I 82
L’ART DECORATIF
llucabado invenit. Photo Thomas, Barcelone.
Lanterne d'escalier.
1res les soudures autogènes, ne semblent
guère avoir été profitables à ses progrès artis-
tiques.
Toutes les productions décoratives et orne-
mentales en sont d’ailleurs aujourd’hui au
même point, aussi bien chez les autres nations
civilisées qu’en Espagne. Toute œuvre d’art
— il en était autrement au moyen âge— ne
peutêtre actuellement que personnelle, consé-
quence de l’intelligence qui l’a créée. Le grand
malheur, c’est que, de nos jours, — ne nous
occupons que du fer — le dessinateur, le
modeleur, le forgeron, le limeur, le ciseleur,
l’ajusteur, qui collaborent à une grille, à une
rampe d’escalier, à un lampadaire, à un
balcon, etc., soient des ouvriers différents,
sans contact les uns avec les autres, n’ayant
entre eux ni discuté, ni décidé de l’œuvre à
produire. Si la division du travail est un
avantage, au point de vue industriel, elle est
néfaste au point de vue de l’art. Reconnaissons
qu’une œuvre de fer n’est pas excellente, tant
s’en faut, par la seule raison de la réussite des
pièces et morceaux qui la constituent,pris sépa-
rément. Comme nous l’avons dit ailleurs, le
sentiment de l’ensemble fait défaut aux divers
artisans qui y ont été occupés séparément;
car, si le but est général et collectif, l’effort
n’en demeure pas moins individuel et per-
sonnel.
Comment, dans ces conditions, ces diffé-
rents collaborateurs à une production com-
mune peuvent-ils en saisir l’esprit, le senti-
ment, le caractère? Il convient aussi de mettre
au nombre des causes actuelles de l’infériorité
de l’art de la ferronnerie le manque de plus
en plus lamentable d’ouvriers habiles et expérimentés, tels qu’en formaient les cor-
porations en France, les gildes dans les Pays-Ras, les confréries en Espagne. Les
dynasties d’artisans, rompus aux difficultés des métiers, deviennent de plus en plus
rares de tous côtés. Les apprentis ne sont plus aujourd'hui qu’un souvenir; jamais
la crise de l’apprentissage n’a autant sévi. Les taillandiers, fiers de suivre la voie tracée
par leurs prédécesseurs, de remplacer leurs aînés, seront bientôt un mythe. Ajoutons
à ce qui précède que les dessinateurs de ferronnerie ne se recrutent plus généralement
que chez des archéologues plus ou moins renseignés qui, bien entendu, ne cherchent
L’ART DECORATIF
llucabado invenit. Photo Thomas, Barcelone.
Lanterne d'escalier.
1res les soudures autogènes, ne semblent
guère avoir été profitables à ses progrès artis-
tiques.
Toutes les productions décoratives et orne-
mentales en sont d’ailleurs aujourd’hui au
même point, aussi bien chez les autres nations
civilisées qu’en Espagne. Toute œuvre d’art
— il en était autrement au moyen âge— ne
peutêtre actuellement que personnelle, consé-
quence de l’intelligence qui l’a créée. Le grand
malheur, c’est que, de nos jours, — ne nous
occupons que du fer — le dessinateur, le
modeleur, le forgeron, le limeur, le ciseleur,
l’ajusteur, qui collaborent à une grille, à une
rampe d’escalier, à un lampadaire, à un
balcon, etc., soient des ouvriers différents,
sans contact les uns avec les autres, n’ayant
entre eux ni discuté, ni décidé de l’œuvre à
produire. Si la division du travail est un
avantage, au point de vue industriel, elle est
néfaste au point de vue de l’art. Reconnaissons
qu’une œuvre de fer n’est pas excellente, tant
s’en faut, par la seule raison de la réussite des
pièces et morceaux qui la constituent,pris sépa-
rément. Comme nous l’avons dit ailleurs, le
sentiment de l’ensemble fait défaut aux divers
artisans qui y ont été occupés séparément;
car, si le but est général et collectif, l’effort
n’en demeure pas moins individuel et per-
sonnel.
Comment, dans ces conditions, ces diffé-
rents collaborateurs à une production com-
mune peuvent-ils en saisir l’esprit, le senti-
ment, le caractère? Il convient aussi de mettre
au nombre des causes actuelles de l’infériorité
de l’art de la ferronnerie le manque de plus
en plus lamentable d’ouvriers habiles et expérimentés, tels qu’en formaient les cor-
porations en France, les gildes dans les Pays-Ras, les confréries en Espagne. Les
dynasties d’artisans, rompus aux difficultés des métiers, deviennent de plus en plus
rares de tous côtés. Les apprentis ne sont plus aujourd'hui qu’un souvenir; jamais
la crise de l’apprentissage n’a autant sévi. Les taillandiers, fiers de suivre la voie tracée
par leurs prédécesseurs, de remplacer leurs aînés, seront bientôt un mythe. Ajoutons
à ce qui précède que les dessinateurs de ferronnerie ne se recrutent plus généralement
que chez des archéologues plus ou moins renseignés qui, bien entendu, ne cherchent