L’ART DECORATIF
et l’eclair sombre de son casque, valait
bien pour une teile etude un paysan sur
un percheron. L’artiste «s’offrit » dönc ce
morceau, pour le plaisir de peindre. Je ne
donnerai certes ni ä M. Roll ni ä moi
le ridicule de l’excuser d’avoir fait « un
tableau militaire ». Tous les genres sont
bons et il a excelle d-ans celui-lä; et c’est
une fiere peinture, dont la facture tres
large rappelle les meilleures qualites du
constructeur de la Greve et de Vlnonda-
tion. La figure enigmatique d’homme en
deuil, debout dans un champ et cachant sa
face sous sa main gantee de noir, erneut
par cette sorte de rüde douleur taciturne
que le peintre des chairs epanouies, de la
force et de la fecondite revele parfois, pen-
che sur la souffrance comme sur la joie et
y reverant egalement les lois de la vie.
Enfin, l’etrange tableau qui s’appelle Apres
la douleur et qui presente une jeune morte
jetee nue sur un matelas d’höpital, en plein
air, est une de ces Oeuvres que seuls les
peintres peuvent apprecier ä leur valeur.
La technique en est extraordinaire, et le
raccourci d’une difficulte extreme. M. Roll
n’a rien peint de plus propre ä prouver sa
connaissance magistrale de son art, que
cette pauvre nudite navrante, qui a enfin
fini de souffrir et dont la presentation ä la
fois brutale et tres subtile cree une gene
poignante. Rien de plus interessant pour le
psychologue que l’esprit de M. Roll, oü la
maturite a mele graduellement, par Lamour
de l’effort plebeien, une sorte de mysticite
russe, de contemplative et sombre pitie, ä
l’admiration des vigueurs e( des gräces luxu-
riantes de la vie, sans que cette mysticite,
confinant presque ä l’hypocondrie, devienne
«litteraire» et compromette la sürete et la
logique d’un magnifique metier de peintre
que personne aujourd’hui ne possede da-
vantage.
(A suivre) Camille Mauclair.
J. ADLER La SOÜpe des Pauvres (Artistes Francs)
(Photographie Lemery)
- 2 I 6
et l’eclair sombre de son casque, valait
bien pour une teile etude un paysan sur
un percheron. L’artiste «s’offrit » dönc ce
morceau, pour le plaisir de peindre. Je ne
donnerai certes ni ä M. Roll ni ä moi
le ridicule de l’excuser d’avoir fait « un
tableau militaire ». Tous les genres sont
bons et il a excelle d-ans celui-lä; et c’est
une fiere peinture, dont la facture tres
large rappelle les meilleures qualites du
constructeur de la Greve et de Vlnonda-
tion. La figure enigmatique d’homme en
deuil, debout dans un champ et cachant sa
face sous sa main gantee de noir, erneut
par cette sorte de rüde douleur taciturne
que le peintre des chairs epanouies, de la
force et de la fecondite revele parfois, pen-
che sur la souffrance comme sur la joie et
y reverant egalement les lois de la vie.
Enfin, l’etrange tableau qui s’appelle Apres
la douleur et qui presente une jeune morte
jetee nue sur un matelas d’höpital, en plein
air, est une de ces Oeuvres que seuls les
peintres peuvent apprecier ä leur valeur.
La technique en est extraordinaire, et le
raccourci d’une difficulte extreme. M. Roll
n’a rien peint de plus propre ä prouver sa
connaissance magistrale de son art, que
cette pauvre nudite navrante, qui a enfin
fini de souffrir et dont la presentation ä la
fois brutale et tres subtile cree une gene
poignante. Rien de plus interessant pour le
psychologue que l’esprit de M. Roll, oü la
maturite a mele graduellement, par Lamour
de l’effort plebeien, une sorte de mysticite
russe, de contemplative et sombre pitie, ä
l’admiration des vigueurs e( des gräces luxu-
riantes de la vie, sans que cette mysticite,
confinant presque ä l’hypocondrie, devienne
«litteraire» et compromette la sürete et la
logique d’un magnifique metier de peintre
que personne aujourd’hui ne possede da-
vantage.
(A suivre) Camille Mauclair.
J. ADLER La SOÜpe des Pauvres (Artistes Francs)
(Photographie Lemery)
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