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Revue égyptologique — 7.1896

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Nr. 3
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Quelques documents historiques de Bocchoris à Psammétique Ier
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https://doi.org/10.11588/diglit.11579#0122

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Eugène Revillout.

Le nom du jeune Arnbokenranf, auquel la femme Setlior faisait cette transmission, nous montre
avec certitude que l'an 16 — qui forme la date de l'acte — appartient au règne de Bocchoiïs. Tous les
égyptologues savent en effet qu'il était de coutume de donner le nom du roi régnant — ou plutôt de
faire entrer ce nom comme élément dans le nom de certains enfants nés sous leur règne. C'est à l'aide
de cette coutume que l'on a pu dater un grand nombre de stèles et de documents de tout genre. Or ici
Arnbokenranf signifie la créature de Bocchoris — roi qui s'appelait en égyptien Bokenranf (le serviteur
de son nom) comme l'ont prouvé les stèles du Sérapéum. Or ce nom Bokenranf est un nom très rare, qu'on
ne trouve pas, à ma connaissance, avant ce prince et qu'on ne trouve plus guère après lui à cause des
changements de dynastie et des révolutions dont ce prince fut victime. Selon Manéthon, Bocchoris constitue
— point sur lequel insistait beaucoup M. de Rougé — à lui seul la XXIVe dynastie. Il en fut l'unique
roi et il fut vaincu — après 44 ans de règne — par Shabaku qui le fit prisonnier et le brûla vif. Diodore
abonde en détails sur ce grand législateur des Egyptiens, l'auteur du code des contrats, dont il parle tant
et, sommé toute, si exactement. Il nous en fait le portrait physique et nous apprend surtout un point fort
intéressant, c'est qu'il était le fils de Tafnext. Or Tafnext — le prince de Memphis et de Saïs — nous est
bien connu par la stèle de Piankhi, si admirablement traduite et commentée par M. de Rougé. Talhe/t, qui
n'est jamais qualifié de roi, mais seulement de prêtre, de chef, de prince particulier, entreprit un instant
de soumettre les autres princes du nord et de midi pour réunir — entre ses mains ou entre les mains d'un
roi fainéant dirigé par lui — la totalité de l'ancien royaume des Pharaons. Il avait déjà beaucoup avancé
dans la Thébaïde — qui reconnaissait jusqu'alors l'hégémonie un peu honoraire du roi éthiopien Piankhi —
quand celui-ci le battit complètement et l'obligea (ainsi que tous les princes et les roitelets d'Égypte) à
lui prêter serment d'allégeance. C'est pour avoir manqué à ce serment paternel que Bocchoris, le fils du
prince de Saïs et de Memphis, Tafnekht, s'étant fait reconnaître officiellement roi et ayant pris le cartouche,
fut brûlé vif par l'Ethiopien Shabaku, l'un des successeurs de Piankhi. Mais ce que nous ne savions pas,
ce dont nous doutions même — et ce que notre contrat thébain nous apprend — c'est que Bocchoris
n'avait pas été reconnu roi seulement par les princes de la Basse-Egypte, mais, au moins pendant 16 ans,
dans la Haute-Egypte et jusque dans cette Thèbes que Piankhi possédait sans conteste — antérieurement
même aux entreprises et aux désastres de Tafnekht qui avaient été l'occasion de l'occupation universelle
de l'Egypte par les Éthiopiens. — A ce point de vue, Manéthon se trouve confirmé dans le sens même
qu'indiquait M. de Rougé : Bocchoris fut véritablement roi, grand roi et l'unique roi de sa dynastie. Ainsi
s'explique aussi ce fait — qui me paraissait un mystère — de l'application persistante du code de Bocchoris en
Thébaïde, c'est-à-dire dans un pays où je croyais jusqu'ici qu'il n'avait jamais régné. Il faut donc admettre
que Bocchoris ne se borna pas à usurper le cartouche dans les villes qu'il gouvernait déjà comme prince
héréditaire, ainsi que son père Tafnekht, mais qu'entre Piankhi et Shabaku il trouva le moyen d'intercaler
à son actif1 des victoires, en repoussant la dynastie éthiopienne descendant de la XXIe dynastie des prêtres
d'Amon de Thèbes — de cette Thèbes même dont elle se considérait comme la maîtresse légitime et
incontestable. On comprend bien ainsi la fureur sauvage de Shabaku — et l'on comprend également qu'à
Thèbes, après Bocchoris et sous les Éthiopiens, il ne saurait être question d'un nom formé comme Arn-
boknranf, nom dont le porteur aurait été accusé de haute trahison.

Notons, du reste, que les noms des contractants et de leurs parents se trouvent pour ainsi dire isolés
dans notre série de contrats thébains. On ne retrouve plus du temps de Shabaku et de Tahraku aucune
des parties en question : et cela paraît tout naturel quand on donne avec Manéthon 44 ans de règne
effectif à Bocchoris. De l'an 16 de Bocchoris à l'an 10 de Shabaku il y a vraiment un trop grand intervalle.

Il faut bien reconnaître d'ailleurs que si Manéthon se trouve confirmé par notre contrat sur un
point — celui de la royauté de Bocchoris, effective dans toute l'Égypte pendant de longues années et
unique pour sa race — il est bien loin de l'être par les divers documents sur tous les autres et parti-
culièrement sur la place réelle de ce roi dans la série des dynasties égyptiennes. C'est ce que nous aurons
à voir à propos du document suivant.

d'une 12e d'une écriture très négligée commençant par une date : l'an XVI, Thoout le 2<i. On distingue en plusieurs endroits le mot
«argent» (?) et deux ou trois chiffres qui donnent à penser que c'est une pièce de comptabilité, car le reste est presque indéchiffrable (?).
Le nom du mois et quelques autres caractères se rapprochent beaucoup des formes démotiques, bien que l'ensemble de l'écriture paraisse
d'une époque assez ancienne. » — On ne saurait se tromper plus complètement et — disons-le — plus grossièrement.

1 Notons cependant que c'était un homme nouveau; car, selon la stèle de Piankhi. son père Tafnekht, — chef d'un corps de ces
étrangers (sémites) nommés ma, comme beaucoup d'autres chefs de villes nommés dans la même stèle, étrangers jouant sous les Bu-
bastites, et les Tanites, leurs cousins, le rôle de gardes du corps du roi, comme les Turcs sous les Califes, — Tafnekht, dis-je, qui
n'était que le petit seigneur de Nuter dans l'origine, devint prince de Saïs et de Memphis, villes dont il se fit nommer grand prêtre,
comme il devint sans doute ministre tout puissant du roi, puis même un instant presque roi du Delta et d'une partie de la Thébaïde
jusqu'aux conquêtes de Pianohi. Son fils franchit le pas et fut effectivement roi.
 
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