Le charivari (54.1885)

FANTAISIES PARISIENNES

23 S»

— Que faisiez-vous... à trois heures du matin dans les Champs-Elysées?

— Dam, mon commissaire, a’ m’avait d’mandé que... je i’ enseigne l’art
d’aimer.


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I

qu’il est agréable de s’entendre dire qu’on est ramolli...
même lorsqu’on est sùr de ne pas l’ètre?...

Madame. —■ Oh! sùr?...

Monsieur. —Tiens!... c’est gentil, ces petits porte-bou-
quets !...

Madame, triomphante. — Eh bien, ils sont Renaissance !
Monsieur. — Oh ! tu dis çal... tu n’en sais rien!...

Madame. —- Par exemple!... Et cet émail, il n’est pas
Renaissance non plus, peut-être?...

Monsieur. —• Je ne sais pas de quelle époque il est, mais
il est fort beau; le sujet est mouvementé, intéressant...

Madame, examinant l’émail. — Il représente 1 « Entrevue
lu camp du Drap d’Or »...

Monsieur. — Comment tu connais l’entrevue du camp du
Rrap d’or, toi?...

Madame. — Cette table fuselée est celle sur laquelle Fran-
çois l« signa le traité de Crespy.

Monsieur, distrait. — Crespy en Valois !

Madame, agacée. — Mais non... pourquoi dites-vous « en
Valois ? »

Monsieur. — Parce que j’ai pensé au porc de Crespy eu
Valois ; le célèbre porc qui apporta la trichine, il y a trois
at>5... Tu sais bien?...

Madame, battant la mesure avec son pied. — Oh ! ! !
Monsieur. — Dame ! tu comprends, comme éleveur, je
"l’intéresse à ces questions-là...

Madame, sombre. — Et vous ne voulez pas qu’on regrette
les hommes d’autrefois...

Monsieur. — Moi? Je ne veux pas qu'on les regrette?...
En voilà bien d’une autre, à présent !

Madame.— Enfin, ça paraît vous étonnei ?...

Monsieur. — Il est certain que je suis surpris de te voir
regretter des gens que tu n’as pas connus...

Madame, avec âme. — Et il est probable que, si je les
avais connus, je les regretterais plus encore..,

Monsieur, riant. — Si tu avais été, comme tu le souhai-
tais à l’instant, la maîtresse de Bayard...

Madame. — Je n’ai pas dit ça...

Monsieur. — Ah !

Madame. — Non!... Je ne crois pas m’être servie de cette
expression...

Monsieur. - - Enfin, tu m'as dit que tu voudrais te rouler
dans les bras d’un homme bardé de fer...

Madame, vexée. —'Ça vous fait rire?...

Monsieur. — Oui, car évidemment j’aime mieux t'enten-
dre regretter Bayard qu’un de mes amis... Je suis plus

tranquille ! C’est le choix de Bayard qui m’étonne!. Je

comprends davantage François lor ; on dit que c’était un
homme charmant, dans l’intimité !... Je sais bien qu’il était
tellement demandé...

Madame. — Ces plaisanteries sont absurdes et d'un goût
douteux... Oui, je suis amoureuse du passé, des grandes
gloires, des grands hommes et des grandes actions !... Je
voudrais ressusciter tous ces géants, et...

Monsieur. — Tous? ?? Bigre ! 1

Madame. — Ne pensez donc pas à des bêtises ! Je parle
sérieusement...

Monsieur. — Je le vois parbleu bien!... Tiens, ma ché-
rie ! Regarde ce brûle-parfums en marbre blanc, monté sur
des reptiles de cuivre.

Madame. — Oui.

Monsieur. —On dit qu’il fut offert par François Ier à la
belle Ferronnière...

Madame, très intéressé. —Ah ! vraiment ! Pauvre homme !...

Monsieur. —Tu le plains?...

Madame. — Oh ! oui...

Monsieur, légèrement énervé. — Tu l’aurais bien aimé?

Madame, distraite. — Qui?...

Monsieur. — François Ior...

Madame. — Lui ou un autre... Laurent le Magnifique, ou
Rorgia... Enfin, je me sens entraînée vers les gens brillants,
solides, énergiques; leurs défauts m’échappent ; jene veux
voir et me souvenir que de leurs qualités...

Monsieur. — Veinards, va !...

Madame. — A des gens de celte envergure, on peut tout
passer...

Monsieur, très agacé. — Tout est un peu excessif...

Madame. — Ça vous irrite?... C'est la conscience de l'in-
fériorité...

Monsieur. — Ah ! mais ! dis donc?...

Madame, tranquillement. — Prenez garde, mon ami, vous
devenez ridicule ? Etre jaloux de Bayard, de Laurent le
Magnifique ou de François Ier, c’est d’un drôle !

G vp.