DOI issue:
Nr. 1
DOI article:Cochin, Henry: Quelques réflexions sur les Salons, [2]
DOI Page / Citation link:https://doi.org/10.11588/diglit.24812#0048
QUELQUES RÉFLEXIONS SUR LES SALONS
39
tricher avec la nature, comme il arrive à ce grand homme qui
aime tant à surprendre ses humbles adorateurs, M. Rodin. absent
d’ici, et que je retrouve seulement en de nombreux imitateurs, —
et, en passant, parmi ceux-ci, je salue le talent de Mlle Claudel; —
on a beau donner à son œuvre l’aspect général d’une coulée informe
de bronze ou d’un marbre
fruste, — ce que fait cette
année, à son tour, l’ingénieux
M. de Saint-Marceaux ; — avec
ou sans un voile, la forme
reste toujours l'élément même
de la sculpture.
Le sculpteur me paraît
grand à proportion qu’il com-
prend son rôle de bâtisseur.
Il lui faut construire, comme
son frère l’architecte, cons-
truire en solides matériaux
un édifice humain, rythmique
et cadencé, mesurant son
espace dans l’air, et justement
proportionné à la place qui
lui est destinée. Ainsi fut
conçu le Marc-Aurèle du Ca-
pitole, sur lequel, au xvme
siècle, sut si abondamment
disserter notre maître Falco-
net ; ainsi encore les Termes
de nos Tuileries, les tombeaux
de Yenise, les statues du por-
tail des Libraires à Rouen, et
les Esclaves de Michel-Ange.
Je me méfie, l’avouerai-je, des statues faites pour elles-mêmes,
« pour rien, pour le plaisir », destinées à varier seulement la série
des gestes et des attitudes dans les salles des musées. Je conçois la
sculpture comme un art utile au peuple, à la Cité, à l’Etat, à Dieu, et
le sculpteur comme le robuste ouvrier d’une maçonnerie idéale; je
pense que Barbier donnait à Michel-Ange la qualité qui lui convenait
en lui disant :
ADOLESCENCE
BRONZE PAR M. J. THOMAS
(Société des Artistes français.)
... O grand tailleur de pierres!
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tricher avec la nature, comme il arrive à ce grand homme qui
aime tant à surprendre ses humbles adorateurs, M. Rodin. absent
d’ici, et que je retrouve seulement en de nombreux imitateurs, —
et, en passant, parmi ceux-ci, je salue le talent de Mlle Claudel; —
on a beau donner à son œuvre l’aspect général d’une coulée informe
de bronze ou d’un marbre
fruste, — ce que fait cette
année, à son tour, l’ingénieux
M. de Saint-Marceaux ; — avec
ou sans un voile, la forme
reste toujours l'élément même
de la sculpture.
Le sculpteur me paraît
grand à proportion qu’il com-
prend son rôle de bâtisseur.
Il lui faut construire, comme
son frère l’architecte, cons-
truire en solides matériaux
un édifice humain, rythmique
et cadencé, mesurant son
espace dans l’air, et justement
proportionné à la place qui
lui est destinée. Ainsi fut
conçu le Marc-Aurèle du Ca-
pitole, sur lequel, au xvme
siècle, sut si abondamment
disserter notre maître Falco-
net ; ainsi encore les Termes
de nos Tuileries, les tombeaux
de Yenise, les statues du por-
tail des Libraires à Rouen, et
les Esclaves de Michel-Ange.
Je me méfie, l’avouerai-je, des statues faites pour elles-mêmes,
« pour rien, pour le plaisir », destinées à varier seulement la série
des gestes et des attitudes dans les salles des musées. Je conçois la
sculpture comme un art utile au peuple, à la Cité, à l’Etat, à Dieu, et
le sculpteur comme le robuste ouvrier d’une maçonnerie idéale; je
pense que Barbier donnait à Michel-Ange la qualité qui lui convenait
en lui disant :
ADOLESCENCE
BRONZE PAR M. J. THOMAS
(Société des Artistes français.)
... O grand tailleur de pierres!