L’ART DßCORATIF
Franfais)
sombres
farouche
et de ses
et lourd
A. DECHENAUD
(Photographie Lemery)
M. Baertsoen forme avec lui le contraste le
'plus curieux. II dit les strophes
de la Flandre pauvre, morte et
jusque dans l’inertie de ses ruelles
canaux ensables, avec un opulent
mctier de pätes epaisses, attx harmonies
Portrait de M. Dujardin-Bäumet^
( Artistes
le musicien incomparable des nocturnes,
l’analyste myterieux du silence; en lui tout
est mystere, la technique, le Sentiment, les
heures choisies, et il ne ressemble ä per-
sonne et il ne voit comme personne. La
distinction etrange de Whistler, la technique
de l’impressionnisme, trans-
posee et comme harmonisee,
on les retrouve en lui; mais
d’oü lui vient ce don unique
de renouveler les choses rien
qu’en les presentant, ce don
de suggerer les analogies les
plus inattendues et de se
tenir aux confins de la fu-
sion des arts, tout en restant
pleinement peintre ? D’ou
cette magie d’effets et cette
adora'ble simplicite emue
qui suscite les vies encloses
et fait parier jusqu’aux te-
il obres, d’ou, sinon d’une
, äme privilegiee, profonde-
ment contemplative et nour-
rie du mutisme qu’elle ex-
prime? Cette fois Le Sidaner
ne nous montre ni Bruges,
ni son calme et beau village
de Gerberoy. C’est la beaute
de Venise crepusculaire et
lunaire qu’il a choisie pour
theme de sa suite sympho-
nique. Et avec quel tact il a
su evincer, de ce pays trop
peint, tout le pittoresque sur
quoi les artistes se jettent
des l’abord, pour aller droit
ä l’äme de l’eau et des
pierres et en susciter le
tremblant fantöme, en me-
lant la feerie de la lune
chaleureuses et etouffees, tandis que vole-
tent subtilement les touches legeres de Claus,
comme des papillons de clarte. Et ce sont
les deux plus beaux naturistes de la Belgique;
pr.es d’eux il faut situer Georges Buysse
(et je ne parle ni de Marcette, absent, ni
de Willaert dont le coloris se desaccorde
fächeusement), comme il faul situer le poete
melancolique Henri Duhem, et l’exquise evo-
catrice des couvents et des fleurs, Mme Marie
Duhem, et le sincere et tendre Gaston
Le Mains, aupres de M. Henri Le Sidaner.
Celui-lä est le charmeur par excellence,
eternelle a la feerie du passe ! Plus que
jamais la facture de ces toiles demeure
le secret de leur peintre. Elle produisent
au Salon, oü elles sont d’ailleurs plus
mal placees qu’on ne l’eüt ose craindre,
l’effet du quatuor de Debussy joue dans la
galerie des Machines. Leur haute distinction
Here et douce s’offense et s’attenue de la
cohue bariolee qui l’avoisine. Mais attachons-
nous ä elles, en nous isolant, et nous verrons
de plus en plus combien elles rayonnent,
et quelle puissance de Suggestion s’y con-
dense. Ce sont des chefs-d’oeuvres veritables.
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Franfais)
sombres
farouche
et de ses
et lourd
A. DECHENAUD
(Photographie Lemery)
M. Baertsoen forme avec lui le contraste le
'plus curieux. II dit les strophes
de la Flandre pauvre, morte et
jusque dans l’inertie de ses ruelles
canaux ensables, avec un opulent
mctier de pätes epaisses, attx harmonies
Portrait de M. Dujardin-Bäumet^
( Artistes
le musicien incomparable des nocturnes,
l’analyste myterieux du silence; en lui tout
est mystere, la technique, le Sentiment, les
heures choisies, et il ne ressemble ä per-
sonne et il ne voit comme personne. La
distinction etrange de Whistler, la technique
de l’impressionnisme, trans-
posee et comme harmonisee,
on les retrouve en lui; mais
d’oü lui vient ce don unique
de renouveler les choses rien
qu’en les presentant, ce don
de suggerer les analogies les
plus inattendues et de se
tenir aux confins de la fu-
sion des arts, tout en restant
pleinement peintre ? D’ou
cette magie d’effets et cette
adora'ble simplicite emue
qui suscite les vies encloses
et fait parier jusqu’aux te-
il obres, d’ou, sinon d’une
, äme privilegiee, profonde-
ment contemplative et nour-
rie du mutisme qu’elle ex-
prime? Cette fois Le Sidaner
ne nous montre ni Bruges,
ni son calme et beau village
de Gerberoy. C’est la beaute
de Venise crepusculaire et
lunaire qu’il a choisie pour
theme de sa suite sympho-
nique. Et avec quel tact il a
su evincer, de ce pays trop
peint, tout le pittoresque sur
quoi les artistes se jettent
des l’abord, pour aller droit
ä l’äme de l’eau et des
pierres et en susciter le
tremblant fantöme, en me-
lant la feerie de la lune
chaleureuses et etouffees, tandis que vole-
tent subtilement les touches legeres de Claus,
comme des papillons de clarte. Et ce sont
les deux plus beaux naturistes de la Belgique;
pr.es d’eux il faut situer Georges Buysse
(et je ne parle ni de Marcette, absent, ni
de Willaert dont le coloris se desaccorde
fächeusement), comme il faul situer le poete
melancolique Henri Duhem, et l’exquise evo-
catrice des couvents et des fleurs, Mme Marie
Duhem, et le sincere et tendre Gaston
Le Mains, aupres de M. Henri Le Sidaner.
Celui-lä est le charmeur par excellence,
eternelle a la feerie du passe ! Plus que
jamais la facture de ces toiles demeure
le secret de leur peintre. Elle produisent
au Salon, oü elles sont d’ailleurs plus
mal placees qu’on ne l’eüt ose craindre,
l’effet du quatuor de Debussy joue dans la
galerie des Machines. Leur haute distinction
Here et douce s’offense et s’attenue de la
cohue bariolee qui l’avoisine. Mais attachons-
nous ä elles, en nous isolant, et nous verrons
de plus en plus combien elles rayonnent,
et quelle puissance de Suggestion s’y con-
dense. Ce sont des chefs-d’oeuvres veritables.
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