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https://doi.org/10.11588/diglit.22056#0131
ARCHITECTURE FRANÇOISE, Liv. V
61
CHAPITRE XII.
Defcription de l'Eglhe de S. Louis du Louvre, fituée rue S. Thomas
du Louvre, quartier du Palais Eoyal.
CETTE Eglife fut anciennement érigée fous l’invocation de S. Thomas, Arche- Eglife de
vêque de Cantorbery^ c’efl de-là que la rue dans laquelle elle Et élévée, a pris Louvré’du
fon nom. Elle fut, ainfi que fon Chapitre, fondée par Cobert, Comte de Dreux, l’an 1188.
Comme elle menaçoit ruine depuis long-tcms, le Roi accorda cinquante mille écus
pour la rebâtir} mais en 1739, (avant qu’on eut commencé à faire ufage de la gratifica-
tion de S. M.) dans le tems que les Chanoines étoient à l’office, l’Eglife écroula, &
en enfevelit fept fous fes ruines. Ce funefle accident engagea M. de Vintimille, alors
Archevêque de Paris, à y réunir le Chapitre de S. Nicolas [a) du Couvre. M. le Cardinal
de Fleury chargea M. Germain, (b) Orfevre du Roi, de faire les deffeins d’une nouvelle
Eglife, qui vers 1740, fut commencée par les fieurs Conneau & Convers, Entrepreneurs
des bâtimens de S. M. Malgré les bienfaits du Roi, le Chapitre s’étant beaucoup en-
detté, M. de Vinti mille fe détermina à lui réunir encore celui de S. Maur des FoJJes. Cette
Eglife, aujourd’hui entièrement finie, & bâtie fous l’invocation de S. Louis, fe nomme
S. Louis du Louvre, & compofe un édifice qui, dans ce genre, n’eft pas un des moins
intéreffans qui fe voyent à Paris.
Plan du re^de-chauffée. Planche première.
La compofition de cette Eglife en général eft fort ingénieulej on remarquera peut-
être un peu trop de mouvement dans certaines parties, mais M. Germain, doué d’un
génie fécond, & voulant fortir des formes ordinaires, a préféré une forte d’élégance à
cette retenue du reffort des édifices facrés, dont il a cru pouvoir s’écarter d’autant plus
volontiers que le monument dont nous parlons ne peut guéres être confidéré que
comme une Chapelle particulière. En effet toute cette Eglife eff compofée d’une feule
nef de 37 pieds & demi de largeur dans œuvre, fur 59 pieds de longueur, & d’un fanc-
(4) Cette Eglife eut aufîi pour fondateur Robert, comte de
Dreux. Ce ne fut d’abord qu’un College, mais, en 1541,
l’Evéquc de Paris l’érigea en Chapitre. Aujourd’hui cette
Eglife n’exifte plus, & fon terrain eft occupé par divers Parti-
culiers.
(é) Thomas Germain, naquit à Paris le 15 Août 1673. Il
étoit fils de Pierre Germain, Orfevre ordinaire du Roi, un
des plus habiles hommes de fon fiecle. Il n’avoit que onze ans,
lorfqu’il perdit fon pere. A l’âge de treize ans il gagna une
médaille à l’Académie. Ses heureufes difpofitions lui méritèrent
la proteélion de M. de Louvois qui l’envoya à Rome, où il
relia plufieurs années. Après la mort de ce Miniflre, il fe mit
chez un Orfèvre de réputation, & il y devint fi habile par
l’étude des ouvrages des grands Maîtres qu’il copioit avec avi-
dité , qu’il fe vit en état de mettre au concours qui fe fit pour
la décoration de la Chapelle des Jéfuitcs de Rome, & fes del-
feins furent agréés. En effet il exécuta les bas réliefs qui fe
voyent furies piédeftaux, & fur le rétable d’Autel de la meme
Eglile, & qui paffent pour autant de chef-d’œuvres. Au bout
de treize ans il quitta Rome, & voyagea pendant environ trois
ans dans le refte de l’Italie. Enfin il revint à Paris, où il fut
reçu avec diftinûion de Louis XIV qui l’employa, & lui ac-
corda un logement au Louvre, avec une penfion confidérable.
Vers le commencement de ce fiecle, il avoit bâti à Livourne
une Eglife qu’on croit être celle des Arméniens. Il n’y a point
de cour dans l’Europe qui ne poflede des ouvrages d’Orfé-
vrerie de ce grand homme. Il portoit fi loin la perfection de
fon Art, qu’il lui eft arrivé plus d’une fois de recommencer
un ouvrage, parce que les Ouvriers qu’il employoit, quoi-
qu’il choifit ce qu’il y avoit de plus habile, en avoient négligé
quelque partie.
Aux talens qu’il avoit reçu de la nature pour la profeffion,
M. Germain joignoit une profonde connoiffance du Deffein,
de la Sculpture, & de 1 Architecture. C’efl ce qui engagea
M. le Cardinal de Fleury & le Chapitre de S. Thomas du
Louvre à lui demander des deffeins pour l’Eglife qu’on vou-
loit ériger fur les ruines de l’ancienne. Non-feulement il le
prêta à leurs délits avec fon définterelfement ordinaire, & même
il en fit les modèles, mais il veilla encore avec un foin infati-
gable à fa conflruétion, & fit exécuter fous fes yeux, par les
plus habiles Sculpteurs, les principales parties de fa décoration.
Enfin il eut la confolation de voir cette Eglife finie avant fa
mort, ce qu’il avoit défiré avec le plus d’ardeur. Il mourut le
14 Août 1748, & il fut enterré dans la même Eglife, dans la-
quelle, par reconnoiffance, les Chanoines lui avoient accordé
une Chapelle pour lui & pour fa famille.
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CHAPITRE XII.
Defcription de l'Eglhe de S. Louis du Louvre, fituée rue S. Thomas
du Louvre, quartier du Palais Eoyal.
CETTE Eglife fut anciennement érigée fous l’invocation de S. Thomas, Arche- Eglife de
vêque de Cantorbery^ c’efl de-là que la rue dans laquelle elle Et élévée, a pris Louvré’du
fon nom. Elle fut, ainfi que fon Chapitre, fondée par Cobert, Comte de Dreux, l’an 1188.
Comme elle menaçoit ruine depuis long-tcms, le Roi accorda cinquante mille écus
pour la rebâtir} mais en 1739, (avant qu’on eut commencé à faire ufage de la gratifica-
tion de S. M.) dans le tems que les Chanoines étoient à l’office, l’Eglife écroula, &
en enfevelit fept fous fes ruines. Ce funefle accident engagea M. de Vintimille, alors
Archevêque de Paris, à y réunir le Chapitre de S. Nicolas [a) du Couvre. M. le Cardinal
de Fleury chargea M. Germain, (b) Orfevre du Roi, de faire les deffeins d’une nouvelle
Eglife, qui vers 1740, fut commencée par les fieurs Conneau & Convers, Entrepreneurs
des bâtimens de S. M. Malgré les bienfaits du Roi, le Chapitre s’étant beaucoup en-
detté, M. de Vinti mille fe détermina à lui réunir encore celui de S. Maur des FoJJes. Cette
Eglife, aujourd’hui entièrement finie, & bâtie fous l’invocation de S. Louis, fe nomme
S. Louis du Louvre, & compofe un édifice qui, dans ce genre, n’eft pas un des moins
intéreffans qui fe voyent à Paris.
Plan du re^de-chauffée. Planche première.
La compofition de cette Eglife en général eft fort ingénieulej on remarquera peut-
être un peu trop de mouvement dans certaines parties, mais M. Germain, doué d’un
génie fécond, & voulant fortir des formes ordinaires, a préféré une forte d’élégance à
cette retenue du reffort des édifices facrés, dont il a cru pouvoir s’écarter d’autant plus
volontiers que le monument dont nous parlons ne peut guéres être confidéré que
comme une Chapelle particulière. En effet toute cette Eglife eff compofée d’une feule
nef de 37 pieds & demi de largeur dans œuvre, fur 59 pieds de longueur, & d’un fanc-
(4) Cette Eglife eut aufîi pour fondateur Robert, comte de
Dreux. Ce ne fut d’abord qu’un College, mais, en 1541,
l’Evéquc de Paris l’érigea en Chapitre. Aujourd’hui cette
Eglife n’exifte plus, & fon terrain eft occupé par divers Parti-
culiers.
(é) Thomas Germain, naquit à Paris le 15 Août 1673. Il
étoit fils de Pierre Germain, Orfevre ordinaire du Roi, un
des plus habiles hommes de fon fiecle. Il n’avoit que onze ans,
lorfqu’il perdit fon pere. A l’âge de treize ans il gagna une
médaille à l’Académie. Ses heureufes difpofitions lui méritèrent
la proteélion de M. de Louvois qui l’envoya à Rome, où il
relia plufieurs années. Après la mort de ce Miniflre, il fe mit
chez un Orfèvre de réputation, & il y devint fi habile par
l’étude des ouvrages des grands Maîtres qu’il copioit avec avi-
dité , qu’il fe vit en état de mettre au concours qui fe fit pour
la décoration de la Chapelle des Jéfuitcs de Rome, & fes del-
feins furent agréés. En effet il exécuta les bas réliefs qui fe
voyent furies piédeftaux, & fur le rétable d’Autel de la meme
Eglile, & qui paffent pour autant de chef-d’œuvres. Au bout
de treize ans il quitta Rome, & voyagea pendant environ trois
ans dans le refte de l’Italie. Enfin il revint à Paris, où il fut
reçu avec diftinûion de Louis XIV qui l’employa, & lui ac-
corda un logement au Louvre, avec une penfion confidérable.
Vers le commencement de ce fiecle, il avoit bâti à Livourne
une Eglife qu’on croit être celle des Arméniens. Il n’y a point
de cour dans l’Europe qui ne poflede des ouvrages d’Orfé-
vrerie de ce grand homme. Il portoit fi loin la perfection de
fon Art, qu’il lui eft arrivé plus d’une fois de recommencer
un ouvrage, parce que les Ouvriers qu’il employoit, quoi-
qu’il choifit ce qu’il y avoit de plus habile, en avoient négligé
quelque partie.
Aux talens qu’il avoit reçu de la nature pour la profeffion,
M. Germain joignoit une profonde connoiffance du Deffein,
de la Sculpture, & de 1 Architecture. C’efl ce qui engagea
M. le Cardinal de Fleury & le Chapitre de S. Thomas du
Louvre à lui demander des deffeins pour l’Eglife qu’on vou-
loit ériger fur les ruines de l’ancienne. Non-feulement il le
prêta à leurs délits avec fon définterelfement ordinaire, & même
il en fit les modèles, mais il veilla encore avec un foin infati-
gable à fa conflruétion, & fit exécuter fous fes yeux, par les
plus habiles Sculpteurs, les principales parties de fa décoration.
Enfin il eut la confolation de voir cette Eglife finie avant fa
mort, ce qu’il avoit défiré avec le plus d’ardeur. Il mourut le
14 Août 1748, & il fut enterré dans la même Eglife, dans la-
quelle, par reconnoiffance, les Chanoines lui avoient accordé
une Chapelle pour lui & pour fa famille.