MADEMOISELLE DE FAUVEAU.
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Cayla elle avait à la cour une protection bienveillante et avec cette
largesse de cœur qu’elle a toujours gardée, elle mettait tout son
crédit au service de ceux qu’elle aimait. C’est ainsi qu’elle sollicita
et obtint pour Delaroclie la commande d’un plafond au Louvre que
la révolution l’empêcha d’exécuter. A cette époque il peignait son
tableau des Enfants d’Édouard et ce fut la jeune sœur de Félicie qui
posa pour une des figures.
La révolution de 1830 la trouva dans cette vie d’études et de
travaux. Elle venait d’obtenir une médaille au Salon pour un bénitier
représentant Saint Denis ressuscitant pour bénir l’eau baptismale de la
France. Mais la révolte contre les Bourbons la fit bondir d’indi-
gnation et avec cette ardeur masculine et cette volonté de femme
qu’elle apportait à ses résolutions, elle ne rêva plus que de se
dévouer à ses bienfaiteurs. L’art pour le moment ne fut plus que sa
seconde passion. Les idées de lutte et de guerre prirent le dessus.
Aller en Vendée devint son idée fixe. Aussitôt que la résistance
s’organisa elle fut des premières à rejoindre Mmode LaRochejacquelein
dont elle se fit l’aide de camp. On reconstruisait les anciens comman-
dements vendéens, la prise d’armes se décidait dans l’ombre; Félicie
prenait une part active à ces préparatifs. Avec le courage d’un
homme, elle s’en allait seule par les bois, la nuit, dans toutes les
maisons de paysans, pour prendre le calibre de leurs fusils et
préparer les balles qu’il fallait à chacun.
Quoique à peine âgée de trente ans elle agissait sans aucune
crainte pour elle-même. Le jour, elle remplissait l'office de secrétaire,
elle expédiait les courriers et faisait la correspondance, se complai-
sant avec une jouissance infinie à toutes les ruses et intrigues de la
conspiration. Ses déguisements étaient variés avec intelligence; elle
allait nu-pieds, un paquet sur la tête, quelquefois en homme, à
cheval, en carriole; tout lui était bon et rien ne l’embarassait. —Cela
se passait en 1832. — Une maladresse des conjurés mit alors le gou-
vernement sur la trace des principaux chefs, et pour faire échapper
Mmo de la Rochejacquelein, plus importante qu’elle au parti, elle se
laissa prendre à sa place. Elle fut menée en prison, les fers aux mains,
et y resta huit mois. — Sa mère vint l’y rejoindre et s’y enfermer
avec elle.
Mise au secret, il lui fallut passer vingt-quatre heures enfermée
avec des filles publiques avant d’occuper la cellule qui lui était
destinée. On instruisit longuement son procès; Berryer s’était offert
à la défendre, mais elle refusa et se présenta seule à ses juges. Son
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Cayla elle avait à la cour une protection bienveillante et avec cette
largesse de cœur qu’elle a toujours gardée, elle mettait tout son
crédit au service de ceux qu’elle aimait. C’est ainsi qu’elle sollicita
et obtint pour Delaroclie la commande d’un plafond au Louvre que
la révolution l’empêcha d’exécuter. A cette époque il peignait son
tableau des Enfants d’Édouard et ce fut la jeune sœur de Félicie qui
posa pour une des figures.
La révolution de 1830 la trouva dans cette vie d’études et de
travaux. Elle venait d’obtenir une médaille au Salon pour un bénitier
représentant Saint Denis ressuscitant pour bénir l’eau baptismale de la
France. Mais la révolte contre les Bourbons la fit bondir d’indi-
gnation et avec cette ardeur masculine et cette volonté de femme
qu’elle apportait à ses résolutions, elle ne rêva plus que de se
dévouer à ses bienfaiteurs. L’art pour le moment ne fut plus que sa
seconde passion. Les idées de lutte et de guerre prirent le dessus.
Aller en Vendée devint son idée fixe. Aussitôt que la résistance
s’organisa elle fut des premières à rejoindre Mmode LaRochejacquelein
dont elle se fit l’aide de camp. On reconstruisait les anciens comman-
dements vendéens, la prise d’armes se décidait dans l’ombre; Félicie
prenait une part active à ces préparatifs. Avec le courage d’un
homme, elle s’en allait seule par les bois, la nuit, dans toutes les
maisons de paysans, pour prendre le calibre de leurs fusils et
préparer les balles qu’il fallait à chacun.
Quoique à peine âgée de trente ans elle agissait sans aucune
crainte pour elle-même. Le jour, elle remplissait l'office de secrétaire,
elle expédiait les courriers et faisait la correspondance, se complai-
sant avec une jouissance infinie à toutes les ruses et intrigues de la
conspiration. Ses déguisements étaient variés avec intelligence; elle
allait nu-pieds, un paquet sur la tête, quelquefois en homme, à
cheval, en carriole; tout lui était bon et rien ne l’embarassait. —Cela
se passait en 1832. — Une maladresse des conjurés mit alors le gou-
vernement sur la trace des principaux chefs, et pour faire échapper
Mmo de la Rochejacquelein, plus importante qu’elle au parti, elle se
laissa prendre à sa place. Elle fut menée en prison, les fers aux mains,
et y resta huit mois. — Sa mère vint l’y rejoindre et s’y enfermer
avec elle.
Mise au secret, il lui fallut passer vingt-quatre heures enfermée
avec des filles publiques avant d’occuper la cellule qui lui était
destinée. On instruisit longuement son procès; Berryer s’était offert
à la défendre, mais elle refusa et se présenta seule à ses juges. Son