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N° 2.

31 Janvier 1876.

Dix-huitième Année.

JOURNAL DES BEAUX-ARTS

ET DE LA LITTÉRATURE

paraissant deux fois par mois, sous la direction de M. Ad. S1RET, membre de l'Académie royale de Belgique, membre correspondant
de la Commission royale des monuments, membre de l'Institut des provinces de France, de la Société française d'Archéologie, etc.

OINT S'ABONNK : 4 Anvers, chez TESSARO, éditeur; à Bruxelles, chez DECQ et
DETIENT et chez MUQUAEDTj à Gand, chez HOSTE et chez EOGGHÉ ; à Liège, chez DE SOEE
et chez DECQ : à Louvain, chez Ch. PEETEES ; dans les autres villes, chez tous les libraires. Pour
l'Allemagne, la Russie et l'Amérique : C. MUQUAEDT. La France : DUSACQ et Cie, Paris. Pour
la Hollande : MARTINUS NYHOFF, à la Haye. - PRIX D'ABOKKKMKNT:
pour toute la Belgique (port compris). Par an, 9 fr. — Etranger (port compris) : Allemagne, Angle-

terre, France, Hollande, Italie et Suisse, 12 fr. Pour les autres pays, même prix, le port en sus. —
PEIX VA.'R NUMÉRO : 50 c. — RECLAMES et Insertions extraordi-
naires : 2 fr. la ligne. — Pour les grandes annonces on traite à forfait. — _AJNr:N"0:N"C:ES :
40 e. la ligne. — Pour tout ce qui regarde l'Administration ou les annonces s'adresser à l'Admi-
nistration, rue du Progrès, 28, à St-Nicolas (Flandre orientale) ou a Louvain, rue Marie-Thérèse, 22.
— Il pourra être rendu compte des ouvrages dont un exemplaire sera adressé à la rédaction.

SOMMAIRE : Belgique : Miohelangiolo (Suite) —
Collection d'estampes de M. du Bus de Gisignies.
— France : Correspondance particulière. Charles
Timbal. — La statue de St-François d'Assise. —
Angleterre : Correspondance. —■ Allemagne :
Correspondance. — Chronique générale. — Nécro-
logie. — L'armée française. — Programme.— An-
nonces .

le

MICHELANGIOLO BUONARROTI

Souvenir des fêtes Florentines du ive centenaire.

XVI.

M. Meissonier avait parlé au nom de l'In-
stitut de France : les députés officiels des
diverses Académies de l'Europe, en proie à
une hésitation visible, regardaient tour a tour
et S. A. R. le prince de Carignan et M. Pe-
ruzzi, attendant un signe, une impulsion
quelconque. M. Charles Blanc n'avait pas lu
vingt mots du discours qu'il avait réussi à ex-
tirper enfin des profondeurs de son vêlement,
que chacun se prit à demander, au voisin
mezzo-voce, en quel nom il portait la parole?

Si de la part de M. Meissonier, la prise de
possession de la parole avant toutes les autres
députations étrangères, avait étonné les assis-
tants , la valeur personnelle du grand artiste
fournissait tacitement une excuse à la préten
tion de l'orateur.

De l'assentiment unanime des florentins et
des envoyés étrangers, l'honorable prérogative
de prendre la parole en premier lieu revenait
sans conteste à la députation germanique, qui
avait de longue main préparé con amore un
hommage princier — imposante expression
de vasselage libre et avoué —au suzerain Mi-
ehelangiolo. C'était à eux à parler avant tous,
à eux qui venaient de déposer sur le sarco-
phage du grand Buonarroti une couronne
moins précieuse par le métal dont elle était
formée que par l'éloquence muette de chacune
de ses feuilles, hommage tout spécial d'une
académie, d'une école, d'un cercle, d'un ate-
lier, d'un Verein ou d'une grande individua-
lité artistique allemande.

Si dans la pensée des Florentins tous les
peuples qui ont hérité d'une gloire du domaine
des arts et n'ont point forligné, se voyaient
appelés à l'enviable privilège de chanter un
dithyrambe au Piazzale en l'honneur du «Pape
de l'art » du siècle de Léon X, avant la France,
avant l'Angleterre, avant l'Espagne, avant
l'Allemagne même,le droit d'offrir les premiers
grains d'encens étranger en cette fête jubilaire
italienne appartenait à l'Ecole flamande et le
premier rang dans l'école aux « Romanistes »
de hSint-Lucas Gikle de Bruges ou d'Anvers.

A part la race tudesque, quelle nation pos-
sédait assez de valeur pour essayer de riva-

liser avec l'Italie, au temps où vivait le colosse
florentin, sinon l'Ecole issue de ce van Eyck
dont Santi, le père de Raphaël, célébra le
talent dans la chronique manuscrite en « terza
rima » — que possède la Vaticane — sous le
nom du grand Johannes (i). Le plus illustre, le
mieux doué des fils « selon l'art » de Michelan-
giolo n'est-il point cet autre flamand, Jean de
Bologne, que M. Sauvageot « annexait » à la
France, dans Y Art pour tous, il n'y a pas
quinze jours.

Tous les Clouet de France — n'oublions pas
que l'aïeul de Clouet était Cloet le flamand
— peuvent-ils entrer en lice avec Durer et
Holbein, tenants de l'Allemagne ; Quentin
Massijs et Lucas van Leijden, champions des
Pays-Bas.

L'exorde du discours de M. Blanc était peu
fait d'ailleurs pour capter les sympathies de
son auditoire :

«Ce n'est pas ici, Messieurs, dans» une ville où on
« le connaît si bien, où chacun semble né puur le
» comprendre, qu'il serait nécessaire de vanter Mi-
« chel-Ange. Mais peut-être devons nous parler pour
» ceux qui n'assistent point à cette fête, pour tous
« ceux — ils sont innombrables — qui n'ont de
» Michel-Ange qu'une idée vague, et ne savent rien
« de lui, si ce n'est qu'il mérite la plus haute admi-
« ration. »

Les nombreuses et importantes publications,
tant scientifiques que populaires,élaborées par
les soins du Comité Michelangesque (dont la
nomenclature figure plus haut, en note, dans
notre récit) rendaient au moins superflu l'ap-
point si prétentieusement offert dans les
phrases qui précèdent.

Pour le corps du discours, M. Blanc nous
paraît avoir utilisé quelque tranche sans em-
ploi de sa Grammaire des arts du dessin ;
voici un échantillon de ce galimatias esthé-
tique :

» L'expression ! elle est le patrimoine de l'art fio-
» rentin, de cet art qu'eût illustré à jamais Michel
» Ange et le seul artiste qu'on puisse lui comparer,
« je dis le seul — et il fallait que celui-là fut encore
« un florentin — Léonard de Vinci. Cet autre grand
« homme eut un tel amour de l'expression que, pour

(1 ) Les œuvres des peintres flamands du XVe et du
XVIe siècle étonnaient surtout les Italiens par leur
« réalisme » l'habileté extrême qu'ils possédaient à
rendre les objets usuels, la. nature morte? de ma-
nière à en faire des tronipe-l'œil excitait presque leur
jalousie. Voici des vers que Santi consacre précisé-
ment à cette qualité spéciale du talent de van Eyck :
Chi serra quel che possi el chiar colore,
Lucide et trasparente de un Bubino
Contrafar mai o el suo vago splendore ?
Chi e quel possi el sol in sul mattino
Dipingere mai, o un spechiar del' acque
Cum fronde e fior, vicini alor confi.no ?
Quai mai si eccellente al mondo nacque
Che un bianco gigbo facci, o fresea rosa
Cum quel bel pur che a natura piacque?
El paragon se trova....

« en trouver assez, il résolut de la chercher là où il
» y en a trop, et alors il étudia des caricatures,
u dans la pensée qu'il leur suffirait de dégrossir,
u d'émonder les monstres pour les ramener à des con-
> ditions humaines en supprimant le difforme, en con-
« servant l'expressif. L'expression ! Michel-Ange l'a
« portée sans violence, quoi qu'on en dise, et sans gri-
» mace, au dernier degré de l'intensité et de la puis-
n sance. Mais son âme, la plus singulière qui fut
» jamais, était à la fois hautaine et intimidée ; altière
h en présence des pontifes et en proie aux épouvante-
» ments du christianisme, de manière que par un
» étrange rapprochement, l'expression chez Michel-
» Ange a été la manifestation constante de deux
» sentiments contraires : la fierté et la terreur. »

Un bravache, doublé d'un insupportable
poltron, fut le héros que vous acclamez, ô
Florentins! Telle est la synthèse inexorable
des lignes qui précèdent : point n'est besoin
d'autre commentaire.

Ecoutons toujours la péroraison : — nous
allions dire le bouquet... — A queslo punto
maneano alcuni fragmenti (t) imprime mali-
cieusement la Gazzetta d'Ilalia pour n'avoir
pas à insérer dans ses colonnes les objur-
gations trop zélées d'un orateur qui prétend
révéler Michel-Ange aux Italiens dans l'exorde
et sauver les monuments de la Péninsule
à la péroraison. M. Blanc n'avait-il donc
pas remarqué l'admirable restauration ;de
S. Maria del flore, et, en particulier, celle de
la porte du transsept gauche ? Préfère-t-il
peut-être le système de M. Viollet-le-duc qui
a fait faire peau neuve à N.-D. de Paris et au
château de Pierrefonds?

La philippique Pro restauratione amena la
fin du discours : comme l'on se demandait
toujours en quel nom s'était exprimé l'auteur
de la Grammaire des arts du dessin, un cor-
respondant du Nederlandsche Spectator pro-
nonça celui d'HuMBERT de Superville!

Les Germains sourirent à la ronde : ceux
qui avaient compris chuchottèrent à l'oreille
des voisins. Nous apprîmes de la sorte le
mot de la charade et la valeur satirique àe
ces vocables lancés sur le Piazzale par un
flegmatique hollandais, avec l'apparence d'une
bonhomie simplette : Humbert de Soperville !

XVII.

S. A. R. le prince de Carignan, M. le mi-
nistre Spaventa et M. Pcruzzi tournèrent à la
fois leurs regards vers le groupe des députés
de l'Institut de Belgique. M. Alvin comprit
et s'avançant quelque peu vers le prince, il
s'exprima en ces termes :

» Monseigneur, Messieurs,
Tous les peuples accessibles aux délicates ou aux
« sublimes impressions de l'art ont applaudi à l'écla-
» tante manifestation préparée avec autant de muni-
» ficence et de sollicitude, par l'illustre municipalité
» de la ville de Florence.

(1) A cet endroit manquent quelques fragments.
 
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