L’ART DECORATIF
Les croyances böudhiques provoquent-
elles aussi devant la nature ces eblouisse-
ments d’ame?
On ne peut en douter devant un eton-
nant clair de lune expose au Salon d’Automne.
Derriere la croupe de trois collines, sem-
blables comme des soettrs, se repand le
doux et puissant rayonnement d’une lune
pale qui monte.
« 11 y a des villages qui n’ont
Jamais les poissons, jamais les fleurs...
Mais ce soir, ils auront la lune. »
Ainsi dit une poesie, un « hai-kai »,
comme on appelle au Japon ces pieces fugi-
tives et penetrantes qui rappellent un peu
la maniere de Verlaine. Ce sont des nota-
tions rimees, d’un moment, d’une heu re de
la nature; poetique attendrissement dont ne
se defend aucune ante japonaise, et dont
les plus beiles sont dans toutes les me-
moires.
Comment mieux decrire, parmi 110s
paysages, cette lisiere de bois, oii sous un
ciel pluvieux passent avec leurs vetements
de paille quelques pecheurs finement indi-
ques dans leur demarche rustique et leur
amüsante Silhouette, que par cet «hai-kai»
du XVIIIe siede qu’a esquisse le poete
Büson.
Pluie un jour de Printemps,
Cheminent en bavardant
Le manteau de paille et le chapeau de pluie.
L’image poetique cst toute familiere, et
son lien est si dircct avec la chose vue,
qu’il semble que teile de ces compositions
en soit la traduction la plus complete.
Une lune pluvieuse,
Est partout diffuse
Une pale lueur.
Ne voit-on pas, en lisant ce troisieme
«hai-kai», ce paysage en hauteur oii de
grands bambous noyes dans une brume
grise se perdent au sommet du cadre, tandis
que s’etend derriere eux le douteux espace
d’un lac oü traine le reklet de la lune, trop
haute pour qu’on la voie.
Peintre et poete rivalisent de delicatesse
et de precision. C’est que le plus souvent,
poete et peintre au Japon ne font qu’un.
Si nous savions les lire, il n’est pas
d’album japonais qui n’ait a cöte de l’es-
tampe sa traduction poetique, tracee de la
main meme de l’artiste. On a dit que ces
inscriptions, si jolies a voir, et toujours si
bien placees dans la page, n’etaient, pour
la plupart du temps, qu’insignifiantes.
Insignifiante aussi peut-etre une Strophe
de Mallarme, ou teile prose de Francis
Jamm es ?
Repondons par un dernier « hai-kai »,
celui qu’a inspire la premiere neige de l’an-
nee, cette surprise des premiers frimas qui,
pour un matin, pour une heure, font une
feerie du plus simple paysage. Nul au Japon
ne se pardonnerait de rester au logis pen-
dant le merveilleux et naif spectacle.
Premiere neige!...
Pourtant quelqu’un est dans la maison;
Qui est-ce ?
Jamais artiste ne s’est venge avec une
concision plus dedaigneuse.
Pierre Roche,
Sculpteur.
Une seconde exposition japonaise, d’un
caractere plus general et devant donner une
idee complete de l'etat au Japon de la pein-
ture nationale est en preparation.
Pour indiquer le caractere de ces mani-
festations d’art moderne d’Extreme- Orient,
nous renvoyons a l’avant-propos du cata-
logue qui a ete prepare pour cette premiere
exposition, et qui contenait deux etudes de
MM. Sarradin et Vauxcelles.
3 2
Les croyances böudhiques provoquent-
elles aussi devant la nature ces eblouisse-
ments d’ame?
On ne peut en douter devant un eton-
nant clair de lune expose au Salon d’Automne.
Derriere la croupe de trois collines, sem-
blables comme des soettrs, se repand le
doux et puissant rayonnement d’une lune
pale qui monte.
« 11 y a des villages qui n’ont
Jamais les poissons, jamais les fleurs...
Mais ce soir, ils auront la lune. »
Ainsi dit une poesie, un « hai-kai »,
comme on appelle au Japon ces pieces fugi-
tives et penetrantes qui rappellent un peu
la maniere de Verlaine. Ce sont des nota-
tions rimees, d’un moment, d’une heu re de
la nature; poetique attendrissement dont ne
se defend aucune ante japonaise, et dont
les plus beiles sont dans toutes les me-
moires.
Comment mieux decrire, parmi 110s
paysages, cette lisiere de bois, oii sous un
ciel pluvieux passent avec leurs vetements
de paille quelques pecheurs finement indi-
ques dans leur demarche rustique et leur
amüsante Silhouette, que par cet «hai-kai»
du XVIIIe siede qu’a esquisse le poete
Büson.
Pluie un jour de Printemps,
Cheminent en bavardant
Le manteau de paille et le chapeau de pluie.
L’image poetique cst toute familiere, et
son lien est si dircct avec la chose vue,
qu’il semble que teile de ces compositions
en soit la traduction la plus complete.
Une lune pluvieuse,
Est partout diffuse
Une pale lueur.
Ne voit-on pas, en lisant ce troisieme
«hai-kai», ce paysage en hauteur oii de
grands bambous noyes dans une brume
grise se perdent au sommet du cadre, tandis
que s’etend derriere eux le douteux espace
d’un lac oü traine le reklet de la lune, trop
haute pour qu’on la voie.
Peintre et poete rivalisent de delicatesse
et de precision. C’est que le plus souvent,
poete et peintre au Japon ne font qu’un.
Si nous savions les lire, il n’est pas
d’album japonais qui n’ait a cöte de l’es-
tampe sa traduction poetique, tracee de la
main meme de l’artiste. On a dit que ces
inscriptions, si jolies a voir, et toujours si
bien placees dans la page, n’etaient, pour
la plupart du temps, qu’insignifiantes.
Insignifiante aussi peut-etre une Strophe
de Mallarme, ou teile prose de Francis
Jamm es ?
Repondons par un dernier « hai-kai »,
celui qu’a inspire la premiere neige de l’an-
nee, cette surprise des premiers frimas qui,
pour un matin, pour une heure, font une
feerie du plus simple paysage. Nul au Japon
ne se pardonnerait de rester au logis pen-
dant le merveilleux et naif spectacle.
Premiere neige!...
Pourtant quelqu’un est dans la maison;
Qui est-ce ?
Jamais artiste ne s’est venge avec une
concision plus dedaigneuse.
Pierre Roche,
Sculpteur.
Une seconde exposition japonaise, d’un
caractere plus general et devant donner une
idee complete de l'etat au Japon de la pein-
ture nationale est en preparation.
Pour indiquer le caractere de ces mani-
festations d’art moderne d’Extreme- Orient,
nous renvoyons a l’avant-propos du cata-
logue qui a ete prepare pour cette premiere
exposition, et qui contenait deux etudes de
MM. Sarradin et Vauxcelles.
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