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L' art décoratif: revue de lárt ancien et de la vie artistique moderne — 29.1913

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Ardenne de Tizac, Jean Henri d': L'art bouddhique au Musée Cernuschi
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https://doi.org/10.11588/diglit.69797#0284
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268

L’ART DÉCORATIF

Long-men, nous apportent parfois comme un
réconfort joyeux. Mais il est des heures où la
défaillance de l’homme a besoin de sa propre
image et recherche avec un plaisir amer le té-
moignage d’autres défaillances. On goûte alors
une consolation profonde en présence de ces
visages malheureux et résignés, souriants comme
par pudeur, que sculptèrent, il y a des siècles
les statuaires d’une race disparue.
Mais il n’y a pas seulement, entre les œuvres
des artistes chinois et des artistes khmers, la
séparation causée par la différence des races. On
croirait que tout, jusqu’à la nature des matériaux,
a voulu contribuer à les diviser. Le Chinois tra-
vaillait tantôt le marbre, tantôt le granit, lantôt
enfin une sorte de grès particulier qui semble
dur, sec et lisse, sur lequel la lumière glisse et
ne mord pas. Le sculpteur khmer, au contraire,
s’est trouvé en présence d’un grès poreux, à cou-
leur rousse, à grain savoureux, qui absorbe la
lumière et semble répandre de la chaleur.
Allons plus loin encore. Abordons l’île de
Java. Nous y trouverons d’aulres sculptures,
représentées à l’exposition Cernuschi par une
série de têtes des collections Alphonse Kami (fig. 21) et Stoclet (fig. 22). Nous pouvons
dire qu’ici la matière a joué un rôle plus considérable encore. On conçoit très bien le
sculpteur chinois inscrivant à loisir dans sa pierre serrée, les détails d'une imagination
lente et réfléchie. Le sculpteur de Java, lui, n’a sous l’outil qu’une pierre volcanique aux
molécules grossières et dont les éclats se détachent au plus léger choc. Où le premier
pouvait s’attarder à composer une coiffure minutieuse, à dessiner la forme raffinée d’une
paupière à demi-close, à creuser les coins profonds d’une bouche, le second ne peut
que chercher d’un coup la masse puissante de la tête; il doit trouver, sans hésitations
ni retouches, la valeur juste des volumes et des plans. Ses sculptures s’imposeront
par la franchise et la décision de leur accent. Au fond, rien n’est moins sommaire qu’un
art pareil; il suppose une maîtrise parfaite, acquise au prix d’expériences difficiles;
pour l’artiste javanais, il n’est pas de ces stades où l’esprit et la main s’amusent, où le
ciseau joue; à peine son inspiration a-t-elle conçu qu’elle doit se réaliser directement
dans la matière; d’où cet aspect solide, énergique et définitif des sculptures de
Boroboudour.
On peut penser, pourtant, que le Javanais n’eût pas répugné aux travaux délicats et
raffinés. Les bronzes qu’il a fondus, le plus souvent sous l’influence ceylanaise, sont
d’une finesse d’exécution et d’une qualité d’alliage qui les imposent à l’admiration
des connaisseurs. Ce sont des statuettes aux détails infiniment subtils, d’une facture à
la fois ferme et grasse, et que leur patine, allant du vert soutenu jusqu’au violet gris,

Fig. 20. — ART KHMER. (Collection
Peylel ).
Bronze. Il : 0,-18.
 
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