DOI Heft:
Numéro 90
DOI Artikel:Rambosson, Yvanhoé: Désiré-Lucas
DOI Seite / Zitierlink: https://doi.org/10.11588/diglit.44813#0133
DESIRE - LUCAS
Desire-Lucas est le louable exemple
d’un peintre se refusant ä l’emprise
de la formule — pourtant lucrative — et
demandant ä sa sensibilite toujours renou-
velee de transformer sans cesse son propre
decor.
Le fait de tant de natures humaines est
de hai'r le bouleversement et de s’enliser
avec une volupte facile dans l’habitude,
dans le contact familier des meines etres et
des meines choses, qu’il faut louer les ämes
d’elite desireuses d’agrandir leur horizon et
partant ä la decouverte de terres inexplorees
apres avoir, sur les continents connus, bäti
de nobles cites.
M. Desire-Lucas s’etait cree, au moyen
de son art, une ambiance de pieuses intimites
rembranesques. II avait peint des demeures
paysannes oü les hommes avaient la placi-
dite des choses et les choses
important pour l’artiste qui le subit. Nous
y avons appris que l’auteur de tant de ta-
bleaux dejä popularises se refusait ä ce que
ses toiles offrissent l’impression de papillons
de la meine famille, eclos chaque annee de
chrysalides identiques. Une ardente passion
de variete s’etant empare de son esprit, il
est deliberement sorti des chemins suivis
jusque lä pour ouvrir a son sentiment une
nouvelle carriere.
Dans cet ensemble d’oeuvres nous avons
vu des tableaux de la premiere maniere, un
peu sombres et d’une cuisine savante qui
nuisait parfois ä l’impression en soulignant
un manque de spontaneite cependant plus
apparent que reel. Puis d’autres creations
apparaissent moins enfumees, moins con-
damnees a un aspect vieillot des leur nais-
sance, et peu ä peu l’artiste, soulevant les
une sorte de vie mysterieuse et
inconsciente.
Son reve etait devenu celui
de maintes personnes sentimen-
tales gagnees a la douceur evan-
gelique de ces habitats patriarcaux,
oü la pauvrete n’avait pas l’air
d’exclure un modeste bonheur.
Or, le jour oü son reve s’etait
impose ä d’autres cerveaux, le
jour oü ce reve ne fut plus ä lui
seul, mais ä tous ceux que son
art avait charmes, Desire-Lucas
se sentit fatigue, presque rassasie
de ces visions dont d’autres goü-
taient maintenant la saveur, et
son ambition fut d’aller plus
loin, tout au moins autre part,
dans le monde de la pensee, pour
y edifier de nouvelles demeures
au different visage, y planter
d’autres jardins et d’autres ver-
gers, eclaires par le meme soleil
sans doute, mais vus ä travers
le prisme d’un autre regard.
L’exposition qui vient d’avoir
lieu brillamment ä la Galerie des
Artistes Modernes, est la preuve
de cette evolution. Elle a pre-
cise ce moment de transition si
Tete de vieux loup de mer
(Photographie Louis Lemery)
IO 1
Desire-Lucas est le louable exemple
d’un peintre se refusant ä l’emprise
de la formule — pourtant lucrative — et
demandant ä sa sensibilite toujours renou-
velee de transformer sans cesse son propre
decor.
Le fait de tant de natures humaines est
de hai'r le bouleversement et de s’enliser
avec une volupte facile dans l’habitude,
dans le contact familier des meines etres et
des meines choses, qu’il faut louer les ämes
d’elite desireuses d’agrandir leur horizon et
partant ä la decouverte de terres inexplorees
apres avoir, sur les continents connus, bäti
de nobles cites.
M. Desire-Lucas s’etait cree, au moyen
de son art, une ambiance de pieuses intimites
rembranesques. II avait peint des demeures
paysannes oü les hommes avaient la placi-
dite des choses et les choses
important pour l’artiste qui le subit. Nous
y avons appris que l’auteur de tant de ta-
bleaux dejä popularises se refusait ä ce que
ses toiles offrissent l’impression de papillons
de la meine famille, eclos chaque annee de
chrysalides identiques. Une ardente passion
de variete s’etant empare de son esprit, il
est deliberement sorti des chemins suivis
jusque lä pour ouvrir a son sentiment une
nouvelle carriere.
Dans cet ensemble d’oeuvres nous avons
vu des tableaux de la premiere maniere, un
peu sombres et d’une cuisine savante qui
nuisait parfois ä l’impression en soulignant
un manque de spontaneite cependant plus
apparent que reel. Puis d’autres creations
apparaissent moins enfumees, moins con-
damnees a un aspect vieillot des leur nais-
sance, et peu ä peu l’artiste, soulevant les
une sorte de vie mysterieuse et
inconsciente.
Son reve etait devenu celui
de maintes personnes sentimen-
tales gagnees a la douceur evan-
gelique de ces habitats patriarcaux,
oü la pauvrete n’avait pas l’air
d’exclure un modeste bonheur.
Or, le jour oü son reve s’etait
impose ä d’autres cerveaux, le
jour oü ce reve ne fut plus ä lui
seul, mais ä tous ceux que son
art avait charmes, Desire-Lucas
se sentit fatigue, presque rassasie
de ces visions dont d’autres goü-
taient maintenant la saveur, et
son ambition fut d’aller plus
loin, tout au moins autre part,
dans le monde de la pensee, pour
y edifier de nouvelles demeures
au different visage, y planter
d’autres jardins et d’autres ver-
gers, eclaires par le meme soleil
sans doute, mais vus ä travers
le prisme d’un autre regard.
L’exposition qui vient d’avoir
lieu brillamment ä la Galerie des
Artistes Modernes, est la preuve
de cette evolution. Elle a pre-
cise ce moment de transition si
Tete de vieux loup de mer
(Photographie Louis Lemery)
IO 1