Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art (4. Pér. 3.1910)

CHARLES MERYON

(premier article)

Mcryon ! nom étrange et
prestigieux pour tous ceux qui
vivent en passionnés dans le
monde de l’estampe, nom qui
attire par toute une évocation
de visions douloureuses et de
sereines beautés. Car rien n'est
plus singulier que le contraste
entre cette pauvre existence
cahotée et cet œuvre grandiose
et simple; rien n’est plus trou-
blant et plus poignant que le
rapprochement qu’on ne peut
manquer de faire entre cette
malheureuse créature agitée et
portrait de ch. meryon les images si lucides, si nettes,

D'APRÈS L'EAU-FORTE ORIGINALE ^ appgrence t^quilleS,

DE M. F. BRACQUE MO ND 11 # 1

écloses sous sa pointe volon-
taire ou son ferme burin, au milieu de ses plus folles angoisses et
de ses plus affreux cauchemars. Meryon! nom inusité, aux con-
sonances exotiques, qui se retient par je ne sais quel accent
doux, triste et mystérieux; nom inconnu de la foule, que les
amateurs, pourtant, ne prononcent entre eux qu’avec dévotion, que
scande le marteau d’ivoire du commissaire-priseur sur les enchères
les plus hautes qu’ait connues l’eau-forte, à l’exception de Rembrandt;
nom qu’on n’hésite pas, du reste, à placer, sans crainte d’être taxé
d’ignorance ou d’exagération, à côté de celui du divin maître de la
lumière et de l’ombre.

Ce n’est pas, certes, que ce nom couvre un œuvre très considé-
rable. Tout juste une centaine de pièces, — 102 exactement, —et