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- 10 —

ï Notre pays, — si étroit que soit l'espace qu'il
« occupe sur"la carie de l'Europe, ne pouvait de-
» meurer sourd à votre appel : si nous avions négligé
i' d'y répondre, on eût été en droit de nous le faire
» sévèrement expier en nous remettant en mémoire
« que le petit coin de terre d'où nous venons a donné
« naissance à une célèbre école de peinture et que le
« mon de entier, d'un consentement unanime, recon-
o naît dans les productions de cette école, l'exprès-
» sionla mieux caractérisée de l'une des deux ten-
ir dancps principales de l'art.»

• L'École flamande salue en ce jour sa noble sœur,
» l'école italienne ! »

« L'Académie royale de Belgique, qui réunit dans
» son sein des représentants des Sciences, des Lettres
» et des Beaux-Arts, nous a chargés de vous apporter
» son tribut d'admiration pour le génie gigantesque
» dont vous fêtez si dignement le quatrième cente-
» naire; et le gouvernement de notre roi, si sympa-
» thique à tout ce qui peut aider au progrès de la ci-
» vilisation, s'est associé avec empressement aux sen-
» timents de l'Académie, en assurant aux délégués
» de la classe des Beaux-Arts l'accomplissement de
« leur pieuse mission. »

«En présence de l'immensité de l'œuvre de Michel-
« Ange, embrassant le triple domaine des sciences,
» des lettres et des arts, l'imagination demeure con-
fondue. Il y aurait témérité à hasarder une appré-
« ciation qui serait toujours incomplète — dut-on y
» consacrer des volumes. — On est contraint de se
« renfermer dans un respectueux silence, de se bor-
» nerà l'expression des sentiments les plussympathi
« ques envers la nation qui a produit de tels hommes.

ti La Belgique artistique, scientifique et littéraire
u se contentera donc de vous apporter, par notre
n bouche, le salut fraternel de l'école flamande à sa
n noble sœur l'école italienne. »

u Nous ne pouvons nous rappeler sans émotion
« l'échange fécond d'idées qui n'a point cessé entre
u elles depuis plus de quatre siècles. »

» Ces deux sœurs — bien distinctes de physiono-
» mie— se ressemblent pourtant, comme il convient
» à des sœurs(l),par quelques beaux et grands côtés :
« elles professent l'une et l'autre le culte de la nature
u où le beau idéal jaillit de l'étude du réel. »

» Les deux écoles, malgré tant de rapports intimes,
» ont marché constamment dans deux voies parallèles
a sans se confondre jamais. Emules et non rivales,
a elles ont voué réciproquement une sincère admira-
» tion aux chefs-d'œuvre de l'art, qu'ils eussent pour
» berceau le nord ou le midi.

« Si nos Musées réservent une place d'honneur aux
» toiles et aux marbres de vos artistes immortels,
a nos peintres et nos sculpteurs ont laissé dans
» l'Italie d'impérissables souvenirs, et l'illustre cité
» qui nous honore en ce jour d'un si splendide ac-
« cueil, est particulièrement riche en témoignages de
• ce3 glorieux échanges.

«Aujourd'hui, comme autrefois, les jeunes artistes
» suivant une tradition quatre fois séculaire, viennent
« tremper leur talent aux sources vivifiantes ouvertes
» en si grand nombre dans vos riches contrées. Nous
« nous rappelons, non sans quelque fierté, que, si
n l'Italie a souvent trouvé des émules et des imita-
» teurs, elle a aussi quelquefois rencontré chez nous
n des modèles auxquels elle n'a point marchandé ses
» hommages.

» Salut donc, salut fraternel, à l'Italie artistique,
» scientifique et littéraire, et daigne la Providence
« lui réserver dans l'avenir de nouvelles gloires
» dignes de son passé. »

Pendant la lecture de ce discours, S. A. R.
le prince de Carignan ne quitta pas un instant
des yeux M. Alvin. Une satisfaction visible
se peignait sur sa physionomie un peu assom-
brie naguère pendant le réquisitoire de
M. Blanc. Quand il eut fini, toutes les mains
se fendirent vers le groupe des flamands. Les
Germains applaudissaient,les Italiens faisaient
remarquer la courtoisie suprême de l'orateur

(1) »... Faciès non omnibus una
« Nec diversa tamen. Qualem decet esse sororum. »
(P. Ovidii Nasoxis, Metamorphoseon. Lib. II
v. 13-14).

qui n'avait pas même prononcé le nom de
Rubens, le colosse anversois qui lui aussi
aura son triomphe en 1877,millésime trois fois
séculaire de la date de sa naissance.

Si M. Alvin ne nomma pas Rubens, par
contre M. ,1. Lange, secrétaire de l'Académie
de Copenhague, qui s'exprimait en italien,
fit sonner bien haut le nom et les oeuvres du
« Michel-Ange danois, Albert Thorwaldsen. »

C'était de mauvais goût : chose étonnante,
nous dûmes faire encore la môme réticence a
nos éloges mérités du discours du D'Flocrke,
professeur à l'Académie des Beaux-Arts de
Saxe-Weimar. Ce dernier s'appesantit outre
mesure sur Goethe et sur l'honneur que l'on
faisait à Michel-Ange en colloquant son image
dans l'une des niches de la Casa patenta
di Goethe qu'il appellait emphatiquement la
« Santa Casa dei Tedeschi. » Le discours du
D' Flocrke (Hait également en italien.

De tous les discours en celte langue pro-
noncés à l'occasion du Centenaire, un seul
nous a profondément ému comme morceau
oratoire ; c'est celui que déclama sur le
Piazzale, avec une faconde et un brio tout
méridional M. Santo Conti da Portogruaro.

Les périodes cicéroniennes dans toute leur
ampleur, telles que Bembo savait encore les
faire, peuvent se retrouver dans les cadences
sonores de la langue toscane et du dialecte
des transtéverins. Mais quand l'éclat des ima-
ges, la hauteur de la pensée se joignent à cette
forme exquise, à cette ciselure de mots, à ce
cliquetis ruisselant de voyelles accumulées
comme le sussurement de l'eau cristalline de
la source de Blandusie, on demeure étonné,
surpris, ensorcelé sous le charme de la voix
humaine s'exprimant en italien.

Le discours de M. Santo Conti débutait par
un exorde qui forme un tableau trop vivant et
trop bien réussi de Florence « l'Athénienne »
pour que nous n'ayons essayé de le traduire
pour nos lecteurs :

« Puisque le génie et la vertu méritent le
» solennel souvenir de toutes les générations
» futures, puisque le génie et la vertu récla-
» ment une gloire triomphante des siècles,
» Florence, la noble Florence, berceau des
» grands génies, temple de l'art, Florence,
» l'Athènes de l'Italie, Florence, mère glo-
» rieuse qui apprit la poésie au Dante, la
» peinture à Giotto, l'architecture à Brunel-
» leschi, tous ces arts à la fois à Léonard de
» Vinci et à Michel-Ange ; qui enseigna les
» secrets du firmament à Galilée, l'art de
« penser à Machiavel, de parler à Savonarole,
» de répondre à Pier Capponi et de mourir à
» Ferruccio ; Florence, célèbre aujourd'hui
» avec solennité, après quatre cents ans, Pan-
» niversaire de la naissance de Michel-Ange.»

Tout le discours était à la hauteur de ce
début.

XVIII.

Au bureau de la Gazzetla dltalia, parmi
les correspondants étrangers, le hasard
m'avait mis particulièrement en rapport avec
un citoyen hellène, M. Tommaso Athanasio
Paschidi.

Comme un grand nombre de Grecs et de
Valaques, c'était un polyglotte journaliste;
il envoyait à la fois des articles a Londres et
a Athènes ; à Paris et à Bucharesl... ne parlait
qu'avec enthousiasme de Michel-Ange et avait
voué une sorte de culte à Praxitèle et à
Apelles.

^ Noire intention, en prenant part au cor-
tège, avait été de prononcer quelques paroles
au nom des flamands du Kunstgenootschap.

Mais, la nuit tombait et le désir général
était, vu la longueur des discours olliciels, de
supprimer toute manifestation particulière.
M. Paschidi élait à nos côtés et nous ne lui
eûmes pas plutôt fait part de notre résolution
(en lui indiquant nos motifs) qu'il se déclara de
notre avis, ajoutant que M. Blanc avait montré
du flair en plaçant son discours au début de
la cérémonie.

Mais il était écrit que M. Paschidi haran-
guerait sur le Piazzale au quatrième cente-
naire de Michel Ange.

M. Santo Conti venait de se taire. Le groupe
officiel semblait cloué sur place .. On atten-
dait... Quoi? la voiture de S. A. R. que la
foule énorme massée sur la terrasse empêchait
d'arriver malgré la télégraphie désespérée des
carabinieri.

Madame Scarron, dit la chronique, remplaça
un jour par une histoire le rôti absent ;
M. Paschidi voyant le temps d'arrêt, prit la
parole malgré l'heure avancée du crépuscule.

Son improvisation française fut brillante et
nous admirâmes d'autant plus l'orateur qu'il
nous avait, le matin même fourni la preuve
qu'il aurait pu tout aussi aisément improviser
en grec, en anglais ou en vâlaque.

« Simple citoyen de la Grèce assistant à
» cette cérémonie nationale,je prends la liberté
» d'adresser quelques paroles, à l'improvisle,
» à cette «Assemblée représentative» de toutes
» les nations civilisées. »

Tel fut l'exorde modeste de ce discours qui
fut bien accueilli pareequ'il venait à point,
que l'on couvrit d'applaudissements pareeque
l'orateur eut l'esprit d'être fort court. Pour
terminer, M. Paschidi exprima un voeu patrio-
tique auquel les récents événements de l'Her-
zégovine prêtaient des allures de vaticina-
tion :

« La Grèce n'est pas ingrate; elle ne le
» sera jamais; elle aime les italiens connus
» par leur philollénisme comme elle porte en
» son cœur tous les philellènes de l'Univers.
» La Grèce doit être agrandie ; ses provinces
» limitrophes, ses îles submergées dans le
» sang, ne sont pas encore, hélas ! hellé-
» niques... »

Les platoniciens étaient en nombre, on peut
juger s'ils acclamèrent cette tirade d'Atha-
nasio Paschidi.

L'on se sentait vivre en Etrurie ; des
effluves partaient de ce sol de la Grcecia
magna pour griser nos cerveaux. Après plus
de vingt siècles, les souvenirs classiques allu-
maient un enthousiasme spontané, irrésis-
tible dans cet auditoire d'humanistes et
d'architectes, de sculpteurs et de peintres,
d'érudits et de soldats.

La voiture du prince de Carignan attendait
depuis cinq minutes.

Le groupe officiel qui avait accompagné
S. A. R. à son entrée, le reconduisit respec-
tueusement suivant les lois de l'étiquette.

Telle fut la fin de la cérémonie ; il étail
près de neuf heures.

Alors retentirent des clameurs immenses
poussées par le flot humain qui — lentement,
sans presse, cohue, ni bousculades, galant
secret d'une foule italienne — descendait les
degrés et les rampes de la collineSa/i Miniato :

VlVA LA memoria di MlCIIELANGIOLO !

Viva la citta m Fiuenze !

VlVA il POPOLO ITALIAKO !...

Et les échos du Viale dei colli portèrent le
Péan du peuple jusqu'aux vallons qui ceignent
Verna, Camaldoli et Vallombreuse.

(à suivre). Augustf, Schoy.
 
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