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— 166 —

pouvait être jamais un juste titre pour provo-
quer en duel un touriste français, M.Narjoux
devrait être enseveli tout vivant sous des mon-
tagnes de cartels. Ou bien, si nous vivions
encore aux siècles où la cour d'amour pro-
nonçait la sentence, coupable Narjoux, que
vous seriez à plaindre ! Mais pas n'est besoin
de cela, il est à plaindre aussi maintenant, car
ne voilà-t-il pas qu'il est à faire une excur-
sion dans une autre partie de la Hollande,
et de nouveau qu'y aperçoit-il? « Ce que les
femmes montrent de leurs cheveux est d'un
blond fade, leurs traits sont empâtés, leur
démarche est lourde et manque totalement de
grâce et d'élégance. » Vraiment, c'est comme
si tout ce que la Hollande a de laid, de fade,
de lourd, d'empâté, d'engourdi s'était donné
rendez-vous sur le passage de M. Narjoux.
Qu'aucune cour ne le condamne plus, il a
déjà reçu son châtiment. Je ne veux pas
du tout faire tourner la tête à des français
visitant, comme Regnard, la Hollande, mais
à M. Narjoux l'on pourrait envoyer en am-
bassade son compatriote H. Havard s'écriant
en son chap.XXII : « Les frisonnes jouissent
d'une grande réputation de beauté, et certes,
elles la méritent... elles sont fort dignes de
leur juste célébrité... Ce serait toutefois une
grosse injustice que d'attribuer aux seules
frisonnes ces précieuses qualités de blan-
cheur et de fraîcheur. Dans toute la Hol-
lande septentrionale et dans le sud de la
Hollande on la retrouve. Chez les jolies filles
d'Amsterdam, de Haarlem, de la Haye, de
Rotterdam, elles sont un des apanages de
la jeunesse. Dans la Gueldre il en est de
même. Partout dans ces heureux pays, on
rencontre une quantité de ces jolis visages,
blancs et roses, avec de superbes cheveux
blonds, » (comme des patriciennes de Venise?)
de grands yeux bleus un peu étonnés et un
sourire mutin qui creuse une fossette et plisse
de petites lèvres rouges comme une cerise.
Tous les étrangers... (écoutez donc M. Nar-
joux ce que dit votre concitoyen) Tous les
étrangers qui visitent la Hollande en font la
remarque. » Je crois vraiment que je dois
cesser d'exposer ici ces témoignages d'écri-
vains français ; je craindrais presque que
ces messieurs ne se mettent à varier le texte
de Castibelza et ne disent : ah ! ce vent
des plaines de Hollande nous rendra fous,
nous rendra fous ! — « tous les étrangers
qui visitent la Hollande, en font la remarque
et il ne faut rien moins que le climat inexo-
rable, la vie réglée et méthodique et la pla-
cidité réfléchie de ceux qui l'entourent pour
empêcher celui qui vit dans cet excellent
pays d'être plongé dans une admiration per-
pétuelle. » Non moins que le caractère phy-
sique a été méconnu ou mal apprécié le ca-
ractère moral, l'amour du foyer, l'esprit de
propreté et d'activité que bien d'autres voya-
geurs français ont su remarquer et louer sous
le rapport moral et social. Le lecteur me
dispensera de donner ici les preuves de cette
seconde thèse, aussi facile à prouver que la
thèse précédente. Cela suffît pour faire voir un
côté des torts de Narjoux. Cela suffit pour
montrer que sous le rapport indiqué, la Hol-
lande de Havard, la Hollande de Montégut,
la Hollande d'Esquiros, est toute autre chose
que la Hollande de Narjoux. Ce dernier re-
grette, jepense, d'avoir dû avouer que le soleil
luit dans ce pays creux. En tout cas, il en a
nié autant que possible. Un homme d'esprit
et de raison ne cherche pas midi à quatorze
heures, ni les lagunes de l'Adriatique dans

le Zuiderzee, il ne va guère visiter l'Italie au
mois d'août; pourquoi donc M. Narjoux
prend-il la Hollande au mois de septembre,
comme type de ce qu'elle est? En Hollande
il y a une espèce de réciprocité entre le mois
de septembre et le mois d'octobre. Nous
avons parfois, comme cette année-ci, un
mois de septembre en grande partie plu-
vieux et voilé, mais alors ordinairement le
mois d'octobre est, comme celui de cette
année, clair, radieux et beau.

Narjoux a passé quelques jours en Hol-
lande au mois de septembre ; il paraît qu'a-
lors le temps n'était pas beau ; il aura noté
cela sur son calepin, et de retour à Paris il
se met à décréter qu'en Hollande « on voit
quelque fois que le soleil brille et que le ciel
est pur. » Dans ce même mois de septembre,
mais d'une autre année, Dom Pitra écrivait
de la Hollande à M. Philippe Guignard,
archiviste : « J'arrivais à Zwolle, par l'une de
vos plus fraîches matinées de la Côte-d'Or,
à travers des jardins, des villas, des cours
d'eau semés de fleurs. C'est du milieu d'une
corbeille touffue de feuillages et de fruits que
la petite ville encore toute gothique, élève
avec coquetterie la herse et les tourelles de
ses portes, le beffroi de son stadhuis, le cam-
panile de Saint-Michel, l'archange-patron,
qui doit aimer à déployer ses ailes sur sa
cité toujours amée et féale. »

Didron-Aîné, entrant aussi en Hollande
d'Anvers par le Moerdyk,commencepar écrire:
« je ne saurais dire le charme d'une pareille
course, surtout quand le soleil brille, comme
je l'ai eu le jeudi, 3 avril dernier... » Et que
de fois Dom Pitra, Montégut, Esquiros,
Havard ne parlent-ils pas dans leurs ouvra-
ges sur la Hollande, du temps superbe, des
beaux jours, parfois des fortes chaleurs ou
des étés généralement assez chauds? Autant
qu'envers les femmes et le soleil M. Narjoux
a été injuste envers le pays et le peuple de
Hollande.

Quant au pays, je pose contre lui deux
thèses, et je vais défendre ces thèses par des
volontaires français; d'abord M. Narjoux
n'a vu que deux provinces, et un petit coin
d'une troisième, et il juge le Royaume :
ensuite, ces deux provinces et ce petit coin,
M. Narjoux les a mal vus et mal jugés. Pour
preuves de ma première thèse, j'apporte et
indique — et cela suffit ici : i° le volume
de 480 pages, qui vient de sortir des presses
de Paris, chez E. Pion et Cie, écrit par
HENRI HAVARD ; il a pour titre : LA HOL-
LANDE PITTORESQUE, Les Frontières
menacées, voyages dans les Provinces de
Frise, Groningue, Drenthe, Overyssel, Guel-
dre et Limbourg. De toutes ces provinces,
M. Narjoux n'a pas vu un pouce de terre,
ni un trait de figure humaine. 20 le volume
écrit par un bénédictin de la congrégation
de France ; LA HOLLANDE CATHOLIQUE
par le R. P. DOM PlTRA.

Combien j'aime à voir cet écrivain, escorté
des souvenirs de la France de Clovis et de
St-Martin, quand « on voulait faire de la
Hollande (d'Utrecht) comme la France du
Nord. » Caractérisons ce volume en disant :
il est écrit avec grâce et science, digne des
siècles où le noble Ecu de France disait à
tout le monde : Foi, sapience et chevalerie.

Pour preuve de ma seconde thèse, que M.
Narjoux a mal vu même les provinces qu'il
a parcourues en partie, je dépose 1° cet autre
volume de 403 pages, écrit par Henri Ha-
vard portant le titre de : La HOLLANDE

PITTORESQUE, VOYAGE AUX VILLES MOR-
TES DU ZUIDERZEE, 1874.

2° Les études sur la Hollande, publiées
dans la Revue des Deux-Mondes. On com-
prend que je ne puis pas dérouler ici les
descriptions brillantes et vraies que plusieurs
contrées de la Hollande, de la Néerlande
inspirent à ces différents auteurs; ce serait
tout un volume, bien facile à faire, car je
n'aurais qu'à transcrire les pages choisies,
que, ces plumes françaises ont écrites sur la
Hollande.

3° Je dirai moi-même ce que je juge néces-
saire pour donner au lecteur de la page pré-
sente une plus juste idée de la Hollande que
que ne le fait M. Narjoux, par rapport au
peuple.

Quant au pays, M. Narjoux l'enferme en
un triangle et inscrit sur les trois côtés les
mots suivants : silencieux, nébuleux, mono-
tone. Voyons ce qu'il en est.

M. Narjoux est en Hollande, au mois de
septembre, or je prétends que jugeant pays et
peuple il aurait dû savoir et se rappeler, qu'un
écrivain latin, Tacite, a pu en vérité dire
de nos pays et de leurs habitants : « autumni
perinde nomen ac bona ignorantur, » on n'y
connait pas l'automne ni ses productions ; il
aurait dû se dire aussi, comme l'a dit son
compatriote, Alph. Esquiros : « en Hollande
l'art de l'horticulteur a créé une saison que
n'avait pas indiquée la nature. L'homme a
fait ici l'automne en introduisant les produits
qui sont l'ornement et la couronne de cet âge
de l'année. »

M. Narjoux a vu partout dans sa Hollande
de la monotonie, et cette monotonie est par-
fois telle pour notre voyageur, que « non-
seulement elle fatigue ses yeux, mais trouble
l'esprit et irrite la raison ; c'est la dernière et
la plus complète expression qu'on puisse voir
de cette étrange manie à laquelle tout un
peuple sacrifie avec tant d'ensemble. »

C'était d'Amsterdam à Utrecht, que du
voyageur français l'esprit à été troublé et la
raison irritée par cette monotonie ; mais si
maintenant ce voyageur avait daigné voir
l'autre côté d'Utrecht, par exemple d'Utrecht
vers Nimègue. il y aurait pu voir : « tous les
gracieux accidents de cette route d'Utrecht
à Nimègue, que les anglais trouvent la plus
belle du monde. » Ces paroles laudatives ne
sont pas sorties d'une plume hollandaise
mais de la plume française de qui a nom
Dom Pitra.

Après cela, je le demande, ne voir que ce
seul côté d'Utrecht, et fulminer cette con-
damnation générale contre tout un peuple,
n'est-ce pas là une étrange manie, et la der-
nière et complète expression de_ cette légèreté
à laquelle certain peuple sacrifie avec tant
d'ensemble?

Voulant resteindre mon cadre autant que
possible, j'en appelle à ce vaillant voyageur
français, qui, le sac au dos, et muni de
bonnes lettres de recommandation, vient
de parcourir, souvent à pied, nos provinces
frontières, Henri Havard, déjà nommé.
Que M. Narjoux daigne l'accompagner dans
la province la plus proche du côté du Nord,
de la Nord-Hollande, la Frise. Tout de
suite le voyageur constate que « la cam-
pagne y est d'un aspect beaucoup plus pit-
toresque que dans la Hollande septentrion-
nale. » Suivons le hardiment, les « routes
pavées de briques sont soigneusement entre-
tenues : on n'y a ni poussière en été, ni boue
pendant l'hiver. » « Les fermes y atteignent
 
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