L’ART DECORATIF
reintegre peu ä peu l’idee dans l’art, nous
retrouvons chez nos precurseurs du symbo-
lisme, puis chez leurs disciples ce meine
sens rassis qui gouverne leur esprit et leurs
actes, met d’accord leur sentiment avec ce
realisme invetere oü tous vont puiser leur
sante et leur energie.
un ancien monde dans le charme, l’enve-
loppe, la magie d’un eloignement propice.
Nous aimons, nous sentons l’antiquite comme
l’a chantee Glück, comme l’a evoquee Corot,
comme l’o r donner a Pu vis de Cha vannes.
Mais la puissante imagination de Böcklin
retrouve la substance, fouille ce chaos, en
EUG. BURNAND
Une ferme fribourgeoise
Ainsi Böcklin, dont il est loisible de
contester la purete de forme ou de regretter
la vulgarite, -—- a-t-on dit, — du coloris ; le
grand artiste bälois ri’en demeure pas moins
un genial evocateur, un imagier dans toute
la force du terme. Surgie en plein roman-
tisme, son ceuvre, certes, ne renie pas sa
date ; mais le vigoureux realiste a vite fait
d’assainir, de tonifier l’esprit dont sa vision
est issue. L’art romantique se mourait jus-
tement dans le regret du passe. Et voila
l’antiquite ressuscitee, renouvelee ; du coup,
Böcklin lui restitue la joie, le mouvement,
la clarte.
Sans doute, de tels emportements ne
vont pas sans laisser des repentirs; notre
fine culture litteraire nous avait inities ä
un paganisme different, nous avait revele
extrait les elements organiques, pour ainsi
dire, ce Promethee les ranime de son souffle,
et voici ä nouveau les dieux indestructibles,
l’immortel Pan s’agiter au soleil.
Cependant, ä l’autre extremite de la
Suisse, ä Geneve, une pensee travaille, pe-
netre plus avant le secret des choses. Bar-
thelemy Menn (1815-i8g3), a vecu et reca-
pitule tout son siede; il a connu Ingres ä
Rome, Delacroix ä Paris, et aussi George
Sand qui l’appelait «le Judicieux», et aussi
Corot qui disait : « Menn est notre maitre
a tous ». Et Corot n’etait pas homme ä
emettre ä la legere un tel propos. Ayant
frequente tous les cenacles, participe ä leurs
travaux, ä leurs peines, ä leurs lüttes, Menn
finalement se fixe ä Geneve oü il peint,
mais surtout oü il enseigne. C’etait faire le
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reintegre peu ä peu l’idee dans l’art, nous
retrouvons chez nos precurseurs du symbo-
lisme, puis chez leurs disciples ce meine
sens rassis qui gouverne leur esprit et leurs
actes, met d’accord leur sentiment avec ce
realisme invetere oü tous vont puiser leur
sante et leur energie.
un ancien monde dans le charme, l’enve-
loppe, la magie d’un eloignement propice.
Nous aimons, nous sentons l’antiquite comme
l’a chantee Glück, comme l’a evoquee Corot,
comme l’o r donner a Pu vis de Cha vannes.
Mais la puissante imagination de Böcklin
retrouve la substance, fouille ce chaos, en
EUG. BURNAND
Une ferme fribourgeoise
Ainsi Böcklin, dont il est loisible de
contester la purete de forme ou de regretter
la vulgarite, -—- a-t-on dit, — du coloris ; le
grand artiste bälois ri’en demeure pas moins
un genial evocateur, un imagier dans toute
la force du terme. Surgie en plein roman-
tisme, son ceuvre, certes, ne renie pas sa
date ; mais le vigoureux realiste a vite fait
d’assainir, de tonifier l’esprit dont sa vision
est issue. L’art romantique se mourait jus-
tement dans le regret du passe. Et voila
l’antiquite ressuscitee, renouvelee ; du coup,
Böcklin lui restitue la joie, le mouvement,
la clarte.
Sans doute, de tels emportements ne
vont pas sans laisser des repentirs; notre
fine culture litteraire nous avait inities ä
un paganisme different, nous avait revele
extrait les elements organiques, pour ainsi
dire, ce Promethee les ranime de son souffle,
et voici ä nouveau les dieux indestructibles,
l’immortel Pan s’agiter au soleil.
Cependant, ä l’autre extremite de la
Suisse, ä Geneve, une pensee travaille, pe-
netre plus avant le secret des choses. Bar-
thelemy Menn (1815-i8g3), a vecu et reca-
pitule tout son siede; il a connu Ingres ä
Rome, Delacroix ä Paris, et aussi George
Sand qui l’appelait «le Judicieux», et aussi
Corot qui disait : « Menn est notre maitre
a tous ». Et Corot n’etait pas homme ä
emettre ä la legere un tel propos. Ayant
frequente tous les cenacles, participe ä leurs
travaux, ä leurs peines, ä leurs lüttes, Menn
finalement se fixe ä Geneve oü il peint,
mais surtout oü il enseigne. C’etait faire le
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