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î\T° G.

3 i Mars 1872.

Quatorzième Année.

JOURNAL DES BEAUX-ARTS

ET DE LA LITTÉRATURE

p.jraissant deux fois par mois, sous la direction de M. Ad. S1EET, memlire de l'Académie royale de Belgique, membre correspondant de la Commission royale des monuments, membre de
l'Institut des provinces de France, de la Société française d'Arcliéologie, de l'Académie de Reims, de l'Académie d1 Archéologie de Madrid, etc.

s’abonne: à Anvers, chez TF.SSABO, éditeur ; à Bruxelles, chez DECO et MUQUARDT ; à Garni, chez
HORTE et ROGGÉ; à Liège, chez DE SOER et DECQ ; daDsles autres villes, chez tous les libraires. Pour l’Al-
lemnsne, la Russie et l’Amérique : C. MUQUARDT. La France : V«RENOUARD, Paris. Pour la Hollande :
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stration ou les annonces s’adresser à M. le Directeur du JOURNAL des Beaux-Arts, rue du Casino, à
St-Nicolas. — Il pourra être rendu compte des ouvrages dont un exemplaire sera adressé à la rédaction. —
M. C. MUQUARDT est le seul éditeur et représentant du Journal des Beaux- Arts pour l’Allemagne, la
Russie et l’Amérique.

SOMMAIRE : France : Peintures décoratives du
Théâtre d’Angers, par M. Lenepveu, membre
de l’Institut.— Allemagne.Corr. part. Berlin.
— Les œuvres de Kreling. — Autriche. Corr.
part. — Suède. Corr. part. — Belgique. Con-
férences données au Cercle des Amis des Arts.
— Anciens objets d’art flamand en Suède. —
Chronique. —Ventes du mois d’Avril.—Avis,
etc. — Annonces.

FRANGE

PEINTURES DÉCORATIVES

DU THEATRE D’ANGERS.

par M. E. LENEPVEU Membre De l’Institut.

Les lois de la décoration ne relèvent
presque jamais du génie de l’artiste. Anté-
rieures à l’inspiration personnelle, elles
s’imposent au peintre toutes les fois qu’il
lui faut orner un édifice public. Ces lois
ont pour base deux principes, essentielle-
ment vrais et respectables, que l’artiste ne
doit jamais oublier. Je veux parler de l’ar-
chitecture, et plus encore de la destination
du monument qu’il se propose de décorer.

L’art dramatique, qui nous vient des
Grecs, subit une singulière transformation
lorsqu’il passa de la Grèce en Italie. Tandis
que le théâtre, chez les Grecs, n’avait
jamais cessé d’avoir un caractère profondé-
ment religieux, il ne fut, chez les Romains,
qu’un plaisir délicat, une recréation d’où le
divin se trouva promptement banni, et,
après lui, les liantes leçons de philosophie
et de morale qui avaient fait de la scène
antique, pendant des siècles, une tribune
puissante pour la propagation des croyances
religieuses dans toute la Grèce et PAsie-
Mineure. Qui ne se souvient que les Grecs
avaient coutume de construire leurs théâtres
sur le versant de l’Acropole? C’est là, dans
la partie sainte de la ville, au pied des
Propylées, où l’on plaçait les chefs-d’œuvre
des maîtres, à quelques pas du temple qui
pouvait s’appeler le Parthénon,et où l’image
des dieux était entourée de respect et
d’amour, c’est là que l’on taillait dans le
roc les gradins de cet autre temple gran-
diose et toujours ouvert, le théâtre antique.
C’était dans celte enceinte de marbre et de
porphyre, ayant le ciel pour coupole, domi-
nant la cité qui se déroulait au loin en un
panorama borné le plus souvent par les
Ilots de la mer, c’était là qu’aux grands
jours le peuple venait applaudir aux élégants
récits de ses poètes, à travers lesquels il
aimait à suivre la genèse de ses croyances.
Lorsque le théâtre eut abdiqué son rôle

sacré pour devenir à Rome ce qu’il est resté
chez nous, c’est-à-dire un jeu, un amuse-
ment, l’architecture simple et austère, en
honneur chez les Grecs, lit place à une ma-
gnificence de décoration qu’ils n’avaient pas
même soupçonnée.

En même temps que l’art dramatique se
transformait entre les mains des poètes, l’ac-
tion quel’on se proposait d’avoir sur le peuple
n’était plus la même qu’autrefois. En Grèce,
les législateurs et les prêtres s’étaient appli-
qués, en ouvrant des théâtres, à rendre le
peuple plus croyant. A Rome, où la politi-
que était au-dessus des croyances, on fit des
représentations dramatiques l’instrument
ordinaire de la popularité. Les édiles, les
consuls et les empereurs construisirent à
l’envi de magnifiques théâtres au prix de
prodigalités sans nom, dans le but vénal
et mesquin de conquérir quelque autorité
sur le peuple, dont ils flattaient ainsi les
penchants à l’oisiveté et au plaisir. De ce
nombre, fut le théâtre de Scaurus, l’édile,
où 80.000 spectateurs pouvaient aisément
prendre place.

Chez les modernes, le théâtre est affran-
chi, quant aux apparences du moins, de
toute propagande politique. Nous ne con-
naissons pas en France les représentations
gratuites offertes au peuple, si ce n’est à
de rares intervalles, aux jours de joyeux
avènement ou de réjouissance publique.
C’est à peine si dans notre histoire il se
trouve une seule pièce qui ait eu son in-
fluence sur les événements politiques , le
Mariage de Figaro, et encore est-il juste
d’ajouter que ce ne fut que l’étincelle qui
hâta de quelques heures peut-être l’em-
brasement général, préparé depuis long-
temps. Mais nous sommes restés les des-
cendants des Romains, dans la question
du théâtre, par la somptuosité des orne-
ments et l’architecture toujours plus élé-
gante que grandiose avec lesquels nous
aimons à concevoir une salie de spectacle.
Ce que nous cherchons avant tout, dans ce
genre d’édifices,c’est à la fois le confortable
et la coquetterie. Je n’ai point à rechercher
dans ce travail si le goût moderne a tort ou
raison, je ne veux que constater l’existence
d’un état de choses, regrettable peut-être à
plus d’un point de vue, mais contre lequel
il n’appartient pas aux artistes de réagir. Je
suppose, d’ailleurs, que des architectes ha-
biles mis en présence d’une édilité qui ne
fût ni étroite dans ses vues, ni divisée dans

ses opinions, ni arrêtée dans ses dépenses
par l’étal de son budget, et que laissant le
champ libre à leur inspiration, ces hommes
de génie élevassent un temple magnifique à
la muse du drame, de la comédie, de la
musique et de la danse; je suppose encore
que le style sobre et sévère du monument
permît à des peintres sans rivaux d’orner
l’édifice, à l’intérieur et au dehors, de fres-
ques superbes comme cela se pratiquait
pour les temples d’Athènes, d’Epidaure, de
Sycione, de Corinthe et d’Ephèse ; où trou-
verait-on, dites-moi, dansla littérature de nos
jours,des poètes dignes de se faire entendre
dans l’amphithéâtre sacré? Où seraient les
Sophocle et les Eschyle, Aristophane et
Ménandre? Tout au plus Mozart et Rossini
seraient-ils assez inspirés pour que leurs
chants ne fussent pas déplacés dans un pa-
reil monument! mais qui nous rendrait, je
vous le demande, la procession du Péplum.
et les danses des Panathénées ? A une litté-
rature amoindrie et à des mœurs nationa-
les plus empressées de se procurer un
délassement que de recevoir une leçon, il
fallait des édifices coquets plutôt que grands
par le style, et nos théâtres, depuis deux
cents ans, ne sont pas autre chose.

Certes, il n’est point aisé de faire de la
grande peinture dans un monument coquet.
Si encore le théâtre moderne avait toujours
sa destination bien précise, bien nette;
mais, le plus souvent, c’est une action mul-
tiple, variée à l’infini, qui se déroulera sous
ses voûtes. Tout ce que le poète inventera
déplus terrible, fera place sur cette même
scène aux délirantes folies du vaudeville.
La sonate sévère y précédera le refrain
bruyant de l’opérette. En France, sauf le
Grand Opéra, dont la décoration, pour le
dire en passant, va devenir un nouveau titre
de gloire pour M. Lenepveu, tous nos théâ-
tres sont appelés à servir aux représenta-
tions les plus diverses et du caractère le
plus opposé.

Un temple chrétien, quel que soit d’ail-
leurs le style architectonique dans lequel on
l’a conçu, ne présente pas de ces difficultés
au décorateur, parce que l’action divine
dont il sera le lieu, variée dans ses formes,
ne cessera jamais d’être la même. Ainsi en
est-il encore des Cours de Justice dont les
palais réclament une décoration qui rap-
pelle toujours à l’esprit la mission sublime
du législateur et du juge.

Mais dans quel ordre d’idées l’artiste
 
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