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15 Avril 1877.

Dix-neuvième Année.



JOURNAL DES BEAUX-ARTS

ET DE E A LITTERATURE

Paraissant deux fois par mois, sous Ja direction de M. Ad. S1RET, membre de l’Académie royale de Belgique, membre correspondant
de la Commission royale des monuments, membre de l’Institut des provinces de France, de la Société française d’Archéologie, etc.

ON S’ARONNK : à Anvers, chez TESSABO, éditeur; a Bruxelles, chez DECQ et
DUHENT et chez MUQUAEDT; à Gand, chez HOSTE et chez BOGGHÊ ; à Liège, chez DE SOEE
et chez DECQ ; à Louvain, chez Ch. PEETEES ; dans les autres villes, chez tous les libraires. Pour
l’Allemagne, la Eussie et l’Amérique : C. MUQUAEDT. La France : DUSACQ et Cie, Paris. Pour
la Hollande : MABTINUS NYHOFF, à la Haye. - PRIX D’ABONNEMENT :
pour toute la Belgique (port compris). Par an, 9 fr. — Etranger (port compris) : Allemagne, Angle-

terre, France, Hollande, Italie et Suisse, 12 fr. Pour les autres pays, même prix, le port en sus _

PRIX PAR NUMÉRO : 60 c. - RECLAMES et Insertions extraordi-
naires ; 2 fr. la ligne. — Pour les grandes annonces on traite à forfait. — ANNONCES :
40 c. la ligne. — Pour tout ce qui regarde l’Administration ou les annonces s’adresser à l’Admi-
nistration, ruedu Progrès,28, à St-Nicolas (Flandre orientale) ou à Louvain, rue Marie-Thérèse,22.
— Il pourra être rendu compte des ouvrages dont un exemplaire sera adressé à la rédaction.

SOMMAIRE : Belgique : Madou. — Dix-liuitième
Salon des aquarellistes. •— Exposition Van Beers.
—• Bibliographie : Myrtes et Cyprès. — France :
Correspondance française : Le Musée du Louvre.
— Confrérie de la nation flamande. — Ventes à
l’hôtel Drouot. — Collection Pauwels. prix de
vente. — Chronique générale. — Annonces.

Belgique.

MATA O U.

Il est mort à 81 ans, c'est-à-dire qu’il a
Passé de cette terre dans l’histoire qui est
l’immortalité des génies. A vrai dire un tel
homme ne meurt pas; il se continue par sa
mémoire et par son œuvre et ii finit par
Dire partie de cette humanité qui se rafraî-
chit sans cesse et ne finit jamais. On le pleure
et on le pleurera longtemps comme homme,
•hais on le verra toujours quand on parlera
de lui. Sublime et décisive métempsycose
des artistes qui fait que la matière périssa-
ble périt, mais que la chose qui l’animait
passe dans le reste de la circulation pour
n’en plus sortir. Madou a tout simplement
disparu corporellement, mais son art et son
âme nous restent à jamais.

Célestin François, un oublié qui ne mé-
rite pas de l’être, ne fût-ce que pour cela,
dirigea les premiers pas de son élève dans la
carrière des arts. Madou aussi fut un enfant
prodige, mais comme il a vécu il a été impos-
sible de le nier. On a raconté comment il a
été conservé de lui de petits dessins fort
drôles. A l’heure qu'il est ils doivent avoir un
grand prix. Sait-on où ils sont? Ses pre-
miers travaux connus furent des lithographies
éclosesàl’époqueoùJobard introduisait chez
nous le dessin mou sur pierre. En 1839 il
se forma à Bruxelles une Société des Beçiux-
Arts qu’animait d’une façon particulière le
souffle généreux et puissant d’un homme à
qui la Belgique ne rendra jamais la justice
qui lui est due; cet homme, Pierre De Dec-
ker, était l’âme d'un cénacle d’artistes qui
dans l’atelier même de Dewasme-Pletinckx,
vice Président de la Société, avec le marquis
de Beauffort,projetèrent et publièrent les plus
beaux ouvrages que la Belgique ait exécutés
depuis 1830. Le souvenir de ces faits com-
menceàdisparaître,mais il ya encore quelques
hommes debout pour empêcher que la vague
de l’oubli n’engloutisse tout cela et qui lais-

seront des Mémoires où ces jours de fièvre et
de gloire seront rappelés comme il convient.
Le bon Madou comme on disait déjà alors,
était du nombre de ce groupe d’artistes. Je
crois qu’il n’en existe plus qu’un ou deux :
Stroobant et Verboeckhoven. On publia les
Croquis bruxellois. Scènes de la vie de Bruxel-
les, le Voyage pittoresque da?is les Pays-Bas,
le voyage à Surinan, la Terre-Sainte, les Por-
traits des artistes célèbres, les costumes belges,
la Physionomie de la Société à diverses époques,
les Scènes de la vie des peintres, puis les gra-
vures de la Renaissance au nombre de plus
de deux cents, puis la Société mourut. La
politique la tua comme elle tue et tuera tout
ce qu’il y a de grand dans le peuple belge.
C’est évidemment des ateliers de Dewasme-
Pletinckx que sortit la gloire de Madou. A la
même époque il fit des sépias et des encres
de Chine ; il en exécuta beaucoup pour des
éditeurs de Paris et, si je ne me trompe,
pour une édition quelconque des œuvres de
Walter Scott. Je possède de lui une merveil-
leuse encre de Chine faite à cette intention.
Il se lança dans l’aquarelle où son succès
fut rapide et immense. Il était dans ce genre
d’une fécondité inépuisable et je doute qu’on
puisse jamais chiffrer le nombre de ces ra-
vissantes compositions. 11 n’a point gravé à
l’eau forte que je sache, mais Billoin a fait
six planches importantes d’après lui.

C’est vers 1840, je crois, c’est-à-dire vers
quarante-cinq ans, qu'il se mit à peindre à
l’huile. Au commencement ce n’était pas fort
et cela ne se sauvait de sa timidité que par
beaucoup d’esprit et un dessin naturelle-
ment correct. Peu à peu son pinceau s’en-
hardit et sans avoir été jamais un coloriste
éminent, ni même ordinaire, il sut rester
dans une gamme séduisante généralement
grise et qui se soutenait par d’exceptionnelles
qualités d’harmonie. Sa touche un peu blai-
reautée dans le débutgagna eu audace,et sans
avoir été jamais un brosseur fini il savait à
de certains moments donner du cor. Il faut
dire aussi que le genre qu’il avait adopté ne
réclamait pas de puissants effets d’orchestre
et en cela Madou a donné une grande preuve
de bon sens artistique en jugeant que la cou-
leur n’était chez lui qu’un moyeu et non un
but. Il s’appréciait avec un tact merveilleux.
Le sujet, l’idée était tout et je l’ai souvent
surpris riant pour lui seul, et sans le savoir.

d’une idée qui lui était tombée dans la tête
et qui allait tomber sur la toile.

Il avait l’humeur douce, gaie et quelque-
fois caustique à la manière de La Fontaine
qui était son dieu littéraire. Cette disposi-
tion d’esprit jointe à un naturel calme et
pondéré le conduisit tout droit à des scènes
d’intérieur où jamais ne se rencontre un sen-
timent de tristesse. Un ciel toujours bleu
régna dans le cœur de cet excellent homme.
La politique, l’amour doux et honnête, la
veillée, les scènes de cabaret surtout, les
confidences,les scènes conjugales comme on
les comprenait alors, tel était le milieu dans
lequel Madou se complut jusqu’à sa dernière
heure. Le costume moderne lui faisait hor-
reur, aussi s’est-il réfugié dans les modes
du moyen-âge et plus souvent dans celles de
la république et du directoire.

Une honnêteté irréprochable,absolue,règne

dans tout l’œuvre de Madou. Toujours il sut
intéresser sans avoir recours à ces équivo-
ques scabreux qui font la joie des impuis-
sants. Il y a dans cette situation un admira-
ble plaidoyer contre l’art malsain de notre
temps, plaidoyer sans la moindre répliqué.
Celui qui voudrait nier cette situation nierait
Madou ; ce serait nier les flots d’or que nous
voyons tomber chaque fois qu’un tableau de
ce maître apparaît à une criée quelconque.
Je le sais,Madou heureusement pourlui, n’est
pas le peintre des boudoirs, il a toujours
dédaigné la fange, mais se figure-t-on ce
que vaudra ce peintre quand un siècle ou
deux auront passé, par exemple, sur son
Trouble-fête ? Montrez-moi donc la Phryné
aux seins nus qui pourra lutter avec lui!

J’ai parlé du Trouble-fête. Revenons-y, car
c’est l’œuvre qui résume le mieux l’artiste.
Comme esprit, comme sentiment, analysez
chaque tête, chaque trait du visage même.
C’est effrayant de naturel. 11 y a dans cette
toile telle tête qui vous donnerait l’envie d’en-
trer immédiatêment en conversation avec
elle. Tout le inonde a sa pensée clairement
rendue; depuis le-garde champêtre jusqu’aux
gamins du fond il n’est personne qui ne soit
absolument et complètement absorbé par la
scène. 11 y a là cinquante à soixante per-
sonnages, il n’y en a pas un qui ne soit un
véritable chef-d’œuvre d’expression. Qu’on
laisse dormir Jean Steen et Teniers dans
leur gloire. Ce n’est ni l’un ni l’autre, c’est
 
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