L’ART DÉCORATIF
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bien qu’un silex taillé par un ancêtre des cavernes. Mais le sculpteur n’est pas
libre avec elle, comme le peintre qui la transpose en un langage à deux dimensions.
Le sculpteur n’est pas libre. Car c’est l’espace qui lui demande des comptes.
Auprès des Hindous, des Egyptiens, des Grecs et des Gothiques, Maillol apprit le
langage de la pierre et du bronze, cette apparente géométrie où se dissimule la vie,
cette relation des volumes qui aboutit à des proportions simplifiées, comme, à la
limite, une figure aux multiples droites atteint la circonférence.
Et c’est pourquoi, devant les statues de Maillol — devant les premières surtout — nous
avons le sentiment d’uneprésence mystérieuse qui est celle du Musée. Nous ne savons pas
quel musée. Nous ne savons pas nommer les maîtres, les conseillers, les familiers de
Maillol. Il ne doit rien à celui-ci ou à celui-là. Simplement, son esprit s’est arrêté près d’eux.
Un peintre, un écrivain peuvent méditer le passé et les grandes œuvres du passé.
Ainsi ils s’enri-
chissent. Mais ils
n’apprennent pas
du passé ce qu’un
sculpteur en peut
apprendre. Car le
langage abstrait
de la sculpture,
en se transmet-
tant de siècle en
siècle, ne se trans-
forme pas autant
que le langage des
mots ou le lan-
gage de la pein-
ture. La sculpture
égyptienne ac-
cueille encore
tous nos senti-
ments, toutes nos
pensées, tous nos
désirs.
Si Maillol pé-
nétra l’esprit du
passé, chez lui
nulle mythologie.
Il n’est pas de
ceux qui s’imagi-
nent montrer
leur parenté avec
les Grecs en
sculptant des
BUSTE DE M. T.
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bien qu’un silex taillé par un ancêtre des cavernes. Mais le sculpteur n’est pas
libre avec elle, comme le peintre qui la transpose en un langage à deux dimensions.
Le sculpteur n’est pas libre. Car c’est l’espace qui lui demande des comptes.
Auprès des Hindous, des Egyptiens, des Grecs et des Gothiques, Maillol apprit le
langage de la pierre et du bronze, cette apparente géométrie où se dissimule la vie,
cette relation des volumes qui aboutit à des proportions simplifiées, comme, à la
limite, une figure aux multiples droites atteint la circonférence.
Et c’est pourquoi, devant les statues de Maillol — devant les premières surtout — nous
avons le sentiment d’uneprésence mystérieuse qui est celle du Musée. Nous ne savons pas
quel musée. Nous ne savons pas nommer les maîtres, les conseillers, les familiers de
Maillol. Il ne doit rien à celui-ci ou à celui-là. Simplement, son esprit s’est arrêté près d’eux.
Un peintre, un écrivain peuvent méditer le passé et les grandes œuvres du passé.
Ainsi ils s’enri-
chissent. Mais ils
n’apprennent pas
du passé ce qu’un
sculpteur en peut
apprendre. Car le
langage abstrait
de la sculpture,
en se transmet-
tant de siècle en
siècle, ne se trans-
forme pas autant
que le langage des
mots ou le lan-
gage de la pein-
ture. La sculpture
égyptienne ac-
cueille encore
tous nos senti-
ments, toutes nos
pensées, tous nos
désirs.
Si Maillol pé-
nétra l’esprit du
passé, chez lui
nulle mythologie.
Il n’est pas de
ceux qui s’imagi-
nent montrer
leur parenté avec
les Grecs en
sculptant des
BUSTE DE M. T.