LEON LONGEPIED.
I 21
M. Garnier, œuvre timide d’un élève qui s'essaie, quand éclata la guerre néfaste. Engagé au
9e bataillon des mobiles de la Seine, il fit son devoir, aux côtés de son frère Georges, vaillam-
ment et simplement, comme tous les autres. Puis, pendant l’investissement de Paris, le soldat
qui sommeillait en lui s’éveilla soudain. Longepied sera tout à l’heure un statuaire très épris de
son art ; il est d’ores et déjà ce qu’il restera toute sa vie : un militaire passionné pour le métier
des armes. Jusqu’à l’armistice, à Vanves, à Malakoff, à Bourg-la-Reine, il n’y a plus de mission
de confiance dont il ne réclame le péril et l'honneur. Aussi était-il, avec son frère, désigné par
ses camarades et proposé par son capitaine pour la médaille militaire. Il ne l’eut point. Mais
quand, il y a deux ans, j’appris qu'il était, comme artiste, décoré de la Légion d’honneur, je
pensai avec joie que cette croix, si justement attachée à son veston d’atelier, ferait singulièrement
bien sur sa tunique d’officier. Car Longepied était capitaine. Une fois la guerre finie, et signée
la paix douloureuse, il ne quitta l’uniforme de soldat que pour se préparer à revêtir celui d’offi-
cier. Après un examen mémorable qui le classa le premier, il fut nommé sous-lieutenant au
L’Été.
Bas-relief de Léon Longepied, à l’Hôtel de ville de Paris.
36e d’infanteriej; et s’il quitta quelque temps son régiment, ce ne fut que pour lui revenir comme
capitaine. Il rêvait le quatrième galon quand la mort nous le prit.
Ce qu’il fut comme officier, ce n’est pas à moi de le dire. Mais vous le savez, vous, ses
compagnons d'armes de Péronne, d’Auxerre et de Coulommiers, qui l’avez vu si actif, si plein
d’entrain, dans les casernes, sur les champs de manœuvres, aux concours de tir, où il remporta
plusieurs prix. Seulement, ce que vous ne savez peut-être pas, c’est qu’il sacrifia plusieurs
semaines de son séjour en Italie pour venir faire un service militaire auquel, cette année-là, il
n’était pas astreint. Qu’elles sont curieuses, à cette date, et touchantes, ses lettres, dans lesquelles
il se console de ne plus voir les merveilles du golfe de Naples en songeant qu’il va retrouver
son régiment ! Oui, il était vraiment un des vôtres ; et vous l’avez bien compris, vous qui êtes
venus si nombreux et si émus vous presser derrière la voiture qui l’emportait au cimetière.
Que devenait cependant celui que nous avons vu, au mois de juillet 1870, sortir, transformé
en soldat, de l’Ecole des Beaux-Arts? Hélas! son avenir fut un instant gravement compromis,
non par la toute-puissante séduction dont l’enveloppait la théorie, mais par la nécessité où il se
trouva de diriger une grande fabrique que possédait son père. Malheureusement pour les intérêts
I 21
M. Garnier, œuvre timide d’un élève qui s'essaie, quand éclata la guerre néfaste. Engagé au
9e bataillon des mobiles de la Seine, il fit son devoir, aux côtés de son frère Georges, vaillam-
ment et simplement, comme tous les autres. Puis, pendant l’investissement de Paris, le soldat
qui sommeillait en lui s’éveilla soudain. Longepied sera tout à l’heure un statuaire très épris de
son art ; il est d’ores et déjà ce qu’il restera toute sa vie : un militaire passionné pour le métier
des armes. Jusqu’à l’armistice, à Vanves, à Malakoff, à Bourg-la-Reine, il n’y a plus de mission
de confiance dont il ne réclame le péril et l'honneur. Aussi était-il, avec son frère, désigné par
ses camarades et proposé par son capitaine pour la médaille militaire. Il ne l’eut point. Mais
quand, il y a deux ans, j’appris qu'il était, comme artiste, décoré de la Légion d’honneur, je
pensai avec joie que cette croix, si justement attachée à son veston d’atelier, ferait singulièrement
bien sur sa tunique d’officier. Car Longepied était capitaine. Une fois la guerre finie, et signée
la paix douloureuse, il ne quitta l’uniforme de soldat que pour se préparer à revêtir celui d’offi-
cier. Après un examen mémorable qui le classa le premier, il fut nommé sous-lieutenant au
L’Été.
Bas-relief de Léon Longepied, à l’Hôtel de ville de Paris.
36e d’infanteriej; et s’il quitta quelque temps son régiment, ce ne fut que pour lui revenir comme
capitaine. Il rêvait le quatrième galon quand la mort nous le prit.
Ce qu’il fut comme officier, ce n’est pas à moi de le dire. Mais vous le savez, vous, ses
compagnons d'armes de Péronne, d’Auxerre et de Coulommiers, qui l’avez vu si actif, si plein
d’entrain, dans les casernes, sur les champs de manœuvres, aux concours de tir, où il remporta
plusieurs prix. Seulement, ce que vous ne savez peut-être pas, c’est qu’il sacrifia plusieurs
semaines de son séjour en Italie pour venir faire un service militaire auquel, cette année-là, il
n’était pas astreint. Qu’elles sont curieuses, à cette date, et touchantes, ses lettres, dans lesquelles
il se console de ne plus voir les merveilles du golfe de Naples en songeant qu’il va retrouver
son régiment ! Oui, il était vraiment un des vôtres ; et vous l’avez bien compris, vous qui êtes
venus si nombreux et si émus vous presser derrière la voiture qui l’emportait au cimetière.
Que devenait cependant celui que nous avons vu, au mois de juillet 1870, sortir, transformé
en soldat, de l’Ecole des Beaux-Arts? Hélas! son avenir fut un instant gravement compromis,
non par la toute-puissante séduction dont l’enveloppait la théorie, mais par la nécessité où il se
trouva de diriger une grande fabrique que possédait son père. Malheureusement pour les intérêts