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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2. Pér. 35.1887

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Nr. 6
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Gruyer, François-Anatole: Léonard de Vinci au Musée du Louvre, 1
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https://doi.org/10.11588/diglit.24189#0502

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LÉONARD DE VINCI AU LOUVRE.

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donner la place. Ses élèves cependant (Salai, Beltraffio, Melzi) ne
l’abandonnèrent pas dans sa mauvaise fortune, et l’accompagnèrent à
Rome, où il se rendit à la suite de Julien de Médicis, qui allait assister
au couronnement de son frère L Mais Rome ne fit pas bon accueil à
cet Italien si bien vu des envahisseurs. De quel œil Léonard pouvait-il
regarder, au Vatican, la fresque delà Chambre d’Héliodore, cet incom-
parable commentaire du fuori barbari de Jules II? Le pauvre grand
artiste était désormais dépaysé partout dans son propre pays. Aussi
s’empressa-t-il de regagner le Milanais dès que François Ier l’eut
reconquis en 1515, et d’élever de ses mains au vainqueur des arcs
triomphaux. Il fit partie du cortège royal dans l’entrevue de Bologne,
voulant voir de ses yeux l’humiliation de la papauté, suivit le roi en
France au commencement de 1516, et n’en revint pas.

Les grands hommes sont ceux dont les œuvres survivent et font
partie du fonds commun de l’humanité. Qu’importe ce qu’ils ont été
vivants, si ce qu’ils laissent est immortel! Ce n’est pas à leurs pieds
d’argile qu’il les faut regarder, mais à leur front rayonnant de
lumière. Léonard n’est pas un grand Italien, mais c’est par excellence
un grand homme. S’il avait oublié sa vraie patrie, il s’en était fait une
dans son école. Il avait le cœur chaud pour ceux qui vivaient dans
l’intimité de son génie. Il était bon. Ses élèves l’adoraient, et s’exi-
lèrent avec lui, quand il fut obligé de quitter Milan. Melzi, qui
l’appelle dans ses lettres « bon ami et excellent père », fut pour lui
comme le plus dévoué des fils, depuis le jour où il le connut à Milan,
jusqu’à celui où il lui ferma les yeux au château de Clou près d’Amboise,
le 2 mai 1519... Que savons-nous, d’ailleurs, avec précision de la vie
de Léonard? Vie tourmentée, aventureuse, toujours en quête du port
et netrouvantjamaisque la tempête 1 2. Voué à tous les labeurs, prodigue
de ses admirables facultés, Léonard, malgré le charme exceptionnel
dont il était doué, vit les difficultés matérielles de la vie s’aggraver
à chacune de ses nombreuses pérégrinations. Quelle détresse est la
sienne à la fin de son premier séjour à Milan, après les vingt années
d’un travail dont aucun homme peut-être n’a fourni l’équivalent !
Quoi de plus navrant que la supplique qu’il adresse alors à Louis
Sforza? Il est aux pieds du duc, lui tendant la main, n’ayant plus

1. Amoretti, Memorie. p. 104.

2. D’après M. Richter, Léonard n’aurait pas borné ses pérégrinations à
l'Occident. Il aurait fait, en 1481, un voyage en Orient. M. Charles Ravaisson
admet également ce voyage. M. Eugène PiotetM. Gilberto Govi le nient. M. Henry
de Geymüller incline vers l’opinion de ces derniers, qui est aussi la nôtre.
 
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