L' art décoratif: revue de lárt ancien et de la vie artistique moderne (8,1.1906)

Frise du Monument de Pierre Dupont

AUGUSTE

SUCHETET

Lorsque le Salon de 1880 ouvre ses portes,
les gens renseignes, masses a la sculp-
ture, entrainent les nouveaux arrivants vers
une figure couchee, Biblis changee en source,
dont l’elegance et la souplesse font l'admi-
ration des professionnels.
Et c’est vrai qu’elle est seduisante, cette
figure de jeune fille etendue contre terre !
L’epiderme en est si souple que les deux
seins rapproches par le contact du sol sont
conime meurtris; le visage souffrant, joli-
ment rejete en arriere, est baigne
par les larmes qui s’echappent
des yeux de la pauvre creature.
C’est delicat et exquis. Aussi, le
lendemain et les jours suivants,
les journaux et les revues consta-
tent-ils la bonne impression pro-
duite. Le critique du Figaro,
Albert Wolff, dont l’opinion fait
autorite, ne tarit pas d’eloges :
« Biblis changee en source est un
evenement artistique, rien de
moins; c’est la revelation d’un
talent enorme, ignore hier».
Ignore, certes, il l’est, le pauvre
Suchetet 1 C’est lä presque son
debut. II a bien envoye deux
bustes aux Salons de 1878 et de
1879. Mais qui les aremarques?
Et ce n’.est pas seulement
Albert Wolff qui cläme le succes
du sculpteur, mais Henry Co-
chin, Rene Menard, Paul Mantz,
Charles Laurent et bien d’autres.
Parmi ceux-ci, j’ai plaisir ä ren-
contrer Andre Michel, dejä ar-
dent, impetueux, mais dont les
probes coleres sont legitimees
par un sens delicat, une connais-

sance accomplie de hart statuaire. Dans son
feuilleton du Parlement, il consacre ä la Biblis
ces lignes enthousiastes : « 11 n’est pas un trai t
qui ne concourt harmonieusement a I’expres-
sion de son desespoir : les yeux comme effaces
par les larmes, le cou qui retombe inerte,
l’affaissement des bras, de tout le corps
chaste et nu, d’une melancolie poignante et
d’une gräce adorable. Nulle part on ne
trouve trace de recherche ; le modele est
sobre et delicat, d’une morbidesse dont

Büste d’enfant


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