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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 15.1889 (Teil 1)

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Leroi, Paul: Eugène Véron
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https://doi.org/10.11588/diglit.25867#0273

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EUGÈNE VÉRON

Le directeur de l’Art a succombé le mercredi 22 mai, aux Saèles-d’Olonne, où il était
allé passer l’hiver, espérant y trouver un soulagement aux horribles tortures intestinales
que lui faisait endurer depuis longtemps la goutte. Il était né a Paris le 29 mai 1825.

Eepuis tantôt quarante ans, nous étions intimement liés et, pendant tout ce temps, pas
le plus léger nuage ne s’est élevé entre nous. C’est qu'il n’existait pas d’âme plus élevée,
de caractère plus droit, de nature plus délicate ; aussi n’est-il personne de ceux qui ont eu
l’honneur de le connaître, ne fût-ce que passagèrement, qui ne déplore sa perte.

A.ux nombreuses lettres que j’ai reçues depuis la fatale nouvelle, je me bornerai à faire
deux emprunts.

Le plus lettré des érudits, le plus érudit des lettrés de ce temps, m’écrit : « J’appré-
ciais en lui Vélévation des sentiments, la droiture du caractère, bref, les qualités qui font
le galant homme. L’écrivain en lui ne m’inspirait pas moins d’estime ; c’était un lettré
élevé a la bonne école, une plume ardente et généreuse. Croyez que je m’associe de tout
cœur à votre deuil. »

Un jeune homme plein de cœur, dont notre ami encouragea les heureux débuts,
s’exprime ainsi : « J’apprends la mort de mon cher maître et ami. Je suis accablé ;
M. Véron a été mon premier, mon meilleur guide. C’est l’âme la plus noble que j'aie
connue. Je ne peux rien vous dire de plus. Je sais que vous souffrez aussi cruellement. »

Celui que nous pleurons a été élève de l’Ecole normale, de la promotion de 1846, fut
reçu agrégé pour les lettres en 1850 et appartint pendant plusieurs années à l’Université,
qu’il honora grandement par la savante indépendance de son enseignement. Véron a écrit
lui-même, et de très piquante façon, comment sa carrière professorale fut brisée brutale-
ment sous l’Empire, a la suite de son refus de transformer en éloge de l’inepte et cent fois
néfaste expédition du Mexique un discours de distribution des prix !

Ses livres, peu connus du public frivole, — personne n’a fui plus qu Eugène Véron le
charlatanisme de la réclame, — ses livres sont de ceux qui ont tous les titres à passer à
la postérité ; nul ne fut moins ambitieux que lui, mais ses œuvres sont tellement fortes de
conception, élevées de pensée et de langage, que tous ceux à qui sa mémoire restera toujours
chère sont certains qu’il se survivra en elles. La première en date est cet ouvrage considé-
rable : Du progrès intellectuel dans l’humanité : Supériorité des arts modernes sur les arts
anciens ; puis, des études économiques, telles que : Associations ouvrières de consommation,
de crédit et de production en Angleterre, en Allemagne et en France, et les Institutions
ouvrières de Mulhouse, auxquelles succédèrent ces beaux travaux historiques : la Prusse
depuis la mort de Frédéric II jusqu’à la bataille de Sadowa, Histoire de l’Allemagne depuis
la bataille de Sadowa, et la Troisième Invasion, récit poignant de vérité et douloureusement
admirable. Véron a donné depuis : l’Esthétique, la Morale, ^Histoire naturelle des Reli-
gions. Je reviendrai sur sa direction de l’Art, sur sa large collaboration à notre recueil et
sur ses dernières pages que, par un suprême effort de volonté et de dévouement, il écrivit,
il y a quelques mois, bien que profondément miné par la maladie, pour la Revue Univer-
selle naissante, au succès de laquelle il s’intéressait excessivement, bien q-u’éloigné de
Paris et brisé par l’excès de ses souffrances. La force me manque pour parler plus
longuement de lui aujourd hui.

C’est une grande âme qui vient de s’éteindre, une nature d’élite aux convictions

inébranlables qui disparait, un de ses plus dignes fils que perd la patrie.

Tous les collaborateurs d'Eugène Véron adressent, avec moi, à sa veuve, â sa fille,

le douloureux hommage de leur plus respectueuse sympathie et Vexpression d,e leurs vives

condoléances.

Paul Leroi.
 
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