N° ô.
î 3 Février 1872.
Quatorzième Année.
JOURNAL DES BEAUX-ARTS
ET DE LA L
paraissant deux fois par mois, sons La direction de M. Ad. SlliET, memlire de l'Académie n
l'Institut des provinces de France, de la Société française d'Arcliéologi
On s'abonne: à Anvers, chez TESSAKO, éditeur ; à Bruxelles, chez DECQ et MUQUARDT ; à Gand, chez
HOSTE et ROGGÉ ; à Liège, chez DE SOER et DECQ ; dans les autres villes, chez tous les libraires. Pour l’Al-
lemagne, la Russie et l’Amérique : C. MUQUARDT. La France : VeRENOUARD, Paris. Pour la Hollande :
MARTINUS NYHOFF, à la Haye. Pour l’Angleterre et l’Irlande : chezBARTHÈS et LCTWELL, 14, Great
Marlborougli Street, à Londres. — p-rix d’abonnement : pour toute la Belgique, (port compris).
Par an, 8 fr. — Étranger, (port compris) : Allemagne, 3 tlil 10 gr. — France, 11 fr. — Hollande, 5 fl.—
T TÉRATURE
raie de Belgique, memlire correspondant de la Commission royale des monuments, memlire de
e, de l'Académie de Reims, de l'Académie d'Archéologie de Madrid, etc.
Angleterre et Irlande, 8. s. 6 d. — Prix par numéro 40 c. — Réclames : 50 c. la ligne. — Pour les
grandes annonces on traite à forfait. — Annonces : 30 c. la ligne. — Pour tout ce qui regarde l’admini-
stration ou les annonces s’adresser à M. le Directeur du Journal df.s Beaux-Arts, rue du Casino, à
St-Nicolas. —Il pourra être vendu compte des ouvrages dont un exemplaire sera adressé à la rédaction. —
M. C. MUQUARDT est le seul éditeur et représentant du JOURNAL DES Beaux-Arts pour l’Allemagne, la
Russie et l’Amérique.
SOMMAIRE : Belgique. Corr. part. Bruxelles.
— La pierre bleue et la pierre blanche. — Ca-
talogue raisonné de livres et objets d’art à
donner en prix. — France. Corr. particulière
Paris. — Chronique générale. — Annonces.
BELGIQUE.
(Correspondance particulière.)
Bruxelles, 9 Février 1872.
Mon cher Directeur,
Ce dont on s’occupe avant tout dans le
inonde artiste de Bruxelles, c’est de la pro-
chaine exposition... de Londres. C’est vers
là que tendent tous les efforts et c'est pour
là que s’en iront les plus belles œuvres. Le
succès y est sûr. L’école belge y a conquis
une célébrité incontestable et vous verrez
avec quelle rapidité les toiles de nos pein-
tres serontenlevées par les amateursanglais.
Applaudissements de la presse et du public,
vente garantie à des gens qui ne regardent
guère au prix et qui après avoir acheté achè-
tent encore, voilà plus qu’il n’en faut pour
stimuler le zèle, l’activité, l’amour-propre,
si ce n’est le génie de l’artiste, dans ce
siècle où l’une des premières préoccupations
est de faire des affaires, dans l’art, mon Dieu,
comme dans le commerce et dans l’industrie.
On commence par travailler pour acquérir
de la gloire, mais, la gloire acquise, qu’en
ferait-on si elle restait improductive, une
sorte de crédit ouvert dont on ne profite-
rait pas ?
Il serait donc impossible, pour ne pas
dire niais, de blâmer ceux qui devant la cé-
lébrité, le talent, à leur travail et à leur
persévérance , recherchent les meilleurs
moyens ou en profitent pour placcrce qu’ils
produisent.
11 est à craindre que notre exposition
triennale de 1872 n’ait à s’en ressenlir et
que, si la quantité des œuvres qui y seront
envoyées ne reste pas en dessous du résultat
des expositions précédentes, il ne se pro-
duise un certain déficit en ce qui concerne
la qualité. On peut assurer, en science cer-
taine,que laplupartdcnos maitresquicroient
que pour eux tous les lauriers sont coupés,
ne viendront plus au bois. Il y aura les ar-
tistes à qui la gloire sourit, et combien
ne seront pas allé, rechercher une scène un
peu plus grande. Enfin, ceuxà qui la gloire
s’obstine à faire la moue ou qu’elle n’a pas
encore eu l’occasion de couronner, et alors
il faudra bien que ces derniers qui seront
les premiers, nous viennent en grand nom-
bre si nous voulons que le prochain Salon
belge ail quelque éclat.
On regrette généralement quelacommis-
sion organisatrice ne soit pas encore dési-
gnée, qu’elle n’ait point formulé de pro-
gramme , dès lors. Cette tiédeur dans
l’organisation, sert d’excuse à beaucoup d’ar-
tistes pour justifier une abstention probable
que l’exposition de Londres seule explique.
Je suis pessimiste comme pas un au-
jourd’hui. Une prochaine correspondance
aura peut-être l’occasion d’ètre moins dé-
sespérante.
11 y a une autre circonstance qui pour le
moment me confirme dans les doutes que
je vous exprime ci-dessus. Non pas que je
la regrette, mais elle va mettre nos sommités
artistiques à même de se montrer sans
avoir à attendre une exhibition générale.
Vous devez la connaître mieux que personne,
mon cher Directeur ; vous êtes de la maison
où la décision a été prise, et, s’il y a indis-
crétion à en parler, laissez-moi toute la
responsabilité de cette indiscrétion-là, qui
est une trop bonne, une trop excellente
nouvelle pour ne pas tenter l’intempérance
de langue d’un correspondant.
L’Académie royale des lettres, des scien-
ceseldes beaux-arts a résolu de faire une ex-
position où ne se trouverontque des œuvres
de ses membres ou de ses associés, tant du
pays que de l’étranger. Cette exposition se
ferait au profit de la Caisse des artistes —
bonne action — et se tiendrait dans la salle
mêmeoù aura lieu le grand banquet du mois
de Mai, le banquet destiné à fêter le pre-
mier centenaire de la compagnie savante—
bonneidée. Gallait à lui seul destinerait deux
toiles importantes à ce petit Salon où ne se
rencontreront que des gens de la liante so-
ciété artistique. Je vous laisse à juger, si
chacun suit cet exemple, quelle réunion
choisie nous aurons !
Mais n’est-il pas vrai, encore une fois, que
l’autre Salon, celui où tout le monde est ad-
mis, va voir joliment écrémer son contin-
gent, de la sorte ?
J’ai dit, peut-être un peu méchamment :
« où tout le monde est admis. » C’est que
l’on a été un peu beaucoup bienveillant les
années antérieures, et qu’il suffisait d’avoir
l’air propre pour être aussitôt introduit,
même la pipe à la bouche et le chapeau sur
la tète.
M. Charles Blanc, dans un rapport fait à
l’appui du réglement de l’Exposition de Pa-
ris pour la même année 1872 (encore une
fâcheuse concurrence pour notre exhibition
triennale), exprime l’idée qu’une exposition
ouverte par l’Etat ne saurait avoir pour but
de créer un débouché commercial aux ar-
tistes. L’Etat expose des œuvres et non des
produits, il ouvre un Salon et non pas un
bazar. »
Les marchands hors du temple, semble
dire le directeur des Beaux-Arts de France.
Il y a là du bon et du vrai. Mais je vous le
demande, si jamais il faut que le même prin-
cipe prévaille dans le réglement qui est en-
core à naître en Belgique, que nous restera-
t-il au milieu descneurrences de toutes sor-
tes dont je vous ai parlé ci-dessus? Je veux
bien que le rôle de l’Etat soit ce que dit M.
Blanc; mais je pense, d’autre part, qu’il ne
faudra pas que cette aimée le dit Etat se mon-
tre collet monté.
M. Blanc exclulaussi « l’art familier, anec-
dotique, qui s’adresse au particulier » c’est
affaire de salle de vente; « l’art décoratif qui
intéresse tout le monde » devrait seul être
mis en évidence par les soins d’un gouver-
nement.
C’est être bien exclusif; l’art, c’est l’art,
comme dit Béranger en parlant du beau, et
je ne verrais pas, le système de M. Blanc
étant adopté, pourquoi l’on ne subdiviserait
pas encore, en réglant le style et la taille des
î 3 Février 1872.
Quatorzième Année.
JOURNAL DES BEAUX-ARTS
ET DE LA L
paraissant deux fois par mois, sons La direction de M. Ad. SlliET, memlire de l'Académie n
l'Institut des provinces de France, de la Société française d'Arcliéologi
On s'abonne: à Anvers, chez TESSAKO, éditeur ; à Bruxelles, chez DECQ et MUQUARDT ; à Gand, chez
HOSTE et ROGGÉ ; à Liège, chez DE SOER et DECQ ; dans les autres villes, chez tous les libraires. Pour l’Al-
lemagne, la Russie et l’Amérique : C. MUQUARDT. La France : VeRENOUARD, Paris. Pour la Hollande :
MARTINUS NYHOFF, à la Haye. Pour l’Angleterre et l’Irlande : chezBARTHÈS et LCTWELL, 14, Great
Marlborougli Street, à Londres. — p-rix d’abonnement : pour toute la Belgique, (port compris).
Par an, 8 fr. — Étranger, (port compris) : Allemagne, 3 tlil 10 gr. — France, 11 fr. — Hollande, 5 fl.—
T TÉRATURE
raie de Belgique, memlire correspondant de la Commission royale des monuments, memlire de
e, de l'Académie de Reims, de l'Académie d'Archéologie de Madrid, etc.
Angleterre et Irlande, 8. s. 6 d. — Prix par numéro 40 c. — Réclames : 50 c. la ligne. — Pour les
grandes annonces on traite à forfait. — Annonces : 30 c. la ligne. — Pour tout ce qui regarde l’admini-
stration ou les annonces s’adresser à M. le Directeur du Journal df.s Beaux-Arts, rue du Casino, à
St-Nicolas. —Il pourra être vendu compte des ouvrages dont un exemplaire sera adressé à la rédaction. —
M. C. MUQUARDT est le seul éditeur et représentant du JOURNAL DES Beaux-Arts pour l’Allemagne, la
Russie et l’Amérique.
SOMMAIRE : Belgique. Corr. part. Bruxelles.
— La pierre bleue et la pierre blanche. — Ca-
talogue raisonné de livres et objets d’art à
donner en prix. — France. Corr. particulière
Paris. — Chronique générale. — Annonces.
BELGIQUE.
(Correspondance particulière.)
Bruxelles, 9 Février 1872.
Mon cher Directeur,
Ce dont on s’occupe avant tout dans le
inonde artiste de Bruxelles, c’est de la pro-
chaine exposition... de Londres. C’est vers
là que tendent tous les efforts et c'est pour
là que s’en iront les plus belles œuvres. Le
succès y est sûr. L’école belge y a conquis
une célébrité incontestable et vous verrez
avec quelle rapidité les toiles de nos pein-
tres serontenlevées par les amateursanglais.
Applaudissements de la presse et du public,
vente garantie à des gens qui ne regardent
guère au prix et qui après avoir acheté achè-
tent encore, voilà plus qu’il n’en faut pour
stimuler le zèle, l’activité, l’amour-propre,
si ce n’est le génie de l’artiste, dans ce
siècle où l’une des premières préoccupations
est de faire des affaires, dans l’art, mon Dieu,
comme dans le commerce et dans l’industrie.
On commence par travailler pour acquérir
de la gloire, mais, la gloire acquise, qu’en
ferait-on si elle restait improductive, une
sorte de crédit ouvert dont on ne profite-
rait pas ?
Il serait donc impossible, pour ne pas
dire niais, de blâmer ceux qui devant la cé-
lébrité, le talent, à leur travail et à leur
persévérance , recherchent les meilleurs
moyens ou en profitent pour placcrce qu’ils
produisent.
11 est à craindre que notre exposition
triennale de 1872 n’ait à s’en ressenlir et
que, si la quantité des œuvres qui y seront
envoyées ne reste pas en dessous du résultat
des expositions précédentes, il ne se pro-
duise un certain déficit en ce qui concerne
la qualité. On peut assurer, en science cer-
taine,que laplupartdcnos maitresquicroient
que pour eux tous les lauriers sont coupés,
ne viendront plus au bois. Il y aura les ar-
tistes à qui la gloire sourit, et combien
ne seront pas allé, rechercher une scène un
peu plus grande. Enfin, ceuxà qui la gloire
s’obstine à faire la moue ou qu’elle n’a pas
encore eu l’occasion de couronner, et alors
il faudra bien que ces derniers qui seront
les premiers, nous viennent en grand nom-
bre si nous voulons que le prochain Salon
belge ail quelque éclat.
On regrette généralement quelacommis-
sion organisatrice ne soit pas encore dési-
gnée, qu’elle n’ait point formulé de pro-
gramme , dès lors. Cette tiédeur dans
l’organisation, sert d’excuse à beaucoup d’ar-
tistes pour justifier une abstention probable
que l’exposition de Londres seule explique.
Je suis pessimiste comme pas un au-
jourd’hui. Une prochaine correspondance
aura peut-être l’occasion d’ètre moins dé-
sespérante.
11 y a une autre circonstance qui pour le
moment me confirme dans les doutes que
je vous exprime ci-dessus. Non pas que je
la regrette, mais elle va mettre nos sommités
artistiques à même de se montrer sans
avoir à attendre une exhibition générale.
Vous devez la connaître mieux que personne,
mon cher Directeur ; vous êtes de la maison
où la décision a été prise, et, s’il y a indis-
crétion à en parler, laissez-moi toute la
responsabilité de cette indiscrétion-là, qui
est une trop bonne, une trop excellente
nouvelle pour ne pas tenter l’intempérance
de langue d’un correspondant.
L’Académie royale des lettres, des scien-
ceseldes beaux-arts a résolu de faire une ex-
position où ne se trouverontque des œuvres
de ses membres ou de ses associés, tant du
pays que de l’étranger. Cette exposition se
ferait au profit de la Caisse des artistes —
bonne action — et se tiendrait dans la salle
mêmeoù aura lieu le grand banquet du mois
de Mai, le banquet destiné à fêter le pre-
mier centenaire de la compagnie savante—
bonneidée. Gallait à lui seul destinerait deux
toiles importantes à ce petit Salon où ne se
rencontreront que des gens de la liante so-
ciété artistique. Je vous laisse à juger, si
chacun suit cet exemple, quelle réunion
choisie nous aurons !
Mais n’est-il pas vrai, encore une fois, que
l’autre Salon, celui où tout le monde est ad-
mis, va voir joliment écrémer son contin-
gent, de la sorte ?
J’ai dit, peut-être un peu méchamment :
« où tout le monde est admis. » C’est que
l’on a été un peu beaucoup bienveillant les
années antérieures, et qu’il suffisait d’avoir
l’air propre pour être aussitôt introduit,
même la pipe à la bouche et le chapeau sur
la tète.
M. Charles Blanc, dans un rapport fait à
l’appui du réglement de l’Exposition de Pa-
ris pour la même année 1872 (encore une
fâcheuse concurrence pour notre exhibition
triennale), exprime l’idée qu’une exposition
ouverte par l’Etat ne saurait avoir pour but
de créer un débouché commercial aux ar-
tistes. L’Etat expose des œuvres et non des
produits, il ouvre un Salon et non pas un
bazar. »
Les marchands hors du temple, semble
dire le directeur des Beaux-Arts de France.
Il y a là du bon et du vrai. Mais je vous le
demande, si jamais il faut que le même prin-
cipe prévaille dans le réglement qui est en-
core à naître en Belgique, que nous restera-
t-il au milieu descneurrences de toutes sor-
tes dont je vous ai parlé ci-dessus? Je veux
bien que le rôle de l’Etat soit ce que dit M.
Blanc; mais je pense, d’autre part, qu’il ne
faudra pas que cette aimée le dit Etat se mon-
tre collet monté.
M. Blanc exclulaussi « l’art familier, anec-
dotique, qui s’adresse au particulier » c’est
affaire de salle de vente; « l’art décoratif qui
intéresse tout le monde » devrait seul être
mis en évidence par les soins d’un gouver-
nement.
C’est être bien exclusif; l’art, c’est l’art,
comme dit Béranger en parlant du beau, et
je ne verrais pas, le système de M. Blanc
étant adopté, pourquoi l’on ne subdiviserait
pas encore, en réglant le style et la taille des