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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 4. Pér. 3.1910

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https://doi.org/10.11588/diglit.24873#0384

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BIBLIOGRAPHIE

FEUILLES D’AUTOMNE, par Philippe Robert1.

L’automne qui sut parler au cœur de Victor Hugo, de Charles Baudelaire et
de Paul Verlaine est aussi la saison préférée des artistes qu’anime le fier
dessein d’exprimer et d’émouvoir. La nature s’y montre noble et tou-
chante; on dirait la campagne parée de faste, de mélancolie et pareille
à la nue qu’embrase le crépuscule avant le retour des ténèbres. Regardez les
arbres, les plantes; plus de Heurs et souvent plus de fruits; des feuilles seules
étoilent la ramure. Demain le vent mauvais les arrachera pour les disperser au
loin. «Arrête-les dans leur vol! » s’écrie le héros de Giacosa. «Elles ont une telle
grâce, une telle élégance, et l’on ne sait pas où elles vont finir. »

M. Philippe Robert s’est plu à en retracer l’aspect avant leur course folle, quand
la tige frêle les reliait encore à la branche flexible. Nous les retrouvons dans
son album telles que dans les bois somptueux et navrants aux approches de
novembre. Voici, avec l’infinie variété de leurs formes et de leurs couleurs, les
feuilles du peuplier et de l’érable, du sycomore et du platane, de la vigne et de
l’éllébore; les voici déchirées, érodées, tachetées par les champignons, ajourées
par les piqûres; les voici passant de l’éclat triomphal de la pourpre et de l'or
aux dégradations qui s’éteignent en tendresses rosées ou blêmes.

Si magnifique que soit cet te lente agonie, M. Philippe Robert ne s’y est pas distrait
comme à l’une de ces féeries dont la nature est la dispensatrice généreuse.
L’exemple paternel2 lui a conseillé de ne point s’en tenir aux simples appa-
rences; il veut en pénétrer le secret. Cet hommage d’un peintre et d’un bota-
niste que touche la fragile « beauté des choses qui meurent » se trouve offrir du
même coup au décorateur en quête de modèles un recueil d’exemples suggestifs;
ils se composent de si bonne façon que l’image de la réalité y induit de soi-
même à la stylisation. L’ambition de se montrer didactique n’apparaît nullement
contradictoire avec un esprit de recherche que prouvent le choix du caractère, la
nuance du papier, l’invention ornementale des vignettes typographiques et des
feuillets de garde : il dote ce livre d’attraits et d’agréments singuliers qu’envie-
rait à juste titre une publication destinée à la joie et au dilettantisme des seuls
bibliophiles.

R. M.

1. Chez fauteur, à Ried Bienne (Suisse). Un album in-folio raisin comprenant
18 photochromolithographies et 42 pages de texte par M. Philippe Godet et par fauteur.

2. M. Philippe Robert est le fils du décorateur du musée de Neuchâtel auquel Henri
de Geymüller a rendu ici même (1906, t. 11. p. 14) un légitime hommage.

Le Gérant : P. Girardot.

PARIS.

IMPRIMERIE PHILIPPE R EN O U A RD.
 
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