UN THfiATRE-CONCERT A PARIS
(LA CIGALE)
La Cigale ayant gäche
Tout l’ete
Se trouva de Revue
Quand la bise fut venue.
Elle alla chanter, la gamine
Chez la «Fourmi» sa voisine,
La priant de lui preter
Attention et l’ecouter.
La «Fourmi» n’est pas raleuse
C’est lä son moindre defaut;
— Que faisiez-vous au temps chaud?
Dit-elle ä cette goualeuse.
— Je construisais, ne vous deplaise
Nuit et jour, ä tout moment.
— Vous construisiez ? J’en suis fort aise
Et bien Flertez maintenant!
C’est par cette deformation, comme l’ap-
pelle spirituellement l’auteur Stanislas
Bastien, de la celebre fable de La Fontaine
que le concert «La Cigale» fait part a ses
auditeurs, dans son programme de la Revue,
de sa recente transformation.
Installee en premier lieu dans les locaux
du bal de la « Boule Noire », eile s’etait dejä
entierement transformee en 1894. Sur le
meine emplacement et sous la meme direc-
tion qu’aujourd’hui, M. Flateau faisait appel
ä cette epoque aux architectes Granpierre
et Vincent qui construisirent une salle de
style Louis XV ä laquelle le maitre Willette
collabora en peignant l’amusant plafond
ouvrant que l’on a eu la bonne pensee de
conserver.
Mais le succes toujours croissant et les
exigences nouvelles de luxe et de confor-
table du public amena la direction ä agran-
dir, ä transformer la salle et ses dependances
et ä leur donner les commodites pratiques
dont le besoin se faisait de plus en plus
sentir. II fallait de plus aller tres vite en
besogne ahn d’etre pret pour la saison
d’hiver.
Travaillant ä l’instar de la fourmi labo-
rieuse, la Cigale a passe. quatre mois de
l’ete seulement ä renouveler sa parure,
demandant aide et conseil pour embellir
son corps et faire briller ses ailes ä la verve
decorative de l’architecte Woog dont nous
avons dejä eu ä louer le talent ä propos
de ses interessantes etudes du Casino de
Vichy.
Comme toute cigale qui se respecte, eile
etait bien depourvue, avant que la bise füt
venue. Elle demanda cependant ä son
architecte de faire monts et merveilles avec
un credit en somme assez limite. II s’agis-
sait simplement de ne garder presque rien
de l’edifice ancien, de le reprendre presque
totalement en sous-oeuvre, de faire une salle
au plancher incline, alors qu’il etait droit,
de trouver une decoration nouvelle et mo-
derne, de surelever la scene, de transformer
les loges des artistes, de faire de nouveaux
escaliers, un vestiaire, de menager de nom-
breuses issues, tant pour les spectateurs que
pour les acteurs, et de decorer le cafe-bar.
Le cas n’est jamais nouveau pour un
architecte et c’est presque toujours avec peu
d’argent qu’on lui demande de faire beau
et de faire grand. M. Woog, pour remplir
ce triple et difficultueux programme, a eu
la main heureuse ; il a trouve d’excellents
collaborateurs, suffisamment desinteresses
pour le benefice qu’ils pouvaient legitime-
ment esperer retirer de leur effort, et com-
pletement interesses par la belle oeuvre ä
produire sous son impulsive direction, pour
mener ä bien la mise en oeuvre et la reali-
sation de son originale conception.
II a du aussi moderer sa fecondite ima-
ginative qui avait reve pour la fagade tout
un parti de decoration lumineuse du plus
puissant effet et ne conserver que les choses
indispensables au caractere general qu’il
s’etait propose d’atteindre. II a d’ailleurs
parfaitement reussi: gälte, clarte, vibrante
coloration, coquetterie sont les dominantes
de son oeuvre et caracterisent comme il
convient le genre d’etablissement dont il
s’etait propose de traduire Fexpression.
Une salle de cafe-concert ne doit
evidemment pas etre traitee comme un theätre
ordinaire, oü le programme se compose
de pieces serieuses, opera, drame ou come-
die. Sa parure decorative, qui en quelque
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(LA CIGALE)
La Cigale ayant gäche
Tout l’ete
Se trouva de Revue
Quand la bise fut venue.
Elle alla chanter, la gamine
Chez la «Fourmi» sa voisine,
La priant de lui preter
Attention et l’ecouter.
La «Fourmi» n’est pas raleuse
C’est lä son moindre defaut;
— Que faisiez-vous au temps chaud?
Dit-elle ä cette goualeuse.
— Je construisais, ne vous deplaise
Nuit et jour, ä tout moment.
— Vous construisiez ? J’en suis fort aise
Et bien Flertez maintenant!
C’est par cette deformation, comme l’ap-
pelle spirituellement l’auteur Stanislas
Bastien, de la celebre fable de La Fontaine
que le concert «La Cigale» fait part a ses
auditeurs, dans son programme de la Revue,
de sa recente transformation.
Installee en premier lieu dans les locaux
du bal de la « Boule Noire », eile s’etait dejä
entierement transformee en 1894. Sur le
meine emplacement et sous la meme direc-
tion qu’aujourd’hui, M. Flateau faisait appel
ä cette epoque aux architectes Granpierre
et Vincent qui construisirent une salle de
style Louis XV ä laquelle le maitre Willette
collabora en peignant l’amusant plafond
ouvrant que l’on a eu la bonne pensee de
conserver.
Mais le succes toujours croissant et les
exigences nouvelles de luxe et de confor-
table du public amena la direction ä agran-
dir, ä transformer la salle et ses dependances
et ä leur donner les commodites pratiques
dont le besoin se faisait de plus en plus
sentir. II fallait de plus aller tres vite en
besogne ahn d’etre pret pour la saison
d’hiver.
Travaillant ä l’instar de la fourmi labo-
rieuse, la Cigale a passe. quatre mois de
l’ete seulement ä renouveler sa parure,
demandant aide et conseil pour embellir
son corps et faire briller ses ailes ä la verve
decorative de l’architecte Woog dont nous
avons dejä eu ä louer le talent ä propos
de ses interessantes etudes du Casino de
Vichy.
Comme toute cigale qui se respecte, eile
etait bien depourvue, avant que la bise füt
venue. Elle demanda cependant ä son
architecte de faire monts et merveilles avec
un credit en somme assez limite. II s’agis-
sait simplement de ne garder presque rien
de l’edifice ancien, de le reprendre presque
totalement en sous-oeuvre, de faire une salle
au plancher incline, alors qu’il etait droit,
de trouver une decoration nouvelle et mo-
derne, de surelever la scene, de transformer
les loges des artistes, de faire de nouveaux
escaliers, un vestiaire, de menager de nom-
breuses issues, tant pour les spectateurs que
pour les acteurs, et de decorer le cafe-bar.
Le cas n’est jamais nouveau pour un
architecte et c’est presque toujours avec peu
d’argent qu’on lui demande de faire beau
et de faire grand. M. Woog, pour remplir
ce triple et difficultueux programme, a eu
la main heureuse ; il a trouve d’excellents
collaborateurs, suffisamment desinteresses
pour le benefice qu’ils pouvaient legitime-
ment esperer retirer de leur effort, et com-
pletement interesses par la belle oeuvre ä
produire sous son impulsive direction, pour
mener ä bien la mise en oeuvre et la reali-
sation de son originale conception.
II a du aussi moderer sa fecondite ima-
ginative qui avait reve pour la fagade tout
un parti de decoration lumineuse du plus
puissant effet et ne conserver que les choses
indispensables au caractere general qu’il
s’etait propose d’atteindre. II a d’ailleurs
parfaitement reussi: gälte, clarte, vibrante
coloration, coquetterie sont les dominantes
de son oeuvre et caracterisent comme il
convient le genre d’etablissement dont il
s’etait propose de traduire Fexpression.
Une salle de cafe-concert ne doit
evidemment pas etre traitee comme un theätre
ordinaire, oü le programme se compose
de pieces serieuses, opera, drame ou come-
die. Sa parure decorative, qui en quelque
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