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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2. Pér. 35.1887

DOI issue:
Nr. 6
DOI article:
Hamel, Maurice: Le Salon de 1887, 1
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https://doi.org/10.11588/diglit.24189#0533

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

samment de grands aspects. L’occasion seule et le temps lui man-
quèrent pour fixer les formules d’un art qui eut allié la vertu de
l’intimité hollandaise au goût très latin de l’eurythmie. De nos jours
M. Puvis de Chavannes, en ses grandes pages si noblement imagi-
nées et nourries du suc même de la réalité, a dégagé nettement l’aspect
caractéristique d’une contrée, que cette contrée fût la Grèce, l’Ile de
France ou la vallée du Rhône. Ajoutez que l’art du Japon nous a
donné le goût de l’arabesque imprévue, et des cadences rompues par
un charmant caprice. Tous ces éléments se retrouvent dans les ten-
tatives de nos peintres, je parle de ceux qui cherchent. Le paysage
subit une évolution, il s’élargit et se synthétise. Il se concentre moins
et décore davantage. Je ne saurais dire quelle influence a dominé
l’esprit de M. Duez lorsqu’il a composé le Soir et j’ajoute que cette
œuvre, d’une réussite incomplète, est très personnelle. La ligne obli-
que et brisée de la falaise qui s’inscrit sur l’infini de la mer et du
ciel vides, les silhouettes anguleuses des pommiers tordus par le
vent du large donnent à ce paysage normand un caractère d’étran-
geté qui rappelle les points de vue japonais. D’autre part la vie
robuste des animaux couchés au premier plan dans le plantureux
herbage, cette matérielle, et succulente réalité, cette plénitude
normande, nous ramènent au pays des grasses pâtures, aux régions
nourricières vivifiées par de tièdes effluves. On se demande seulement
si ce ciel un peu mince, un peu sec et comme poussiéreux est en par-
fait rapport avec le relief énergique des belles ruminantes, si la mer
fleurie de lilas et d’orangé a sa mouvante limpidité ; en un mot si les
fonds du décor supportent bien la crudité hardie des fortes verdures.
L’œil hésite et garde un scrupule : Pourquoi? sinon parce que l’en-
veloppe n’est ni assez puissante, ni assez moelleuse, ni le ciel assez
vaporeux, ni la terre assez imprégnée des clartés du soir. Pourtant,
à prendre l’impression d’ensemble, le soir est bien dans cette toile ;
telles sensations, comme la robe blanche de la vache ardoisée dans la
demi-teinte ou la coulée huileuse de la mer au ras de la falaise sont
d’un rare coloriste. Si l’unité ne parait pas absolument convaincante,
et les parties juxtaposées plutôt que fondues, il faut songer à la
difficulté de mettre, sur un grand espace, ces éléments si divers dans
une harmonie dominante.

Exprimer le modelé aérien, l’abime de lumière suspendu au-dessus
des choses et qui les enveloppe comme le voile de Maia, n’est-ce pas
le plus difficile problème de la peinture ?Comment saisir l'impalpable
et rendre l’inexprimable?M. Montenard n’y réussit qu’à demi. Il con-
 
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