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L' art décoratif: revue de lárt ancien et de la vie artistique moderne — 29.1913

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Deverin, Edouard: Paul-Émile Colin
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https://doi.org/10.11588/diglit.69797#0209
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L’ART DÉCORATIF

leur sobriété et l’effet dramatique résultant d'un large parti de noir et blanc : Hop-

Frog, le Puits et le Pendule, le Spectre de la Mort rouge, le Diable dans le beffroi. Puis
Hamlet, le second Faust, la Divine Comédie lui inspirent des œuvres étranges, pleines

d’intérêt malgré des
gaucheries de techni-
que. L’Aurore des té-
nèbres fait penser à
desgraffilti péruviens,
les Pleurants offrent
un soleil et un ciel
traités à la Van Gogh.
Telle autre planche,
presque caricaturale,
évoquerait le souvenir
du facétieux Jossot.
11 est puéril de nier
des influences, fort lé-
gitimes d’ailleurs. Qui
n’en a pas subi, jeune
homme et même dans

LE BATEAU ARRETÉ (1905).


l’âge mûr? De son passage à l’atelier Carrière, Colin avait gardé unecertaine recherche
d’enveloppe, très sensible dans sa lithographie, Faust au Sabbat, qui rappelle aussi,
mais plus lointainement, le Fantin romantique. Ayant séjourné au Pouldu avec Gau-
guin, Filiger, Sérusier, il participe aux tentatives de ce groupe. Revenir à l’art des
imagiers naïfs et vigoureux (i), et des enlumineurs médiévaux séduisait ces jeunes
peintres. Après avoir célébré la Bretagne douloureuse et mystique, les Christ jaunes,
les uns s’en furent à Tahiti ou en Italie, d’autres s’hypnotisèrent devant les toiles
des maîtres, dans les musées.

De cette époque date F Apocalypse, dont l’aspect un peu barbare retient et frappe, le
fou du Clocher — transposition d’un cauchemar à la Hoffmann — V Ermite, la Dame des
Mers où le graveur reprend, non sans talent, l’éternel thème de la Lorelei, de la Calypso
d Ulysse.
Ce n’est que vers igoi que M. Colin prit vraiment conscience de lui-même.
Il comprit que sa mission d’artiste était d’exprimer surtout l’architecture des terrains
et des arbres, la beauté âpre, l’aigre charme de la Lorraine et la résignation des bêtes
qui sont les meilleurs auxiliaires de l’homme, chevaux massifs et doux, chiens amis,
chats, poules et cochons méprisés. Après les grands Hollandais, et les Le Nain, après
Millet et Pissaro, il a décrit la vie quotidienne, les durs labeurs, la sérénité calme de
l’homme des champs. Comme l’a remarqué justement M. Clément-.lanin, ses paysans
n’ont pas l'accent tragique du peintre de V Homme à la Houe ; ils travaillent avec passion
et avec un rythme quasi-religieux que nous, citadins cérébraux, névropathes et affolés,

( i) Dans le même temps, de i8g4 à 1896, M. Rémy de Gourmont fit paraître sa curieuse revue L’Ymagier,
actuellement introuvable, et que nous feuilletâmes avec plaisir, autrefois, dans les boîtes des quais.
 
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