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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 15.1889 (Teil 1)

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Kjui, Cezarʹ Antonovič: Cours de littérature musicale des œuvres pour le piano au concervatoire de Saint-Pétersbourg, [2]
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https://doi.org/10.11588/diglit.25867#0149

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l3‘2

L’ART.

De temps immémorial, la musique vocale seule était la
grande musique ; maintenant commence la période de la
musique instrumentale, dans laquelle les compositeurs
s’eflorcent de rendre les impressions et les sentiments de
leur âme. Il est souvent question, et même avec détail,
de la musique vocale dans l’histoire, tandis qu’on y parle
rarement et sommairement [de la musique instrumentale.
Au sujet de Philippe-Emmanuel Bach, par exemple, il est
dit tout simplement qu’il est né en telle année, mort en
telle autre ; qu’il a composé des Sonates et écrit un
manuel pour l’enseignement de l’exécution et de l’expres-
sion de la musique de piano; rien de plus; tandis que
dans notre estimation (au point de vue de la musique de
piano) Philippe-Emmanuel Bach est un compositeur hors
ligne. 11 a créé la forme de la sonate; il a exercé une
influence notable sur les compositeurs qui lui ont succédé ;
nous trouvons chez lui la naïveté de Haydn, la sentimen-
talité de Mozart et le dramatisme de Beethoven. Son
influence s’est fait sentir parti-
culièrement sur ce dernier.

M. Rubinstein a exécuté
six Sonates de Ph. Em. Bach,
cinq Fantaisies et quatre Ron-
dos, d’après l’édition primi-
tive, faite selon l’original, sans
supplément ni altérations,

« parce que, dit-il, rien n’est
pire que de faire de l’esprit
pour le soi-disant profit des
œuvres d’autrui ». Dans le
courant de cette exécution,

M. Rubinstein fit plusieurs
remarques dont voici le ré-
sumé :

A propos des Sonates :

« On y trouve des thèmes
virils, un élan héroïque, des
emportements inattendus, du
dramatisme. C’est ce qui nous
fait dire que Ph. Em. Bach est
le précurseur de Beethoven
bien plus encore que Haydn
ou Mozart; on trouve chez lui
l’intérêt harmonique et les
modulations les plus origi-
nales, comme par exemple la
transition de mi mineur en do
mineur; ou bien, dans une
autre Sonate, le passage subit
de si mineur en sol mineur. Ses Sonates se composent de
trois parties, dont les deux premières sont souvent soudées
ensemble; on y trouve l’emploi de procédés techniques
qui, jusqu’alors, n’avaient pas été mis en usage. Tout ceci
est l’indice d’un nouveau souffle. Ph. Em. Bach est le
premier représentant du nouveau dans l’art, en exceptant,
bien entendu, les Préludes et Fugues de Jean-Sébastien
Bach, dont il ne peut être question puisqu’ils sont uniques
dans leur genre. »

Parlant des Fantaisies, il dit : et Ce sont des improvi-
sations mélodiques et pleines d’élans spontanés «sur les
plus intéressantes harmonies. L’une d’elles, surtout, est
frappante par sa disposition capricieuse, son harmonisa-
tion, son humour, qui touche au burlesque et qui est la
source première de cette disposition particulière de l’esprit
dans la musique des compositeurs postérieurs. »

A propos des Rondos : « Ils sont pleins de la même
diversité d’humeur, de caprice, de grâce, de gaieté et, par-
fois, de la naïveté propre à la musique de Haydn. En pré-

sence de la puissance créatrice et de l’inépuisable faculté
d’invention de Ph. Em. Bach, on ne peut s’empêcher de
songer qu’en musique comme ailleurs il n’y a rien de nou-
veau sous le soleil et qui n’ait déjà existé auparavant. »

Comme conclusion, M. Rubinstein ajoute : « Si vous
voulez bien connaître et bien comprendre la musique nou-
velle contemporaine, étudiez Philippe-Emmanuel Bach, il
en est la souche première ; étudiez aussi son Essai sur
l’art véritable de jouer du piano (Versuch ilber die Wahre
Art Klavier ^u spielen); c’est le code le plus complet
d’une bonne exécution de la musique de piano. »

VI

Il eût été désirable de passer directement de Philippe-
Emmanuel Bach à Beethoven comme à son successeur
immédiat, puisque l’influence de Haydn et de Mozart sur
Beethoven ne réside que dans le charme tout extérieur des

formes, et nullement dans
l’analogie des idées, analogie
très frappante entre Philippe-
Emmanuel Bach et Beethoven.
Il n’en est pas moins vrai que
les exigences chronologiques
de l’histoire nous obligent à
étudier Haydn et Mozart avant
Beethoven.

Pour se faire une idée plus
juste d’une grande personna-
lité, il est indispensable d’étu-
dier attentivement ses prédé-
cesseurs et ses contemporains;
ses œuvres, alors, dans quelque
genre que ce soit, ne sembleront
peut-être ni aussi importantes,
ni aussi insignifiantes qu’en les
considérant isolément. C’est
pourquoi, avant d’aborder les
œuvres de Haydn, il est néces-
saire de passer en revue quel-
ques autres compositeurs.

Jean-Sébastien Bach est
incontestablement une person-
nalité si grandiose que tout ce
qui lui touche de près participe
au vif intérêt qu’elle nous ins-
pire. A cet égard, ses fils et ses
neveux attirent évidemment en
première ligne notre attention.
Il a été question plus haut de son second fils, Philippe-
Emmanuel; parlons maintenant des autres.

Bach fondait de grandes espérances sur son fils aîné,
Friedmann (1710-1784). Ces espérances furent déçues.
Friedmann Bach menait une vie dissipée, et ses œuvres
musicales ne répondaient nullement à ses aptitudes. Son
Capriccio en ré mineur est une étrange composition ; 011 y
retrouve les anciennes formes polyphoniques comme chez
le vieux Bach, réunies aux nouvelles tendances homo-
phoniques. Dans ses autres compositions 'sonate en do
majeur, etc.), tout comme dans celles de son frère Chris-
tian (1735-1782) et de son cousin Ernst (1722-1781),
l’ancien style de Bach disparaît absolument ; un nouveau
souffle les anime; et seul le vieux Bach ne veut pas
l’admettre, persiste à l’ignorer, et reste fidèle à lui-même.
Bach n’a exercé aucune influence sur les œuvres de ses fils,
et il ne s’est jamais laissé entraîner lui-même par le nou-
veau courant musical.

Graun (1701-1759), compositeur de musique vocale de
 
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