L’ART DECORATIF
Ce serait ici l’occasion, si nous en
avions la place, d’insister sur l’autonomie
intellectuelle de nos cantons, de montrer
comment, au gre de quelles circonstances,
ces divers milieux se separent ou s’asso-
cient, de definir, en particulier, l’esprit ge-
nevois. En quoi les enseignements de Menn
differaient-ils des principes generaux que
nous avons discernes ä travers les manifes-
tations anterieures de l’art en Suisse et en
seule force, la Jogique meme des choses, ä
cela pres que l’homme de genie qui l’a
concue est universellement ignore. Dejä, le
meilleur de la production contemporaine
justifie ses previsions, caracterise par la no-
tion vraie, de plus en plus precise, de ce qui
definit et permet d'evaluer l’oeuvre d’art,
savoir : la somme d’imagination d’inven-
tion, de creation, soit la part d’humanite
personnelle qui s’y trouve incluse.
Etienne duval
Le Hallt Nil (Musee Rath)
particulier ä Geneve? — En rien. « L’ap-
prenti-homme » de Menn est le portrait ideal
de notre artisan d’antan; c’est le meme
reflechi doue des meines facultes d’imagina-
nation et d’invention. Seulement, peut-etre,
le maitre ne s’etait-il pas suffisamment rendu
compte des circonstances speciales qui avaient
modifie, ici, le type initial; le soucieux
citoyen de la Geneve de Calvin n’est plus
exactement le meme sujet; Menn avait affaire
ä un intellectuel, ä un double esprit egale-
ment epris de poesie et de realite, mais
successivement. Ce prudent specialiste n’en-
tend pas meler les choses. Et c’est pourquoi
il fut rebelle quarante ans a la conception hu-
maniste — synthetique de Barthelemy Menn.
Au surplus, Menn vit juste. II n’etait
pas besoin de manuel ä une doctrine qui
s’insinue, se generalise, on dirait, par la
Ainsi, sous l’impulsion, croyons-nous,
de ces deux genies, Böcklin et Menn, que
tout separe , mais que l’avenir se chargera
d’apparenter, l’art suisse poursuit ses desti-
nees, sans renier quoi que ce soit de ses
traditions , avec la meme homogeneite carac-
teristique qu’autrefois, malgre l’heureuse
diversite des temperaments et des visions.
Au nord, plus directement influence par
Böcklin, il pousse ses racines jusqu’en Alle-
magne, apparait et fleurit cä et lä, toujours
chaudement accueilli dans les cenacles d a-
vant-garde, par les secessionistes de Munich,
de Berlin, de Düsseldorf, de Vienne. Les
retentissants succes de Hodler, d’Amiet,
de Perrier, de Welti, sont encore dans toutes
les memoires. Les expositions internatio-
140
Ce serait ici l’occasion, si nous en
avions la place, d’insister sur l’autonomie
intellectuelle de nos cantons, de montrer
comment, au gre de quelles circonstances,
ces divers milieux se separent ou s’asso-
cient, de definir, en particulier, l’esprit ge-
nevois. En quoi les enseignements de Menn
differaient-ils des principes generaux que
nous avons discernes ä travers les manifes-
tations anterieures de l’art en Suisse et en
seule force, la Jogique meme des choses, ä
cela pres que l’homme de genie qui l’a
concue est universellement ignore. Dejä, le
meilleur de la production contemporaine
justifie ses previsions, caracterise par la no-
tion vraie, de plus en plus precise, de ce qui
definit et permet d'evaluer l’oeuvre d’art,
savoir : la somme d’imagination d’inven-
tion, de creation, soit la part d’humanite
personnelle qui s’y trouve incluse.
Etienne duval
Le Hallt Nil (Musee Rath)
particulier ä Geneve? — En rien. « L’ap-
prenti-homme » de Menn est le portrait ideal
de notre artisan d’antan; c’est le meme
reflechi doue des meines facultes d’imagina-
nation et d’invention. Seulement, peut-etre,
le maitre ne s’etait-il pas suffisamment rendu
compte des circonstances speciales qui avaient
modifie, ici, le type initial; le soucieux
citoyen de la Geneve de Calvin n’est plus
exactement le meme sujet; Menn avait affaire
ä un intellectuel, ä un double esprit egale-
ment epris de poesie et de realite, mais
successivement. Ce prudent specialiste n’en-
tend pas meler les choses. Et c’est pourquoi
il fut rebelle quarante ans a la conception hu-
maniste — synthetique de Barthelemy Menn.
Au surplus, Menn vit juste. II n’etait
pas besoin de manuel ä une doctrine qui
s’insinue, se generalise, on dirait, par la
Ainsi, sous l’impulsion, croyons-nous,
de ces deux genies, Böcklin et Menn, que
tout separe , mais que l’avenir se chargera
d’apparenter, l’art suisse poursuit ses desti-
nees, sans renier quoi que ce soit de ses
traditions , avec la meme homogeneite carac-
teristique qu’autrefois, malgre l’heureuse
diversite des temperaments et des visions.
Au nord, plus directement influence par
Böcklin, il pousse ses racines jusqu’en Alle-
magne, apparait et fleurit cä et lä, toujours
chaudement accueilli dans les cenacles d a-
vant-garde, par les secessionistes de Munich,
de Berlin, de Düsseldorf, de Vienne. Les
retentissants succes de Hodler, d’Amiet,
de Perrier, de Welti, sont encore dans toutes
les memoires. Les expositions internatio-
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