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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
exceptionnel, et les sculptures de pierre ne diffèrent point, semble-
t-il, des productions contemporaines de la région rhénane : sans
s’arrêter à la porte nord de l’église de Dinant, qui est plus dégradée
encore que celle de Tournai, le chœur de Notre-Dame et le tympan
de Saint-Servais de Maestricht, comme celui de Saint-Maur, à Huy1,
sont très analogues à des œuvres allemandes du Rhin, et s’il faut
mettre hors de pair un morceau vraiment exquis, la Vierge de dom
Rupert2 du Musée archéologique de Liège, que nous croirions
d’ailleurs très proche du xmc siècle, tant l’exécution en est moel-
leuse, ils ne se distinguent assurément par aucune recherche d’ex-
pression de ces modèles, eux-mêmes quelque peu figés3.
Cette influence de l’art allemand, pour des raisons de voisinage,
se fera toujours plus ou moins sentir dans la région mosane ;
partout ailleurs, avec les progrès de la monarchie de Philippe-
Auguste et de saint Louis, l’action de l’art français, peu sensible
encore au xuc siècle, s’étendra, et elle ne tardera pas à devenir pré-
pondérante. Au xmc siècle, de toutes parts, la culture française pénètre
le pays. Le flamand demeure la langue du peuple, mais, dans
les cours, c’est le français qui se parle; les princes, souvent d’ori-
gine française, adoptent clans leurs châteaux les modes qui régnent
parmi les seigneurs français leurs parents ou leurs alliés; les bour-
geois enrichis par le commerce, à Bruges ou à Bruxelles,imitent le
ton des gens de cour, et, tout naturellement, avec les habitudes
françaises, l’art français s’introduit dans les Pays-Bas, sans lutte et
par le seul effet du rayonnement de la civilisation de la France du
NorclL Les Flandres ne faisaient d’ailleurs que suivre le courant
général qui entraînait l’Europe, et si une école aussi fortement con-
stituée que celle qui avait produit les chefs-d’œuvre de la sculpture
1. Ces deux derniers monuments sont reproduits dans Helbig, op.cit., p. 22
et25. Scliaepkens a reproduit de nombreux fragments de sculpture de Maestricht
dans les Annales de VAcadémie d'archéologie de Belgique, Anvers, 1848, p. 08;
voir aussi année 1855, p. 232.
2. Ce joli bas-relief a été reproduit par Helbig, op. cit., pl. VI, et par Marchai,
op. cit., pl. I. Voir J. Daris, Bulletin de l'Institut archéologique liégeois, 1886, p. 136,
et Ch. de Linas, L’Art et l’industrie d'autrefois clans les régions de la Meuse belge
(Mémoires de l'Académie d'Arras, t. LT, 188L). M. de Linas croit ce monument du
xi° siècle, ce qui est inadmissible.
3. L’orfèvrerie mosane du xue siècle (les châsses de Saint-Servais à Maestricht,
de Godefroid de Clair à Iluy et de l’école de Stavelot, en témoignent) est aussi
d’inspiration germanique. Voir Helbig, op. cit., livre n.
4. Sur l’introduction de la civilisation française, voir Pirenne, op. cit., t. I,
1. ii, ch. v, et F. Funck-Brentano, Philippe le Bel et la Flandre (Paris, 1897, in-8°),
ch. i.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
exceptionnel, et les sculptures de pierre ne diffèrent point, semble-
t-il, des productions contemporaines de la région rhénane : sans
s’arrêter à la porte nord de l’église de Dinant, qui est plus dégradée
encore que celle de Tournai, le chœur de Notre-Dame et le tympan
de Saint-Servais de Maestricht, comme celui de Saint-Maur, à Huy1,
sont très analogues à des œuvres allemandes du Rhin, et s’il faut
mettre hors de pair un morceau vraiment exquis, la Vierge de dom
Rupert2 du Musée archéologique de Liège, que nous croirions
d’ailleurs très proche du xmc siècle, tant l’exécution en est moel-
leuse, ils ne se distinguent assurément par aucune recherche d’ex-
pression de ces modèles, eux-mêmes quelque peu figés3.
Cette influence de l’art allemand, pour des raisons de voisinage,
se fera toujours plus ou moins sentir dans la région mosane ;
partout ailleurs, avec les progrès de la monarchie de Philippe-
Auguste et de saint Louis, l’action de l’art français, peu sensible
encore au xuc siècle, s’étendra, et elle ne tardera pas à devenir pré-
pondérante. Au xmc siècle, de toutes parts, la culture française pénètre
le pays. Le flamand demeure la langue du peuple, mais, dans
les cours, c’est le français qui se parle; les princes, souvent d’ori-
gine française, adoptent clans leurs châteaux les modes qui régnent
parmi les seigneurs français leurs parents ou leurs alliés; les bour-
geois enrichis par le commerce, à Bruges ou à Bruxelles,imitent le
ton des gens de cour, et, tout naturellement, avec les habitudes
françaises, l’art français s’introduit dans les Pays-Bas, sans lutte et
par le seul effet du rayonnement de la civilisation de la France du
NorclL Les Flandres ne faisaient d’ailleurs que suivre le courant
général qui entraînait l’Europe, et si une école aussi fortement con-
stituée que celle qui avait produit les chefs-d’œuvre de la sculpture
1. Ces deux derniers monuments sont reproduits dans Helbig, op.cit., p. 22
et25. Scliaepkens a reproduit de nombreux fragments de sculpture de Maestricht
dans les Annales de VAcadémie d'archéologie de Belgique, Anvers, 1848, p. 08;
voir aussi année 1855, p. 232.
2. Ce joli bas-relief a été reproduit par Helbig, op. cit., pl. VI, et par Marchai,
op. cit., pl. I. Voir J. Daris, Bulletin de l'Institut archéologique liégeois, 1886, p. 136,
et Ch. de Linas, L’Art et l’industrie d'autrefois clans les régions de la Meuse belge
(Mémoires de l'Académie d'Arras, t. LT, 188L). M. de Linas croit ce monument du
xi° siècle, ce qui est inadmissible.
3. L’orfèvrerie mosane du xue siècle (les châsses de Saint-Servais à Maestricht,
de Godefroid de Clair à Iluy et de l’école de Stavelot, en témoignent) est aussi
d’inspiration germanique. Voir Helbig, op. cit., livre n.
4. Sur l’introduction de la civilisation française, voir Pirenne, op. cit., t. I,
1. ii, ch. v, et F. Funck-Brentano, Philippe le Bel et la Flandre (Paris, 1897, in-8°),
ch. i.