THOMAS LAWRENCE.
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à ce moment absolument prouvés. Il fut condamné à la relégation
perpétuelle. Déporté à HobartTown, en Tasmanie, il paraît y avoir
continué à partager sa vie entre l’art et le crime. Lady Blessington,
l’amie de Dickens, reçut en 1847 de son frère, qui faisait alors partie
de la garnison de Hobart Town, un portrait de jeune fille peint par
le forçat Wainewright : c’était une œuvre habile et élégante, traitée,
comme la plupart des portraits de Wainewright, dans le style de
Lawrence. Mais le peintre avait mis dans les yeux de son modèle
une expression de cruauté qui contrastait désagréablement avec
l’innocence enfantine des traits. A deux reprises pendant sa reléga-
tion, Wainewright tenta, mais les deux fois sans succès, de se
débarrasser par le poison de personnes dont la société le gênait. Il
mourut enfin lui-même d’une attaque d’apoplexie, en 1852, à
cinquante-huit ans.
Bien que très bavard et enclin aux confidences, il n’aimait pas à
s’entretenir de ses crimes : de sorte que le côté de T assassin, dans sa
psychologie, est toujours resté assez mystérieux. Il paraît sûr,
cependant, que jamais cet abominable personnage n’a eu la moindre
conscience de l’immoralité de ses actes. Jamais il n’a rien fait voir
qui ressemblât à du repentir. Et suivant toute probabilité, l’intérêt
a tenu moins de place, parmi les motifs de ses crimes, qu’un certain
sadisme intellectuel, un goût quasi esthétique du meurtre, qui se
retrouve malheureusement, sinon dans les actes, du moins dans les
théories de plus d’un écrivain anglais. Thomas de Quincey, l’ami de
Wainewright, le plus admirable poète en prose de la littérature
anglaise, ne plaisantait pas autant qu’on pourrait croire quand il a
écrit son fameux traité sur ïAssassinat considéré comme l’un des beaux-
ails. Et il est assez de mode parmi les jeunes dandies d’à présent
d’affecter de voir dans les crimes, en dehors de leur valeur morale,
une valeur artistique plus ou moins haute, d’après le degré d’habileté
du plan et de l’exécution.
Aussi, les biographes n’ont-ils pas manqué à Wainewright, dans
son pays, et la plupart ne lui ont-ils pas ménagé les témoignages de
leur sympathie. Le dernier en date, M. Oscar Wilde, a consacré au
peintre assassin une façon d'Éloge d’ailleurs tout à fait remarquable,
si Ton consent à y voir seulement une intention d’humour macabre
et pince-sans-rire L
Sir Thomas Lawrence, sans doute, s'il avait connu les crimes de
1. Oscar Wilde, Intentions, 1 vol., Londres, 1891.
VIII.
3e PÉRIODE.
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à ce moment absolument prouvés. Il fut condamné à la relégation
perpétuelle. Déporté à HobartTown, en Tasmanie, il paraît y avoir
continué à partager sa vie entre l’art et le crime. Lady Blessington,
l’amie de Dickens, reçut en 1847 de son frère, qui faisait alors partie
de la garnison de Hobart Town, un portrait de jeune fille peint par
le forçat Wainewright : c’était une œuvre habile et élégante, traitée,
comme la plupart des portraits de Wainewright, dans le style de
Lawrence. Mais le peintre avait mis dans les yeux de son modèle
une expression de cruauté qui contrastait désagréablement avec
l’innocence enfantine des traits. A deux reprises pendant sa reléga-
tion, Wainewright tenta, mais les deux fois sans succès, de se
débarrasser par le poison de personnes dont la société le gênait. Il
mourut enfin lui-même d’une attaque d’apoplexie, en 1852, à
cinquante-huit ans.
Bien que très bavard et enclin aux confidences, il n’aimait pas à
s’entretenir de ses crimes : de sorte que le côté de T assassin, dans sa
psychologie, est toujours resté assez mystérieux. Il paraît sûr,
cependant, que jamais cet abominable personnage n’a eu la moindre
conscience de l’immoralité de ses actes. Jamais il n’a rien fait voir
qui ressemblât à du repentir. Et suivant toute probabilité, l’intérêt
a tenu moins de place, parmi les motifs de ses crimes, qu’un certain
sadisme intellectuel, un goût quasi esthétique du meurtre, qui se
retrouve malheureusement, sinon dans les actes, du moins dans les
théories de plus d’un écrivain anglais. Thomas de Quincey, l’ami de
Wainewright, le plus admirable poète en prose de la littérature
anglaise, ne plaisantait pas autant qu’on pourrait croire quand il a
écrit son fameux traité sur ïAssassinat considéré comme l’un des beaux-
ails. Et il est assez de mode parmi les jeunes dandies d’à présent
d’affecter de voir dans les crimes, en dehors de leur valeur morale,
une valeur artistique plus ou moins haute, d’après le degré d’habileté
du plan et de l’exécution.
Aussi, les biographes n’ont-ils pas manqué à Wainewright, dans
son pays, et la plupart ne lui ont-ils pas ménagé les témoignages de
leur sympathie. Le dernier en date, M. Oscar Wilde, a consacré au
peintre assassin une façon d'Éloge d’ailleurs tout à fait remarquable,
si Ton consent à y voir seulement une intention d’humour macabre
et pince-sans-rire L
Sir Thomas Lawrence, sans doute, s'il avait connu les crimes de
1. Oscar Wilde, Intentions, 1 vol., Londres, 1891.
VIII.
3e PÉRIODE.
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