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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
toast, la gaucherie de la mariée, et les profils généalogiques répétés
de la mère au fils, tout cela est dit à merveille, sans caricature. Il
n’en est pas moins vrai que le cadre est trop ambitieux pour une
simple nouvelle. L’exécution correcte et agréable n’a pas les qualités
de premier ordre qui chez Courbet ou chez Bastien-Lepage justifient
l’emploi des vastes surfaces. Le paysage vivement indiqué n’a qu’un
intérêt secondaire : on emporte l’idée d’une étude agrandie à l’excès
plutôt que d’une œuvre complète et mûrie.
M. Dinet est lui aussi un passionné de lumière et de caractère.
La douce clarté de nos ciels tempérés ne lui suffit pas. Il aime le
grésillement des soleils vifs et ces lueurs qui pétillent au plein midi.
L'Adoration des bergers est une scène touchante, délicieusement contée
par un peintre à la fois précieux et naïf, tout humaine par l’acception,
très vivante. Quel peintre n’a dit avant lui la douce légende : la Mère
et l’Enfant adorés par de petites gens au cœur simple? Mais l’obser-
vation affectueuse et personnelle renouvelle les plus vieux sujets. La
Vierge toute jeune, d’un joli type arabe, un peu bronzée, est charmante ;
assise à terre, le haut du corps à l’ombre, les cils baissés, elle contemple
amoureusement l’Enfant qu’un flot de lumière réchauffe sur ses
genoux. Sur le seuil de la grange, par où pénètre l’ardent soleil, deux
bergers s’agenouillent : le vieux à barbe rousse qui joint les mains
avec une tendresse de grand-père, le gamin qui regarde en curieux,
l’œil clignotant sous la lumière frisante, le grand garçon assis à
droite et qui fronce le sourcil dans son admiration candide et con-
centrée, tous ces personnages témoignent de la plus subtile observation.
La disposition hardie, presque violente du clair-obscur n’enlève rien
à l’intime séduction du tableau. D’abord l’œil habitué à de moins
brusques oppositions s’étonne et croit surprendre quelque acidité dans
les tons. Mais le rayon lumineux qui coupe la toile en biais, et poudroie
au dehors sur des vergers et des murs blanchis, se propage si finement
dans la pénombre transparente des premiers plans que les contrastes
se fondent. Le personnage de droite, enveloppé d’ombre claire, est
d’une exécution parfaite. Aux qualités du peintre, M. Dinet joint une
originale invention d’artiste, un goût curieux et très moderne. Peut-
être devra-t-il se défier de certains partis pris.
Guillaumet, ce grand artiste tant regretté, dont les œuvres lui
ont certainement beaucoup appris, eut sans doute conseillé de chercher
moins l’effet piquant et de voir la nature plus simplement dans sa
large sérénité. Rien ne fait tapage dans son œuvre qui raconte l’in-
tensité frémissante de la lumière africaine mais aussi sa douceur
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
toast, la gaucherie de la mariée, et les profils généalogiques répétés
de la mère au fils, tout cela est dit à merveille, sans caricature. Il
n’en est pas moins vrai que le cadre est trop ambitieux pour une
simple nouvelle. L’exécution correcte et agréable n’a pas les qualités
de premier ordre qui chez Courbet ou chez Bastien-Lepage justifient
l’emploi des vastes surfaces. Le paysage vivement indiqué n’a qu’un
intérêt secondaire : on emporte l’idée d’une étude agrandie à l’excès
plutôt que d’une œuvre complète et mûrie.
M. Dinet est lui aussi un passionné de lumière et de caractère.
La douce clarté de nos ciels tempérés ne lui suffit pas. Il aime le
grésillement des soleils vifs et ces lueurs qui pétillent au plein midi.
L'Adoration des bergers est une scène touchante, délicieusement contée
par un peintre à la fois précieux et naïf, tout humaine par l’acception,
très vivante. Quel peintre n’a dit avant lui la douce légende : la Mère
et l’Enfant adorés par de petites gens au cœur simple? Mais l’obser-
vation affectueuse et personnelle renouvelle les plus vieux sujets. La
Vierge toute jeune, d’un joli type arabe, un peu bronzée, est charmante ;
assise à terre, le haut du corps à l’ombre, les cils baissés, elle contemple
amoureusement l’Enfant qu’un flot de lumière réchauffe sur ses
genoux. Sur le seuil de la grange, par où pénètre l’ardent soleil, deux
bergers s’agenouillent : le vieux à barbe rousse qui joint les mains
avec une tendresse de grand-père, le gamin qui regarde en curieux,
l’œil clignotant sous la lumière frisante, le grand garçon assis à
droite et qui fronce le sourcil dans son admiration candide et con-
centrée, tous ces personnages témoignent de la plus subtile observation.
La disposition hardie, presque violente du clair-obscur n’enlève rien
à l’intime séduction du tableau. D’abord l’œil habitué à de moins
brusques oppositions s’étonne et croit surprendre quelque acidité dans
les tons. Mais le rayon lumineux qui coupe la toile en biais, et poudroie
au dehors sur des vergers et des murs blanchis, se propage si finement
dans la pénombre transparente des premiers plans que les contrastes
se fondent. Le personnage de droite, enveloppé d’ombre claire, est
d’une exécution parfaite. Aux qualités du peintre, M. Dinet joint une
originale invention d’artiste, un goût curieux et très moderne. Peut-
être devra-t-il se défier de certains partis pris.
Guillaumet, ce grand artiste tant regretté, dont les œuvres lui
ont certainement beaucoup appris, eut sans doute conseillé de chercher
moins l’effet piquant et de voir la nature plus simplement dans sa
large sérénité. Rien ne fait tapage dans son œuvre qui raconte l’in-
tensité frémissante de la lumière africaine mais aussi sa douceur