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PROJET D’UN [FORME POUR LE PERSONNEL DES FOURS CRÉMATOIRES
Adolphe. — Allons! Lucy, un peu d’indulgence : on dirait
que tu débines encore Mme d'Appareillant. Quel coup de
(lent! Tiens, minuit qui sonne, la messe va commencer :
Minuit, chrétiens, c’est l’heure solennelle...
Léa. — Non, ce n’est pas de jeu. Asticotez-moi, si vous
voulez, mais ne mécanisez pas la religion devant moi.
Madame. — Mais personne n’y songe. Qu'est-ce qui vous
prend, ma petite?
Léa. — Pardon, j’ai très bien entendu. Adolphe a chanté :
Minuit, crétins...
Adolphe. — Moi, jamais de la vie! Je proteste !
Léa. — A la bonne heure, alors. C’est que, voyez-vous,
je suis née au village, je suis fille de paysans, et je n’en
rougis pas. C’est à la religion que je dois les meilleurs
souvenirs de ma vie. Ah! le Salut du soir, surtout! Les
garçons du village nous attendaient à la sortie, ils nous
lutinaient, ils nous poussaient sur les tas de foin. C'est
comme ça qu’une fois...
Adolphe. — Oui, le Salut a causé votre perte, c’est drôle.
Et vous, Angélina, ne nous raconterez-vous pas votre petite
histoire? Chacun la sienne : c’est plus amusant que des
romances, ces machines-là.
Angélina. — Oh! je veux bien. Figurez-vous que j’étais
modiste rue Laffitte, une rue chic, n’est-ce-pas? Un jour,
un monsieur se précipite comme un fou dans le magasin :
« Vite, c’est pressé, dit-il. Envoyez tout de suite chez moi,
M. de Calessac, 234, rue de Châteaudun... « Un chapeau
pour votre dame? « achève gracieusement la première...
« Non, que fait le monsieur : une modiste... pour moi! »
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Toutes, riant. — En voilà un original!
Léa. — Et c’est toi que la première a envoyée?
Angélina. — Es-tu bête ! Puisque c’était une maison hon-
nête! Non, mais j’avais retenu l’adresse, et le soir, après la
fermeture du magasin, j’ai été voir, par curiosité. Voilà.
Madame. — Voici le Champagne! Et votre ami ne vient
toujours pas, Adolphe.
Adolphe. — C'est qu’il est de Bordeaux. C’est plus loin.
Madame. — Après tout, nous pourrions commencer sans
l'attendre. La table de jeu est prête. Un petit bac, mes-
dames ?
Léa. — Oh! non, pas de baccara. Je n’ai jamais que des
bûches.
Lucy. —- Qui se ressemble s’assemble !
Adolphe. — Mauvaise! Léa a raison, pas de baccara
cette nuit, vous n’auriez que des bûches... de Noël.
Madame. — Un lansquenet, alors?
Adolphe. — Oui, pourvu que la cagnotte marche... Voilà
une cagnotte, maman Bernique, qui vous a fait gagner
plus d’argent que celle du Palais-Royal, liein?
Madame, sèchement. — On court des risques.
Lucy. — Un lansquenet, soit. Je commence. Il y a un
louis.
Angélina. —- Je le tiens.
Lucy. — Un neuf pour moi, un as pour vous. Vous avez
là une belle carte. Sept, valet, deux, roi de pique, roi de
cœur, roi de carreau, roi de trèfle. Lansquenet ! J’ai gagné !
Adolphe. — Et par quatre rois, encore. Je connais des
gens qui les tournent avec une certaine facilité, mais qua-
tre à quatre, comme on monte un escalier !
$ Madame. —■ Et le baron de Cerfeuil, qui n’arrive pas !
Vous n’avez pas fait d’imprudence, au moins, Adolphe?
Adolphe. — Pas de crainte, je suis physionomiste. Il
n’est pas en toc comme moi, ce baron-là. J’ai vu cent fois
ses armoiries.
Lucy. — En montant derrière sa voiture?
Adolphe. — Non, dans la coiffe de son chapeau.
Le domestique, annonçant. — M. le baron de Cerfeuil. (A
part.) Encore un de la même... marine. Si ça ne fait pas
transpirer !
Lucy. — Pas plus l’air baron que mon portier.
Le baron. — Mesdames, ne bougeons plus!
Lucy. — Là, qu’est-ce que je disais, c’est un photographe !
Ah! mon Dieu, une écharpe... le commissaire!
Madame. — Pincée ! Imbécile d’Adolphe ! (Elle lui jette un
chandelier a la tète.)
Le commissaire. — Désolé, mesdames et monsieur, d’in-
terrompre votre petite fête. Vous allez tous m'accompa-
gner au poste. Oh 1 pas de résistance : j’ai à la porte un
nombre d’agents suffisant pour que force reste à la loi.
Lucy. — Quel malheur! Eh bien, il finit drôlement, no-
tre gai réveillon.
Léa, pleurnichant. — Voilà ce que c’est, hi ! hi! que de
transgresser les pratiques de notre sainte religion, hi! hi!
hi! Quand je pense que pour me rendre à cette satanée
invitation, j’ai manqué la messe de minuit!
Paul Courty.
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PROJET D’UN [FORME POUR LE PERSONNEL DES FOURS CRÉMATOIRES
Adolphe. — Allons! Lucy, un peu d’indulgence : on dirait
que tu débines encore Mme d'Appareillant. Quel coup de
(lent! Tiens, minuit qui sonne, la messe va commencer :
Minuit, chrétiens, c’est l’heure solennelle...
Léa. — Non, ce n’est pas de jeu. Asticotez-moi, si vous
voulez, mais ne mécanisez pas la religion devant moi.
Madame. — Mais personne n’y songe. Qu'est-ce qui vous
prend, ma petite?
Léa. — Pardon, j’ai très bien entendu. Adolphe a chanté :
Minuit, crétins...
Adolphe. — Moi, jamais de la vie! Je proteste !
Léa. — A la bonne heure, alors. C’est que, voyez-vous,
je suis née au village, je suis fille de paysans, et je n’en
rougis pas. C’est à la religion que je dois les meilleurs
souvenirs de ma vie. Ah! le Salut du soir, surtout! Les
garçons du village nous attendaient à la sortie, ils nous
lutinaient, ils nous poussaient sur les tas de foin. C'est
comme ça qu’une fois...
Adolphe. — Oui, le Salut a causé votre perte, c’est drôle.
Et vous, Angélina, ne nous raconterez-vous pas votre petite
histoire? Chacun la sienne : c’est plus amusant que des
romances, ces machines-là.
Angélina. — Oh! je veux bien. Figurez-vous que j’étais
modiste rue Laffitte, une rue chic, n’est-ce-pas? Un jour,
un monsieur se précipite comme un fou dans le magasin :
« Vite, c’est pressé, dit-il. Envoyez tout de suite chez moi,
M. de Calessac, 234, rue de Châteaudun... « Un chapeau
pour votre dame? « achève gracieusement la première...
« Non, que fait le monsieur : une modiste... pour moi! »
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Toutes, riant. — En voilà un original!
Léa. — Et c’est toi que la première a envoyée?
Angélina. — Es-tu bête ! Puisque c’était une maison hon-
nête! Non, mais j’avais retenu l’adresse, et le soir, après la
fermeture du magasin, j’ai été voir, par curiosité. Voilà.
Madame. — Voici le Champagne! Et votre ami ne vient
toujours pas, Adolphe.
Adolphe. — C'est qu’il est de Bordeaux. C’est plus loin.
Madame. — Après tout, nous pourrions commencer sans
l'attendre. La table de jeu est prête. Un petit bac, mes-
dames ?
Léa. — Oh! non, pas de baccara. Je n’ai jamais que des
bûches.
Lucy. —- Qui se ressemble s’assemble !
Adolphe. — Mauvaise! Léa a raison, pas de baccara
cette nuit, vous n’auriez que des bûches... de Noël.
Madame. — Un lansquenet, alors?
Adolphe. — Oui, pourvu que la cagnotte marche... Voilà
une cagnotte, maman Bernique, qui vous a fait gagner
plus d’argent que celle du Palais-Royal, liein?
Madame, sèchement. — On court des risques.
Lucy. — Un lansquenet, soit. Je commence. Il y a un
louis.
Angélina. —- Je le tiens.
Lucy. — Un neuf pour moi, un as pour vous. Vous avez
là une belle carte. Sept, valet, deux, roi de pique, roi de
cœur, roi de carreau, roi de trèfle. Lansquenet ! J’ai gagné !
Adolphe. — Et par quatre rois, encore. Je connais des
gens qui les tournent avec une certaine facilité, mais qua-
tre à quatre, comme on monte un escalier !
$ Madame. —■ Et le baron de Cerfeuil, qui n’arrive pas !
Vous n’avez pas fait d’imprudence, au moins, Adolphe?
Adolphe. — Pas de crainte, je suis physionomiste. Il
n’est pas en toc comme moi, ce baron-là. J’ai vu cent fois
ses armoiries.
Lucy. — En montant derrière sa voiture?
Adolphe. — Non, dans la coiffe de son chapeau.
Le domestique, annonçant. — M. le baron de Cerfeuil. (A
part.) Encore un de la même... marine. Si ça ne fait pas
transpirer !
Lucy. — Pas plus l’air baron que mon portier.
Le baron. — Mesdames, ne bougeons plus!
Lucy. — Là, qu’est-ce que je disais, c’est un photographe !
Ah! mon Dieu, une écharpe... le commissaire!
Madame. — Pincée ! Imbécile d’Adolphe ! (Elle lui jette un
chandelier a la tète.)
Le commissaire. — Désolé, mesdames et monsieur, d’in-
terrompre votre petite fête. Vous allez tous m'accompa-
gner au poste. Oh 1 pas de résistance : j’ai à la porte un
nombre d’agents suffisant pour que force reste à la loi.
Lucy. — Quel malheur! Eh bien, il finit drôlement, no-
tre gai réveillon.
Léa, pleurnichant. — Voilà ce que c’est, hi ! hi! que de
transgresser les pratiques de notre sainte religion, hi! hi!
hi! Quand je pense que pour me rendre à cette satanée
invitation, j’ai manqué la messe de minuit!
Paul Courty.
Werk/Gegenstand/Objekt
Titel
Titel/Objekt
Actualités
Weitere Titel/Paralleltitel
Serientitel
Le Charivari
Sachbegriff/Objekttyp
Inschrift/Wasserzeichen
Aufbewahrung/Standort
Aufbewahrungsort/Standort (GND)
Inv. Nr./Signatur
R 1609 Folio RES
Objektbeschreibung
Objektbeschreibung
Bildunterschrift: Projet d'uniforme pour le personnel des fours crématoires.
Maß-/Formatangaben
Auflage/Druckzustand
Werktitel/Werkverzeichnis
Herstellung/Entstehung
Künstler/Urheber/Hersteller (GND)
Entstehungsort (GND)
Auftrag
Publikation
Fund/Ausgrabung
Provenienz
Restaurierung
Sammlung Eingang
Ausstellung
Bearbeitung/Umgestaltung
Thema/Bildinhalt
Thema/Bildinhalt (GND)
Literaturangabe
Rechte am Objekt
Aufnahmen/Reproduktionen
Künstler/Urheber (GND)
Reproduktionstyp
Digitales Bild
Rechtsstatus
Public Domain Mark 1.0
Creditline
Le charivari, 54.1885, Décembre, S. 1411
Beziehungen
Erschließung
Lizenz
CC0 1.0 Public Domain Dedication
Rechteinhaber
Universitätsbibliothek Heidelberg