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N° 4.

28 Février 1877.

Dix-neuvième Année.

JOURNAL DES BEAUX-ARTS

ET DE LA LITTÉRATURE

paraissant deux fois par mois, sous la direction de M. Ad. SIRET, membre de l’Académie royale de Belgique, membre correspondant
de la Commission royale des monuments, membre de l’Institut des provinces de France, de la Société française d’Archéologie, etc.

OIN" S’A.BO]Sr!N"IUi : à Anvers, chez TESSARO, éditeur; à Bruxelles, chez DECQ et
DUHENT et chez MUQUARDT; à Gand, chez HOSTE et chez ROGGHÉ; à Liège, chez DE SOER
et chez DECQ : à Louvain, chez Ch. PEETERS ; dans les autres villes, chez tous les libraires. Pour
l’Allemagne, la Russie et l’Amérique : C. MUQUARDT. La France : DUSACQ et Cie, Paris. Pour
la Hollande : MARTINUS NYHOFF, à la Haye. - PRIX D’ABONNEMENT :
pour toute la Belgique (port compris). Par an, 9 fr. — Etranger (port compris) : Allemagne, Angle-

terre, France, Hollande, Italie et Suisse, 12 fr. Pour les autres pays, même prix, le port en sus. —
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nistration, rue du Progrès, 28, à St-Nicolas (Flandre orientale) ou à Louvain, rue Marie-Thérèse, 22.
— Il pourra être rendu compte des ouvrages dont un exemplaire sera adressé à la rédaction.

SOMMAIRE. Belgique : L’art et lês artistes. —
(deuxième article). — Propos d’atelier. — Les
rateurs de train. — France : Correspondance
particulière : Thorvaldsen. — Publications de
la Société de l’histoire de l’art français. —
Chronique générale: — Périodiques illustrés. —
Annonces.

L’ART ET LES ARTISTES
par M. Emile Leclercq.

(2™ article).

Les écrivains se sont généralement plu à
faire de Van Dyck une espèce de libertin qui
aurait ruiné sa santé dans des débauches de
tout genre. Ce sont là des assertions calom-
niatrices contre lesquelles, dans ce même
journal, je me suis énergiquement élevé.
Quelques écrivains modernes, heureux de
saisir celte occasion de faire du style volup-
tueux,ont amplifié la matière et sont arrivés
à des inventions ignobles telle que de don-
ner Van Dyck pour amant à la femme de
Rubens, fait qui expliquerait le départ du
jeune artiste pour lTtalie. Bien plus : on a
voulu voir dans le tableau de Rubens du
musée d’Anvers : Le Christ aux limbes, les
figures de sa première femme et de Van
Dyck parmi les âmes du purgatoire ! ! La
vérité est que Van Dyck a énormément tra-
vaillé et que, comme il n’existe aucun indice
de la vie dissolue qu’on lui attribue, nul n’a
le droit de touiller dans la sienne et encore
moins le droit de compromettre la réputa-
tion de personnes avec lesquelles le met-
taient en rapport les devoirs de sa profes-
sion. Il est bien plus simple et plus logique
de supposer que la brièveté de sa vie est
due, en partie, à des travaux de peinture où
il a été surmené par son succès même.

M. E.Leclercq pense comme nous et, à ce
propos, il inflige uue leçon méritée à M. A.
Michiels qui ne s’est pas fait faute d’imiter
la légèreté de ses prédécesseurs, seulement
la férule est tenue sans soin, car dans le
deuxième paragraphe de la page 88 règne
un cliquetis de qui et de que dont on ne par-
lerait pas si l’on n’était surpris de rencon-
trer cette négligence chez notre écrivain. Il
faut aussi remarquer que, tout en sermon-

nant M.A.Michiels.M. Leclercq se laisse tout
doucettement entraîner sur la voie des sup-
positions â propos des galanteries du peintre
anversois.il heurte même parfois le bon sens,
comme à la page 89 où il dit ;

“ Mais cet homme passionné pour les aventures
amoureuses (La preuve?) avait une force nerveuse
qui lui permettait de produire les œuvres les plus
mâles, pour ainsi dire en désaccord avec sa na-
ture délicate et voluptueuse. »

Et voilà pourquoi votre fille est muette.

A propos de Rembrandt M. E. Leclercq a
payé sa dette à ce qui était, il y a quelques
années, un entraînement général : il fallait
découvrir son Rembrandt. Si l’on mettait
bout à bout les boursouflures ineptes débi-
tées sur le maître hollandais, on arriverait à
en faire un colosse, la huitième merveille du
monde! C’est à la lettre. Jamais le prurigo
littéraire n’a atteint de pareilles propor-
tions; c’en était inquiétant. Rembrandt était
devenu un philosophe d’unepuissance inson-
dable, un homme d’une énergie de volonté
admirable, le modèle des peintres et des ci-
toyens, un génie immense mis au-dessus de
Vinci et du Titien, en un mot il n’est sorte
d'exagération qui n’ait été lancée en avant par
tous ces Christophe Colomb du grand maître.
Et tout cela, pourquoi? Je vais vous le dire.
Tout cela pour une raison misérable et
honteuse; c’est qu’à l’époque où s’est ma-
nifestée cette inondation laudative, il y avait
là bas, à l’hôtel Drouot, ou au Brakke grond,
ou chez Artaria,un Rembrandt ou deux qu’il
fallait vendre. Et le public a donné dedans;
et les critiques d’art plus ou moins naifs ont
emboité le pas et fait leur Rembrandt. Et
voilà!

Je ne sais quand M. Leclercq a trouvé son
Rembrandt à lui. Je reconnais bien volontiers
qu’il l’a fait de bonne foi mais il a cédé à
Entraînement et lui aussi a cru voir dans le
maître hollandais des choses que d’autres
n’avaient pas vues. Nous allons les lui mon-
trer mais avant, constatons bien qu’en révé-
lant une face des infirmités littéraires de notre
époque, infirmités qui consistent à chercher
et à trouver midi à quatorze heures, nous ne
voulonsen rien diminuer la célébrité dugrand
artiste hollandais. 11 était tout aussi grand

avant les merveilleuses trouvailles delà criti-
que moderne sur son compte. Il est peu d’artis-
tes dont la gloire depuis leur mort, se soit
toujours soutenue comme la sienne. Rem-
brandt n’a jamais été ignoré ni méconnu,
soit comme peintre, soit comme graveur,et,
si M. Leclercq en veut des preuves convain-
cantes.je les lui donnerai immédiatement en
lui disant que le 16 avril 1738 ou vendit pu-
bliquement,àAmsterdam,un tableau de Rem-
brandt représentant Suzanne et les vieillards,
haut de 2 pieds et large de 5 pieds 2 pou-
ces, au prix de 700 florins, ce qui à notre
époque représenterait environ 10,000 francs.
Le Tl mai 1736, à Amsterdam, on vendit un
exemplaire de la gravure du Bourgmestre
Six pour 300 florins, soit valeur du jour
trois mille cinq cents francs (î). Il y a cent
et quatorze ans, en 1763, à la vente Lormier
à La Haye, on vendit publiquement une
Déposition de Croix de Rembrandt, large seu-
lement d’environ 2 pieds et haut de 3 pieds
et \ pouce pour la somme de 2300 florins,
soit, au compte du jour, 25,000 francs! La
seule différence que je constaterai entre les
temps anciens et aujourd’hui c’est qu’alors
on payait très cher de véritables Rembrandt
et qu’aujourd’hui on paie les faux Rembrandt
plus cher encore. Comme je l’ai dit plus
haut cette recrudescence de flagorneries a
été une fièvre de circonstance provoquée
par un chantage impudent imité aussi
pour Frans Hais, autre grand maître qu’on
a trouvé bon d’entourer d’une auréole exa-
gérée à dessein et que les lanceurs, riant
sous cape, n’ont pas encore décrochée.

Je ne sais quel écrivain a dit récemment
sous l’influence de cette démangeaison Rem-
brannienne que le peintre de la Ronde de
nuit pouvait être considéré comme le véri-
table réformateur des mœurs néerlandaises.
Je regrette pour le moment d’avoir oublié le
nom de l’auteur de cette colossale ineptie;
j’espère le retrouver. On voit par là à quel
point d’aberration peut conduire nn engoue-
ment électrique, savamment préparé et adroi-
tement provoqué.

Voyons le Rembrandt de M. Leclercq :

(i) Je m’étonne que M, Charles Blanc dans son
Histoire des peintres n’ait pas rappelé ces circonstan-
ces. Il est vrai qu’il y a des choses qui De conviennent
pas aux enfonceurs de portes ouvertes.
 
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