente, l’influence hollandaise.
Au nombre des plus habiles portraitistes de l’Allemagne au
xvie siècle, il faut tenir Christophe Amberger. Un de ses derniers
portraits, le vieux cosmographe Sébastien Munster, de Bàle (1552),
est certainement, à considérer l’énergique vigueur de l’expression et
le magnifique effet des couleurs, le chef-d’œuvre de l’artiste. Le
second tableau de lui (1532), qui se trouve dans la Galerie de Berlin,
offre un intérêt particulier, par le personnage qu’il représente. Il
n’y a pas de portrait de l’empereur Charles-Quint qui soit plus ressem-
blant que celui-ci, avec la couleur pâle du visage, l’expression méfiante
de l’œil gris, le dédain exprimé dans la puissante mâchoire inférieure
qui fait en quelque sorte saillie sur la figure. C’est bien là l’empereur
tel qu’il était à la diète d’Augsbourg. Un fait tout à l’honneur du
jeune prince, fait rapporté par Paul de Hutten, est d’avoir remis
au peintre le triple du prix convenu (18 écus) et d’y avoir ajouté en
cadeau une chaîne en or. Il est curieux de voir par quels moyens
artistiques Amberger, trop honnête pour embellir la forme et
l’expression de type, réussit à ne pas produire un effet désagréable :
le fond du tableau, d’un gris clair très tendre, et le costume d’un
violet pâle que porte l’empereur, rendent supportable la couleur terne
et comme cendrée de son teint. Nous pouvons considérer également
le portrait du fougueux général en chef de Charles-Quint, Georges
de Frundsberg, comme un ancien travail d’Amberger; mais comme
il fut peint après la mort du personnage représenté (1528), il lui
manque la fraîcheur et la vitalité qui distinguent les autres portraits.
C’est essentiellement aussi comme portraitiste que s’est fait con-
naître le peintre de Cologne, Barthélemy Bruyn. L’excellent por-
trait du bourgmestre de Cologne, Jean de Ryht (1525), se rapproche
des œuvres de Ilolbein par sa singularité et son énergie; dans la
vigoureuse et sombre coloration de la peinture se trahit l’influence de
l’art néerlandais, influence exercée par l’auteur inconnu de la «Mort
de Marie », qu’on peut considérer comme le maître de Bruyn.
L’influence qu’Albert Durer exerça sur tout l’art allemand de son