SUR QUELQUES ŒUVRES DE LOUIS ET DE MATHIEU LE NAIN 37
De tels sujets ne sont pas sans analogie avec ceux que, vers le même
temps ou un peu plus tard, les petits maîtres hollandais affectionnèrent, et
certains diront que ceux-ci y ont fait preuve d’une perfection technique et
d’un brillant coloris auxquels Mathieu ne peut prétendre. Mais Mathieu
reprend l’avantage par une sorte de décence discrète et paisible qui donne
une réelle dignité, j’ose même dire une grandeur simple, à des scènes si
familières et, plus encore, par l’accent de ces regards, l'expression de ces
LE JARDINIER, PAR MATHIEU LE NAIN
(Collection de M. Louis Sambon.)
visages, où la vie profonde se trahit comme dans les plus véridiques et les
plus saisissants des portraits. Le sentiment qui anime ces œuvres modestes
est entièrement original et nouveau. Il faut attendre un siècle et aller jusqu’à
Chardin pour trouver cet esprit d’intimité et de vérité sans affectation de
réalisme. Chardin, certes, est un plus grand peintre ; sa poésie est plus sub-
tile, son exécution à la fois plus sûre et plus raffinée. Mais ce n’est pas lui
faire tort que de remarquer qu’il n’est pas un constructeur de visages humains,
un portraitiste comparable à Louis et à Mathieu Le Nain, et que, d’autre
part, le format adopté par ces derniers pour leurs peintures de la vie rus-
De tels sujets ne sont pas sans analogie avec ceux que, vers le même
temps ou un peu plus tard, les petits maîtres hollandais affectionnèrent, et
certains diront que ceux-ci y ont fait preuve d’une perfection technique et
d’un brillant coloris auxquels Mathieu ne peut prétendre. Mais Mathieu
reprend l’avantage par une sorte de décence discrète et paisible qui donne
une réelle dignité, j’ose même dire une grandeur simple, à des scènes si
familières et, plus encore, par l’accent de ces regards, l'expression de ces
LE JARDINIER, PAR MATHIEU LE NAIN
(Collection de M. Louis Sambon.)
visages, où la vie profonde se trahit comme dans les plus véridiques et les
plus saisissants des portraits. Le sentiment qui anime ces œuvres modestes
est entièrement original et nouveau. Il faut attendre un siècle et aller jusqu’à
Chardin pour trouver cet esprit d’intimité et de vérité sans affectation de
réalisme. Chardin, certes, est un plus grand peintre ; sa poésie est plus sub-
tile, son exécution à la fois plus sûre et plus raffinée. Mais ce n’est pas lui
faire tort que de remarquer qu’il n’est pas un constructeur de visages humains,
un portraitiste comparable à Louis et à Mathieu Le Nain, et que, d’autre
part, le format adopté par ces derniers pour leurs peintures de la vie rus-