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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
emprunte à Y Ecorché son attitude et le geste de son bras droit étendu, Saint
Bruno — personne ne semble l’avoir encore remarqué, malgré une identité
manifeste — lui doit sa tête émaciée, au crâne rasé, aux joues creuses d’ascète.
La statue monumentale de Saint Jean que Houdon, pressé sans doute de
rentrer à Paris, n'avait pu exécuter en marbre, ne fait plus pendant aujour-
d’hui au Saint Bruno dans l’église des Chartreux de Rome. Dierks l’avait
vue encore en place en 1887 1. Mais dans la nuit du 3 au 4 juin 1894, cette
gigantesque statue de plâtre, haute de 3mi5 et sans doute peu solide sur sa
base, s’écroula et se brisa en miettes ; les débris furent jetés aux gravats.
L’œuvre de IToudon semblait donc définitivement perdue : on ne pouvait
plus en juger que par le moulage de la tête du saint, conservé au Musée de
Gotha.
Par bonheur Houdon avait laissé à Rome un autre modèle, plus petit, de
sa statue — analogue sans doute à celui qu il exposait à Paris au Salon de
1769, — et c’est ce modèle réduit, de im70, que M. Bertini Calosso, inspec-
teur de la Galerie Borghèse, a eu en 1921 la bonne fortune de retrouver
dans un coin du Musée national romain qui occupe précisément l’ancien
couvent des Chartreux. A vrai dire, ce plâtre était en assez mauvais état et
même brisé en plusieurs morceaux ; mais il était réparable et après un
patient travail de restauration, il a pu être reconstitué. On ne pouvait pas
songer à le replacer à Sainte-Marie-des-Anges puisque ses dimensions sont
inférieures de moitié au plâtre qui faisait naguère pendant au Saint Bruno.
Le Musée national des Thermes étant réservé aux antiques, on l’a transporté
à la Galerie Borghèse, non loin de la célèbre Pauline Borghèse de Canova.
M. Bertini Calosso, dont nous avions déjà eu le plaisir de signaler la décou-
verte le 7 janvier 1922 à la Société d histoire de l’art français, l’a publié
tout récemment dans un très intéressant article de la belle revue d’art
italienne Declalo 2.
Il suffît de comparer cette statue de Saint Jean, qui vient ainsi de nous être
rendue, àl'Ecorché de 1767, pour constater l’étroite ressemblance des deux
œuvres. C’est de part et d'autre la même attitude, le même geste du bras
étendu, les mêmes indications de musculature ; il n’est pas jusqu’au tronc
d’arbre auquel s’appuie le Saint Jean prêchant dans le désert qui ne se re-
trouve dans les plus anciens exemplaires de Y Ecorché, tel que celui qui est
conservé à la Villa Médicis 3. Il n’y a de différence que dans la tête, qui est
1. Dierks, Houdons Leben und Werke\ Gotha, 1887.
2. Bertini Calosso, Il San Giovanni Baltista di Giovanni Antonio Houdon (Dedalo, octobre
x922)-
3. L’exemplaire donné par Houdon à l’Académie de France à Rome porte la signature
de l’artiste et la date de 1767.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
emprunte à Y Ecorché son attitude et le geste de son bras droit étendu, Saint
Bruno — personne ne semble l’avoir encore remarqué, malgré une identité
manifeste — lui doit sa tête émaciée, au crâne rasé, aux joues creuses d’ascète.
La statue monumentale de Saint Jean que Houdon, pressé sans doute de
rentrer à Paris, n'avait pu exécuter en marbre, ne fait plus pendant aujour-
d’hui au Saint Bruno dans l’église des Chartreux de Rome. Dierks l’avait
vue encore en place en 1887 1. Mais dans la nuit du 3 au 4 juin 1894, cette
gigantesque statue de plâtre, haute de 3mi5 et sans doute peu solide sur sa
base, s’écroula et se brisa en miettes ; les débris furent jetés aux gravats.
L’œuvre de IToudon semblait donc définitivement perdue : on ne pouvait
plus en juger que par le moulage de la tête du saint, conservé au Musée de
Gotha.
Par bonheur Houdon avait laissé à Rome un autre modèle, plus petit, de
sa statue — analogue sans doute à celui qu il exposait à Paris au Salon de
1769, — et c’est ce modèle réduit, de im70, que M. Bertini Calosso, inspec-
teur de la Galerie Borghèse, a eu en 1921 la bonne fortune de retrouver
dans un coin du Musée national romain qui occupe précisément l’ancien
couvent des Chartreux. A vrai dire, ce plâtre était en assez mauvais état et
même brisé en plusieurs morceaux ; mais il était réparable et après un
patient travail de restauration, il a pu être reconstitué. On ne pouvait pas
songer à le replacer à Sainte-Marie-des-Anges puisque ses dimensions sont
inférieures de moitié au plâtre qui faisait naguère pendant au Saint Bruno.
Le Musée national des Thermes étant réservé aux antiques, on l’a transporté
à la Galerie Borghèse, non loin de la célèbre Pauline Borghèse de Canova.
M. Bertini Calosso, dont nous avions déjà eu le plaisir de signaler la décou-
verte le 7 janvier 1922 à la Société d histoire de l’art français, l’a publié
tout récemment dans un très intéressant article de la belle revue d’art
italienne Declalo 2.
Il suffît de comparer cette statue de Saint Jean, qui vient ainsi de nous être
rendue, àl'Ecorché de 1767, pour constater l’étroite ressemblance des deux
œuvres. C’est de part et d'autre la même attitude, le même geste du bras
étendu, les mêmes indications de musculature ; il n’est pas jusqu’au tronc
d’arbre auquel s’appuie le Saint Jean prêchant dans le désert qui ne se re-
trouve dans les plus anciens exemplaires de Y Ecorché, tel que celui qui est
conservé à la Villa Médicis 3. Il n’y a de différence que dans la tête, qui est
1. Dierks, Houdons Leben und Werke\ Gotha, 1887.
2. Bertini Calosso, Il San Giovanni Baltista di Giovanni Antonio Houdon (Dedalo, octobre
x922)-
3. L’exemplaire donné par Houdon à l’Académie de France à Rome porte la signature
de l’artiste et la date de 1767.