QUELQUES RÉFLEXIONS SUR LES SALONS
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marquer et charger? C’est justement ce que je vous prierais de vous
demander.
Ensuite, par contraste, vous penserez à M. Simon, el vous admi-
rerez cette volonté un peu hautaine, un peu inflexible, qui lui fait
construire une œuvre forte et saine, sans défaut que l’on puisse dire,
sinon une force qui exclut un peu la grâce, et une vue des choses
trop grande, qui fait éclater les limites des cadres, et viole les dimen-
sions des tableaux. Je parle surtout de ses portraits; mais encore de
tous ses tableaux, car ils sont tous des portraits, telles ces vigou-
reuses études de vieillards pitoyables et graves, dans la lumière
blanche d’une salle d’hospice. Je voudrais qu’un vaste mur fut donné
à décorer au robuste ouvrier de toutes ces œuvres austères; car elles
me semblent parfois manquer de centre et de composition, et me
font alors l’effet de fragments superbes détachés d’une fresque
ignorée.
Et, par un nouveau contraste, je placerais à l’extrémité de mon
exposition de portraits ce mystique charmant, aux idées un peu
cherchées, M. Aman-Jean. Celui-là est un symboliste et veut l’être.
Je crois le bien comprendre. Le signe de reconnaissance qu’il me
tend est une pièce d’or d’une frappe un peu étrange, à la devise un
peu énigmatique. Mais la langue est connue des délicats; la pensée
a parfois quelque peine à se dégager; quand elle se dégage, on la
découvre rare.
Voilà donc que notre bonne métaphore nous a conduits jus-
qu’ici. Il faut en finir avec elle, après lui avoir demandé encore de
nous dire la dernière partie et la plus belle du secret qu’elle ren-
ferme. Tout n’est que symbole dans l’art, depuis les grafittes des
grottes de la Vézère jusqu’aux portraits des Français et des Fran-
çaises à l’entrée du xxe siècle. Mais, pour qu’un symbole soit un
bon signe, il faut qu’il signifie quelque chose. Ma pièce de monnaie
ne vaut rien, si elle n’est pas le témoin d’une valeur, d’un crédit
réel. Ces principes ont été fixés jadis par le plus grand, sans doute,
des symbolistes de tous les temps, Dante, dans le merveilleux livre
de la Vita nuova. Il part naturellement de cette règle, admise de
tous au moyen âge, que tout poème doit avoir un sens caché. Il n’est
pas nécessaire, bien au contraire, que ce sens apparaisse tout sem-
blable au poète qui l’y a caché, et au lecteur qui l’y cherche. Il est
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marquer et charger? C’est justement ce que je vous prierais de vous
demander.
Ensuite, par contraste, vous penserez à M. Simon, el vous admi-
rerez cette volonté un peu hautaine, un peu inflexible, qui lui fait
construire une œuvre forte et saine, sans défaut que l’on puisse dire,
sinon une force qui exclut un peu la grâce, et une vue des choses
trop grande, qui fait éclater les limites des cadres, et viole les dimen-
sions des tableaux. Je parle surtout de ses portraits; mais encore de
tous ses tableaux, car ils sont tous des portraits, telles ces vigou-
reuses études de vieillards pitoyables et graves, dans la lumière
blanche d’une salle d’hospice. Je voudrais qu’un vaste mur fut donné
à décorer au robuste ouvrier de toutes ces œuvres austères; car elles
me semblent parfois manquer de centre et de composition, et me
font alors l’effet de fragments superbes détachés d’une fresque
ignorée.
Et, par un nouveau contraste, je placerais à l’extrémité de mon
exposition de portraits ce mystique charmant, aux idées un peu
cherchées, M. Aman-Jean. Celui-là est un symboliste et veut l’être.
Je crois le bien comprendre. Le signe de reconnaissance qu’il me
tend est une pièce d’or d’une frappe un peu étrange, à la devise un
peu énigmatique. Mais la langue est connue des délicats; la pensée
a parfois quelque peine à se dégager; quand elle se dégage, on la
découvre rare.
Voilà donc que notre bonne métaphore nous a conduits jus-
qu’ici. Il faut en finir avec elle, après lui avoir demandé encore de
nous dire la dernière partie et la plus belle du secret qu’elle ren-
ferme. Tout n’est que symbole dans l’art, depuis les grafittes des
grottes de la Vézère jusqu’aux portraits des Français et des Fran-
çaises à l’entrée du xxe siècle. Mais, pour qu’un symbole soit un
bon signe, il faut qu’il signifie quelque chose. Ma pièce de monnaie
ne vaut rien, si elle n’est pas le témoin d’une valeur, d’un crédit
réel. Ces principes ont été fixés jadis par le plus grand, sans doute,
des symbolistes de tous les temps, Dante, dans le merveilleux livre
de la Vita nuova. Il part naturellement de cette règle, admise de
tous au moyen âge, que tout poème doit avoir un sens caché. Il n’est
pas nécessaire, bien au contraire, que ce sens apparaisse tout sem-
blable au poète qui l’y a caché, et au lecteur qui l’y cherche. Il est