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LA PAIX AVEC LA CHINE
Il élail temps ! Sans cela nous n’aurions plus pu nous serrer la main.
dernièr jure ses grands dieux qu'il ne bougera qu’autant
que l’autre sera en voiture...
Cet échange de civilités dure souvent une demi-heure!
Pendant ce temps, la longue (de de voitures qui sillonnent
la rue reste stationnaire et tout le monde se morfond.
Lorsque ce temps d’arrêt est occasionné par la rencontre
fortuite de deux mandarins ou de deux personnages hup-
pés, les Chinois prennent leur mal en patience ; mais dame !
quelquefois aussi la moutarde leur monte au nez. Et il se
passe alors de véritables scènes de vaudeville qui, quel-
quefois, tournent au tragique, surtout si un Chinois est
assez mal appris pour appeler l’autre « œuf de tortue ».
Celui à qui s'adresse cette horrifique injure eu lire immé-
diatement vengeance; il rehausse ses manches, roule sa
queue autour de sa tête et se précipite sur son adversaire
qu'il mord comme un chien enragé. Mais des hommes de
police accourent, précédés d’un mandarin, qui juge séance
tenante les deux perturbateurs de la paix publique et leur
fait administrer a chacun vingt coups de rolin.
Au milieu de la foule, des vieillards à barbe blanche
marchent avec un long bâton au bout duquel est perché un
oiseau apprivoisé; d’autres tiennent la ficelle d’un cerf-
volant, comme s’ils avaient douze ans.
Tout à coup, d’une ruelle, débouchent des coureurs à
cheval qui se frayent violemment passage à travers la foule ;
les cris, le tumulte augmentent. C'est un mandarin qui se
rend au tribunal. Malgré l'absence du soleil, derrière sa
chaise, des domestiques portent d’énormes parasols ouverts.
Le luxe qui entoure un Chinois à sa sortie consiste sur-
tout dans le grand nombre de "■serviteurs qui l'accompa-
gnent — vingt et souvent davantage. — Mais si les deux ou
trois valets qui ouvrent la marche sont à peu près conve-
nablement vêtus, il n’en est certes pas de même des au-
tres. Couverts do guenilles, misérablement montés sur de
pauvres baudets maigres, pelés et souvent boiteux, ils ins-
pireraient plutôt la pitié qu’autre chose.
Plus loin, on voit des lettrés aux nez armés de grosses
besicles, qui entrent dans les boutiques de librairie, où
l’on vend aussi des journaux, entre autres la Gazelle de
Pékin. Au bout de la rue, un grand rassemblement arrête
la circulation. On lit à haute voix l'affiche que le chef de
police du quartier vient de faire placarder à sa porte. Et
l'on rit, et l'on s’en moque, et des gamins la couvrent de
caricatures.
Sur un autre point de la rue, un rassemblement s’est
formé autour d'un conteur populaire : c’est un aspirant
lettré qui n'a pas réussi dans ses examens et qui gagne sa
vie en récitant en public des poésies et des poèmes, et en
contant des histoires tirées des vieilles chroniques.
Le Tcliou-chon-ti ou lecteur public a le privilège d’atti-
rer la foule, car les Chinois, même ceux des classes infé-
rieures, ont la passion des choses littéraires, et quittent
volontiers des divertissements grossiers pour écouter la
lecture des passages les plus intéressants et les plus dra-
matiques de leur histoire nationale.
A l’aspect des physionomies, à l’approbation qui se ma-
nifeste vivement, on comprend tout l’intérêt que le peuple
attache à ces récits historiques.
Le Tchou-chon-ti s’arrête quand il est fatigué et profite
des entractes pour faire une quête accompagnée de com-
mentaires sur la charité et les vertus privées des humbles,
sur les vices et les iniquités des puissants qui oppriment
le monde.
Ces essais de clubs en plein vent existent partout en
Chine ; ils ont tellement passé dans les habitudes que la
police ne songe plus à y mettre obstacle. Voilà qui est
singulier, dans un pays où le despotisme a jeté ses plus
profondes racines.
Dans les rues de Pékin, le mouvement et l’animation
commencent dès le lever du jour, à trois heures en été, à
six heures en hiver. D’abord défilent les scribes, les em-
ployés qui se rendent au palais, porteurs de leurs actes:
puis le va-et-vient s’accentue, les petits marchands de
comestibles, les charretiers apparaissent; à sept heures
les rues regorgent de monde.
A neuf ou dix heures au plus tard, à Pékin, tout le
monde se couche.
A cetlc heure, le silence et la solitude régnent dans
l’immense cité; les lanternes de papier suspendues à de
courtes colonnettes éclairent de leur lueur incertaine les
rues désertes de la capitale. Durant la nuit, point de sur-
veillant, point de patrouilles ; les gardiens dorment paisi-
blement dans leurs maisonnettes.
Jamais il ne se passe rien d’insolite dans les rues; les
attaques nocturnes, le brigandage, aulant de choses in-
connues !
Victor Tissot.
ta
LA PAIX AVEC LA CHINE
Il élail temps ! Sans cela nous n’aurions plus pu nous serrer la main.
dernièr jure ses grands dieux qu'il ne bougera qu’autant
que l’autre sera en voiture...
Cet échange de civilités dure souvent une demi-heure!
Pendant ce temps, la longue (de de voitures qui sillonnent
la rue reste stationnaire et tout le monde se morfond.
Lorsque ce temps d’arrêt est occasionné par la rencontre
fortuite de deux mandarins ou de deux personnages hup-
pés, les Chinois prennent leur mal en patience ; mais dame !
quelquefois aussi la moutarde leur monte au nez. Et il se
passe alors de véritables scènes de vaudeville qui, quel-
quefois, tournent au tragique, surtout si un Chinois est
assez mal appris pour appeler l’autre « œuf de tortue ».
Celui à qui s'adresse cette horrifique injure eu lire immé-
diatement vengeance; il rehausse ses manches, roule sa
queue autour de sa tête et se précipite sur son adversaire
qu'il mord comme un chien enragé. Mais des hommes de
police accourent, précédés d’un mandarin, qui juge séance
tenante les deux perturbateurs de la paix publique et leur
fait administrer a chacun vingt coups de rolin.
Au milieu de la foule, des vieillards à barbe blanche
marchent avec un long bâton au bout duquel est perché un
oiseau apprivoisé; d’autres tiennent la ficelle d’un cerf-
volant, comme s’ils avaient douze ans.
Tout à coup, d’une ruelle, débouchent des coureurs à
cheval qui se frayent violemment passage à travers la foule ;
les cris, le tumulte augmentent. C'est un mandarin qui se
rend au tribunal. Malgré l'absence du soleil, derrière sa
chaise, des domestiques portent d’énormes parasols ouverts.
Le luxe qui entoure un Chinois à sa sortie consiste sur-
tout dans le grand nombre de "■serviteurs qui l'accompa-
gnent — vingt et souvent davantage. — Mais si les deux ou
trois valets qui ouvrent la marche sont à peu près conve-
nablement vêtus, il n’en est certes pas de même des au-
tres. Couverts do guenilles, misérablement montés sur de
pauvres baudets maigres, pelés et souvent boiteux, ils ins-
pireraient plutôt la pitié qu’autre chose.
Plus loin, on voit des lettrés aux nez armés de grosses
besicles, qui entrent dans les boutiques de librairie, où
l’on vend aussi des journaux, entre autres la Gazelle de
Pékin. Au bout de la rue, un grand rassemblement arrête
la circulation. On lit à haute voix l'affiche que le chef de
police du quartier vient de faire placarder à sa porte. Et
l'on rit, et l'on s’en moque, et des gamins la couvrent de
caricatures.
Sur un autre point de la rue, un rassemblement s’est
formé autour d'un conteur populaire : c’est un aspirant
lettré qui n'a pas réussi dans ses examens et qui gagne sa
vie en récitant en public des poésies et des poèmes, et en
contant des histoires tirées des vieilles chroniques.
Le Tcliou-chon-ti ou lecteur public a le privilège d’atti-
rer la foule, car les Chinois, même ceux des classes infé-
rieures, ont la passion des choses littéraires, et quittent
volontiers des divertissements grossiers pour écouter la
lecture des passages les plus intéressants et les plus dra-
matiques de leur histoire nationale.
A l’aspect des physionomies, à l’approbation qui se ma-
nifeste vivement, on comprend tout l’intérêt que le peuple
attache à ces récits historiques.
Le Tchou-chon-ti s’arrête quand il est fatigué et profite
des entractes pour faire une quête accompagnée de com-
mentaires sur la charité et les vertus privées des humbles,
sur les vices et les iniquités des puissants qui oppriment
le monde.
Ces essais de clubs en plein vent existent partout en
Chine ; ils ont tellement passé dans les habitudes que la
police ne songe plus à y mettre obstacle. Voilà qui est
singulier, dans un pays où le despotisme a jeté ses plus
profondes racines.
Dans les rues de Pékin, le mouvement et l’animation
commencent dès le lever du jour, à trois heures en été, à
six heures en hiver. D’abord défilent les scribes, les em-
ployés qui se rendent au palais, porteurs de leurs actes:
puis le va-et-vient s’accentue, les petits marchands de
comestibles, les charretiers apparaissent; à sept heures
les rues regorgent de monde.
A neuf ou dix heures au plus tard, à Pékin, tout le
monde se couche.
A cetlc heure, le silence et la solitude régnent dans
l’immense cité; les lanternes de papier suspendues à de
courtes colonnettes éclairent de leur lueur incertaine les
rues désertes de la capitale. Durant la nuit, point de sur-
veillant, point de patrouilles ; les gardiens dorment paisi-
blement dans leurs maisonnettes.
Jamais il ne se passe rien d’insolite dans les rues; les
attaques nocturnes, le brigandage, aulant de choses in-
connues !
Victor Tissot.
Werk/Gegenstand/Objekt
Titel
Titel/Objekt
La Paix avec la Chine
Weitere Titel/Paralleltitel
Serientitel
Le Charivari
Sachbegriff/Objekttyp
Inschrift/Wasserzeichen
Aufbewahrung/Standort
Aufbewahrungsort/Standort (GND)
Inv. Nr./Signatur
R 1609 Folio RES
Objektbeschreibung
Objektbeschreibung
Bildunterschrift: Il était temps! Sans cela nous n'aurions plus pu nous serrer la main.
Maß-/Formatangaben
Auflage/Druckzustand
Werktitel/Werkverzeichnis
Herstellung/Entstehung
Künstler/Urheber/Hersteller (GND)
Entstehungsdatum
um 1885
Entstehungsdatum (normiert)
1880 - 1890
Entstehungsort (GND)
Auftrag
Publikation
Fund/Ausgrabung
Provenienz
Restaurierung
Sammlung Eingang
Ausstellung
Bearbeitung/Umgestaltung
Thema/Bildinhalt
Thema/Bildinhalt (GND)
Literaturangabe
Rechte am Objekt
Aufnahmen/Reproduktionen
Künstler/Urheber (GND)
Reproduktionstyp
Digitales Bild
Rechtsstatus
Public Domain Mark 1.0
Creditline
Le charivari, 54.1885, Juin, S. 691
Beziehungen
Erschließung
Lizenz
CC0 1.0 Public Domain Dedication
Rechteinhaber
Universitätsbibliothek Heidelberg