N° 5.
15 Mars 1877.
Dix-neuvième Année.
JOURNAL DES BEAUX-ARTS
ET DE LA LITTERATURE
paraissant deux fois par mois, sous la direction de M. Ad. S1RET, membre de l’Académie royale de Belgique, membre correspondant
de la Commission royale des monuments, membre de l’Institut des provinces de France, de la Société française d’Archéologie, etc.
OIN” S’ABONNE : à Anvers, chez TESSARO, éditeur; à Bruxelles, chez DECQ et
DUHENT et chez MUQUARDT ; à Gand, chez HOSTE et chez ROGGHÉ ; à Liège, chez DE SOER
et chez DECQ : à Louvain, chez Ch. PEETERS ; dans les autres villes, chez tous les libraires. Pour
l’Allemagne, la Russie et l’Amérique : C. MUQUARDT. La France : DUSACQ et Cie, Paris. Pour
la Hollande : MARTINUS NYHOFF, à la Haye. — PRIX D’ABONNRMïïNT :
pour toute la Belgique (port compris). Par an, 9 fr. — Etranger (port compris) : Allemagne, Angle-
terre, France, Hollande, Italie et Suisse, 12 fr. Pour les autres pays, même prix, le port en sus. —
PRIX PAR NTTMïblî-O :50 c. — RECLAMES et Insertions extraordi-
naires : 2 fr. la ligne. — Pour les grandes annonces on traite à forfait. — .A.IN'IN'OISTCES :
40 c. la ligne. — Pour tout ce qui regarde l’Administration ou les annonces s’adresser à l’Admi-
nistration, rue du Progrès, 28, à St-Nicolas (Flandre orientale) ou à Louvain, rue Marie-Thérèse, 22.
— Il pourra être rendu compte des ouvrages dont un exemplaire sera adressé à la rédaction.
SOMMAIRE : Belgique : Revue musicale. — L’art
et les artistes (3e article). — Pensées et maximes.
— Bibliothèque de M. de Coussemaker. — Chro-
nique. — Annonces.
Belgique.
REVUE MUSICALE.
I.
Commençons notre revue par parler de
l’importante vente d’ouvrages musicologiques
et d’instruments, qui aura lieu les 17, 18, 10
et 20 avril prochain, dans la salle de M. Oli-
vier, l’intelligent libraire, 11, rue des Parois-
siens, à Bruxelles. C’est [la vente de la magni-
fique collection délaissée par feu notre ami
M. Ch. de Coussemaker, membre de l’Institut
deFrance,de l’Académie impériale devienne,
de l’Académie royale de Belgique. Qui ne
connaît le savant continuateur de Gerbert,
l’auteur de l’Histoire de l’harmonie au moyen-
âge et de tant d’autres livres dans les-
quels brille la plus saine et la plus vaste
érudition? M. de Coussemaker était un
chercheur infatigable, doué d’une étonnante
perspicacité et de la plus grande conscience
dans tous ses travaux. Nous lui avons con-
sacré une notice détaillée dans le Guide
musical de M. Schott.
Occupons-nous aujourd’hui de sa biblio-
ihèque, à laquelle il a donné presqu’un
demi siècle de sa belle carrière. La partie
qui sera vendue le mois prochain contient
1075 numéros relatifs à la musique; 543 nu-
méros sur la théologie, les belles lettres,
l’histoire, l’archéologie et la bibliographie.
Enfin, il sera vendu des instruments anciens,
tels que : violes, pochettes, sistres, théor-
bes, mandolines, vieilles, musettes, épi-
nettes. etc.
Le catalogue de la paitie musicologique
est rédigé avec beaucoup de discernement
et fait honneur à M. Olivier. Il y a d’abord
une partie générale : esthétique, polémique,
poèmes et romans sur la musique, diction-
naires. L’Histoire de la musique est divisée
en 17 chapitres; la Didactique en 10 chapi-
tres; les Monuments de l’art en 4 chapitres,
dont celui relatif au chant liturgique em-
brasse l’église latine, l’église grecque, les
bsaumes. les Noëls, les Cantiques, tant du
culte réformé que du catholicisme.
Depuis les ventes des bibliothèques de la
Fage et Farrenc il n’y a plus eu en Europe
de collection à vendre plus complète que
celle de M. de Coussemaker. Ainsi, Ray-
mond, Villoteau, Bottrigaro, Doni, le père
Martini, Forkel, Burney, Lustig, dom Cal-
met, Amiot, Burette, de la Borde, l’abbô de
la P.ue, Danjou, Kieseweter et 30 autres
maîtres musicistes s’y trouvent au complet.
Plusieurs des manuscrits des essais de diph-
térographie musicale de feu M. de la Fage
y sont aussi
Les recueils des chants populaires et his-
toriques forment, à eux seuls, un ensem-
ble que nous croyons unique. Nous en
dirons autant des ouvrages relatifs aux cor-
porations et confréries de musiciens. Citons
comme vrais bijoux de bibliographie, des
manuscrits du xuime siècle, relatifs à Gui
d’Arezzo, à Odon de Cluny, à Jean de Mû-
ris, etc. Nous n’en finirions pas s’il fallait
mentionner tous les traités généraux classés
sous la rubrique Didactique.On en trouve pour
tous les pays et pour toutes les écoles; il y
a aussi deux Graduale manuscrits à l’usage
des anciens chartreux, exemplaires magni-
fiques, plus un grand nombre de feuillets
contenant des hymnaires, des procession-
nels, toutes sortes d’offices propres.
En résumé, la vente de livres de M. de
Coussemaker sera pour les musiciens un
véritable événement, de même que l’a été,
il y a deux mois, chez le même libraire,
celle des splendides ouvrages de gravure et
d’archéologies délaissés par feu M. Kofoed,
amateur néerlandais.
M. de Coussemaker n’était pas seulement
musicien d’élite mais magistrat des plus éclai-
rés, Président de la Société des Flamands de
France et historiographe de tous les faits qui
concernaient le Département du Nord en
France. A ces différents points de vue sa
bibliothèque renferme aussi des ouvrages
d’un très-grand prix.
II.
Parmi les publications de critique musicale
qui ont paru depuis notre dernière Revue,
signalons une notice biographique sur Fran-
cesco Azzopardi, maître de chapelle de la
cathédrale de Malte, par le chanoine Paolo
Pullicino {Malte, Micallef, 1876). Ce travail
très-intéressant, fait par un musicologue dont
la science marche de pair avec le dévoue-
ment à l’art religieux, mérite les honneurs
d’être inséré dans l’œuvre des continuateurs
des biographies Fétis. — Nous n’en dirons
pas moins de l'Eloge funèbre du Maestro
don G. B. Candotti, maître de chapelle de la
collégiale de Cividale del Friule, discours
prononcé par le R. chanoine G. A. de Luca de
cette Cathédrale. A cette brochure est jointe
une notice biDliograpliique des plus remar-
quables, faite par l’abbé J. Tomadini, maître de
chapelle et organiste de la même cathédrale.
L’abbé Tomadini est un compositeur sérieux,
rompu à tous les artifices de l’art sacré.
Nous venons d’exécuter de ce maître un
Adoramus, à 5 voix réelles, en l’Eglise col-
légiale de St-Pierre à Louvain et nous en
avons été chaleureusement félicité par plu-
sieurs amateurs.
Le comte J. B. Rossi-Scotti, de Pérouse,
qui s’est donné tant de peines pour rele-
ver la réputation du célèbre compositeur
italien Morlacchi, vient de compléter les pu-
blications qu’il a faites sur ce grand artiste
italien, par le don d’une magnifique partition
manuscrite de Morlacchi, au Conservatoire
royal de Bruxelles et par celui d’une autre,
de moindre étendue, à la bibliothèque de la
Collégiale de Louvain. Une troisième œuvre
manuscrite avait déjà été offerte à la biblio-
thèque du Vatican et a valu, à son noble do-
nateur, une magnifique lettre du Pape Pie IX.
Ainsi que le dit M. Fétis dans sa Biographie
universelle des musiciens, grâce au comte
Rossi-Scocti, Morlacchi est aujourd’hui connu
dans toute l’Europe comme une des gloires
de la Péninsule.
Mentionnons, pour la France, une curieuse
brochure, intitulée : Architecture et musique,
Ventrecolonnement et la gamme, dont l’auteur
est M. Ch. M. Domergue, de Beaucaire, au-
teur de plusieurs ouvrages sur la musique
ainsi que des Soirées de Monte-Carlo.
Nous l’avouerons humblement, nous ne
sommes pas architecte mais nous avons été
émerveillés des curieux rapprochements que
cet ingénieux écrivain a trouvés entre les
deux arts que nous venons de citer. Ce que
nous avions dit, depuis longtemps, c’est que
le contour dans le dessin, la ligne dans l’ar-
chitecture, la voyelle, dans le langage, en
rapport avec la consonne, sont absolument
la même chose que la mesure dans la mu-
15 Mars 1877.
Dix-neuvième Année.
JOURNAL DES BEAUX-ARTS
ET DE LA LITTERATURE
paraissant deux fois par mois, sous la direction de M. Ad. S1RET, membre de l’Académie royale de Belgique, membre correspondant
de la Commission royale des monuments, membre de l’Institut des provinces de France, de la Société française d’Archéologie, etc.
OIN” S’ABONNE : à Anvers, chez TESSARO, éditeur; à Bruxelles, chez DECQ et
DUHENT et chez MUQUARDT ; à Gand, chez HOSTE et chez ROGGHÉ ; à Liège, chez DE SOER
et chez DECQ : à Louvain, chez Ch. PEETERS ; dans les autres villes, chez tous les libraires. Pour
l’Allemagne, la Russie et l’Amérique : C. MUQUARDT. La France : DUSACQ et Cie, Paris. Pour
la Hollande : MARTINUS NYHOFF, à la Haye. — PRIX D’ABONNRMïïNT :
pour toute la Belgique (port compris). Par an, 9 fr. — Etranger (port compris) : Allemagne, Angle-
terre, France, Hollande, Italie et Suisse, 12 fr. Pour les autres pays, même prix, le port en sus. —
PRIX PAR NTTMïblî-O :50 c. — RECLAMES et Insertions extraordi-
naires : 2 fr. la ligne. — Pour les grandes annonces on traite à forfait. — .A.IN'IN'OISTCES :
40 c. la ligne. — Pour tout ce qui regarde l’Administration ou les annonces s’adresser à l’Admi-
nistration, rue du Progrès, 28, à St-Nicolas (Flandre orientale) ou à Louvain, rue Marie-Thérèse, 22.
— Il pourra être rendu compte des ouvrages dont un exemplaire sera adressé à la rédaction.
SOMMAIRE : Belgique : Revue musicale. — L’art
et les artistes (3e article). — Pensées et maximes.
— Bibliothèque de M. de Coussemaker. — Chro-
nique. — Annonces.
Belgique.
REVUE MUSICALE.
I.
Commençons notre revue par parler de
l’importante vente d’ouvrages musicologiques
et d’instruments, qui aura lieu les 17, 18, 10
et 20 avril prochain, dans la salle de M. Oli-
vier, l’intelligent libraire, 11, rue des Parois-
siens, à Bruxelles. C’est [la vente de la magni-
fique collection délaissée par feu notre ami
M. Ch. de Coussemaker, membre de l’Institut
deFrance,de l’Académie impériale devienne,
de l’Académie royale de Belgique. Qui ne
connaît le savant continuateur de Gerbert,
l’auteur de l’Histoire de l’harmonie au moyen-
âge et de tant d’autres livres dans les-
quels brille la plus saine et la plus vaste
érudition? M. de Coussemaker était un
chercheur infatigable, doué d’une étonnante
perspicacité et de la plus grande conscience
dans tous ses travaux. Nous lui avons con-
sacré une notice détaillée dans le Guide
musical de M. Schott.
Occupons-nous aujourd’hui de sa biblio-
ihèque, à laquelle il a donné presqu’un
demi siècle de sa belle carrière. La partie
qui sera vendue le mois prochain contient
1075 numéros relatifs à la musique; 543 nu-
méros sur la théologie, les belles lettres,
l’histoire, l’archéologie et la bibliographie.
Enfin, il sera vendu des instruments anciens,
tels que : violes, pochettes, sistres, théor-
bes, mandolines, vieilles, musettes, épi-
nettes. etc.
Le catalogue de la paitie musicologique
est rédigé avec beaucoup de discernement
et fait honneur à M. Olivier. Il y a d’abord
une partie générale : esthétique, polémique,
poèmes et romans sur la musique, diction-
naires. L’Histoire de la musique est divisée
en 17 chapitres; la Didactique en 10 chapi-
tres; les Monuments de l’art en 4 chapitres,
dont celui relatif au chant liturgique em-
brasse l’église latine, l’église grecque, les
bsaumes. les Noëls, les Cantiques, tant du
culte réformé que du catholicisme.
Depuis les ventes des bibliothèques de la
Fage et Farrenc il n’y a plus eu en Europe
de collection à vendre plus complète que
celle de M. de Coussemaker. Ainsi, Ray-
mond, Villoteau, Bottrigaro, Doni, le père
Martini, Forkel, Burney, Lustig, dom Cal-
met, Amiot, Burette, de la Borde, l’abbô de
la P.ue, Danjou, Kieseweter et 30 autres
maîtres musicistes s’y trouvent au complet.
Plusieurs des manuscrits des essais de diph-
térographie musicale de feu M. de la Fage
y sont aussi
Les recueils des chants populaires et his-
toriques forment, à eux seuls, un ensem-
ble que nous croyons unique. Nous en
dirons autant des ouvrages relatifs aux cor-
porations et confréries de musiciens. Citons
comme vrais bijoux de bibliographie, des
manuscrits du xuime siècle, relatifs à Gui
d’Arezzo, à Odon de Cluny, à Jean de Mû-
ris, etc. Nous n’en finirions pas s’il fallait
mentionner tous les traités généraux classés
sous la rubrique Didactique.On en trouve pour
tous les pays et pour toutes les écoles; il y
a aussi deux Graduale manuscrits à l’usage
des anciens chartreux, exemplaires magni-
fiques, plus un grand nombre de feuillets
contenant des hymnaires, des procession-
nels, toutes sortes d’offices propres.
En résumé, la vente de livres de M. de
Coussemaker sera pour les musiciens un
véritable événement, de même que l’a été,
il y a deux mois, chez le même libraire,
celle des splendides ouvrages de gravure et
d’archéologies délaissés par feu M. Kofoed,
amateur néerlandais.
M. de Coussemaker n’était pas seulement
musicien d’élite mais magistrat des plus éclai-
rés, Président de la Société des Flamands de
France et historiographe de tous les faits qui
concernaient le Département du Nord en
France. A ces différents points de vue sa
bibliothèque renferme aussi des ouvrages
d’un très-grand prix.
II.
Parmi les publications de critique musicale
qui ont paru depuis notre dernière Revue,
signalons une notice biographique sur Fran-
cesco Azzopardi, maître de chapelle de la
cathédrale de Malte, par le chanoine Paolo
Pullicino {Malte, Micallef, 1876). Ce travail
très-intéressant, fait par un musicologue dont
la science marche de pair avec le dévoue-
ment à l’art religieux, mérite les honneurs
d’être inséré dans l’œuvre des continuateurs
des biographies Fétis. — Nous n’en dirons
pas moins de l'Eloge funèbre du Maestro
don G. B. Candotti, maître de chapelle de la
collégiale de Cividale del Friule, discours
prononcé par le R. chanoine G. A. de Luca de
cette Cathédrale. A cette brochure est jointe
une notice biDliograpliique des plus remar-
quables, faite par l’abbé J. Tomadini, maître de
chapelle et organiste de la même cathédrale.
L’abbé Tomadini est un compositeur sérieux,
rompu à tous les artifices de l’art sacré.
Nous venons d’exécuter de ce maître un
Adoramus, à 5 voix réelles, en l’Eglise col-
légiale de St-Pierre à Louvain et nous en
avons été chaleureusement félicité par plu-
sieurs amateurs.
Le comte J. B. Rossi-Scotti, de Pérouse,
qui s’est donné tant de peines pour rele-
ver la réputation du célèbre compositeur
italien Morlacchi, vient de compléter les pu-
blications qu’il a faites sur ce grand artiste
italien, par le don d’une magnifique partition
manuscrite de Morlacchi, au Conservatoire
royal de Bruxelles et par celui d’une autre,
de moindre étendue, à la bibliothèque de la
Collégiale de Louvain. Une troisième œuvre
manuscrite avait déjà été offerte à la biblio-
thèque du Vatican et a valu, à son noble do-
nateur, une magnifique lettre du Pape Pie IX.
Ainsi que le dit M. Fétis dans sa Biographie
universelle des musiciens, grâce au comte
Rossi-Scocti, Morlacchi est aujourd’hui connu
dans toute l’Europe comme une des gloires
de la Péninsule.
Mentionnons, pour la France, une curieuse
brochure, intitulée : Architecture et musique,
Ventrecolonnement et la gamme, dont l’auteur
est M. Ch. M. Domergue, de Beaucaire, au-
teur de plusieurs ouvrages sur la musique
ainsi que des Soirées de Monte-Carlo.
Nous l’avouerons humblement, nous ne
sommes pas architecte mais nous avons été
émerveillés des curieux rapprochements que
cet ingénieux écrivain a trouvés entre les
deux arts que nous venons de citer. Ce que
nous avions dit, depuis longtemps, c’est que
le contour dans le dessin, la ligne dans l’ar-
chitecture, la voyelle, dans le langage, en
rapport avec la consonne, sont absolument
la même chose que la mesure dans la mu-