DOI Heft:
No 7 (1902)
DOI Seite / Zitierlink: https://doi.org/10.11588/diglit.24671#0060
DES ARTS DÉCORATIFS ET INDUSTRIELS
51
valeur plus intime, résultant de la communauté
des choses vécues ensemble, des mœurs, des tradi-
tions, des coutumes, de l’éducation. N’est-ce pas
là aussi une communauté réelle, et, si cette commu-
nauté existe, n’engendre-t-elle pas fatalement des
communautés correspondantes dans la manière de
voir et de sentir, dans la manière de traduire en
œuvres d’art ces vues et ces sentiments ?
L’art national n’est donc pas un vain mot. Il ne
faut certes pas borner là notre horizon, ni perdre
de vue que, malgré sa réalité propre, cet art na-
tional n’en demeure pas moins en dépendance de
phénomènes plus généraux. Par dessus l’art des
nations, il y a ces vastes courants dont parle
M. Vermeylen, qui traversent constamment l’art
du monde et « que nous n’avons pas le droit de
couper et de recouper d’après la carte politique ».
Mais les expressions diverses que prennent ces
courants, suivant les nations qu’ils viennent re-
couvrir, ne sont-elles pas la meilleure preuve de
cette esthétique nationale à laquelle on voudrait
les opposer?
E. v. O.
LA COLONNE ITINÉRAIRE DE
TONGRES
MH. Schuermans a consacré autrefois des arti-
# clés demeurés célèbres aux remparts romains
d’Arlon et de Narnur. Il a établi que sous Dioclé-
tien la population décroissante des villes gauloises,
jusque là ouvertes, s’abrita contre les invasions
derrière des murailles, dont l’enceinte n’entourait
qu’une partie de l’ancienne superficie urbaine. Il
a publié récemment, dans le même ordre d’études,
un mémoire (i) dont c’est pour nous un devoir de
résumer ici les résultats, puisqu'il se rapporte à
l’un des monuments antiques les plus importants
de notre musée : la colonne itinéraire de Tongres.
Cette borne à huit pans, en calcaire noir, se dres-
sait sans doute à l’époque romaine sur une place
publique, à laquelle aboutissaient sept voies, et
elle donnait pour chacune de ces routes, rayon-
nant en tous sens, l’indication des cités ou stations
qu’elles traversaient. La distance qui séparait
chacun de ces points du précédent était indiquée
en lieues gauloises. Ce monument a une impor-
tance considérable pour la géographie antique de
la Gaule septentrionale.
On admettait généralement, d’après la forme des
(i) Congrès de la fèdér. arch. et hist. de Belgique, à
Tongres, içoi. Question I. Age de la colonne itin. de
Tongres.
caractères, que l’inscription de Tongres était delà
fin du me siècle. M. Schuermans n'a pas de peine
à établir que ce critère est trompeur, et il suppose
avec bien plus de raison que notre colonne remonte
au règne de Septime Sévère ou de ses fils et date
par conséquent environ de l’an 300. O11 sait, en
effet, que cet empereur prit un soin spécial de la
viabilité des routes militaires et, par une innova-
tion, dont les conséquences se prolongent encore
aujourd’hui, il adopta officiellement, au nord de
Lyon, la mesure gauloise des lieues (leugae) en la
substituant aux anciens milles romains. Notre
colonne fut érigée au moment où l’on établit sur
les voies de Belgique les bornes marquant les nou-
velles distances.
Elle a probablement été brisée avant la fin du
111e siècle car elle paraît avoir été employée, avec
les débris d’autres monuments, dans la construction
des remparts que Dioclétien fit élever à Tongres
aussi bien qu’à Arlon et à Namur. C’est ce que
prouvent et le lieu de la trouvaille et les nombreux
fragments antiques exhumés au même endroit. Si
l’administration de Dioclétien n’a donc point,
comme on l’a soutenu, fait graver notre inscrip-
tion, on peut dire cependant qu’elle nous l’a con-
servée, en se servant de la pierre comme moel-
lon dans la construction des murailles d’Aduatuca,
métropole des Timgri. F. C.
51
valeur plus intime, résultant de la communauté
des choses vécues ensemble, des mœurs, des tradi-
tions, des coutumes, de l’éducation. N’est-ce pas
là aussi une communauté réelle, et, si cette commu-
nauté existe, n’engendre-t-elle pas fatalement des
communautés correspondantes dans la manière de
voir et de sentir, dans la manière de traduire en
œuvres d’art ces vues et ces sentiments ?
L’art national n’est donc pas un vain mot. Il ne
faut certes pas borner là notre horizon, ni perdre
de vue que, malgré sa réalité propre, cet art na-
tional n’en demeure pas moins en dépendance de
phénomènes plus généraux. Par dessus l’art des
nations, il y a ces vastes courants dont parle
M. Vermeylen, qui traversent constamment l’art
du monde et « que nous n’avons pas le droit de
couper et de recouper d’après la carte politique ».
Mais les expressions diverses que prennent ces
courants, suivant les nations qu’ils viennent re-
couvrir, ne sont-elles pas la meilleure preuve de
cette esthétique nationale à laquelle on voudrait
les opposer?
E. v. O.
LA COLONNE ITINÉRAIRE DE
TONGRES
MH. Schuermans a consacré autrefois des arti-
# clés demeurés célèbres aux remparts romains
d’Arlon et de Narnur. Il a établi que sous Dioclé-
tien la population décroissante des villes gauloises,
jusque là ouvertes, s’abrita contre les invasions
derrière des murailles, dont l’enceinte n’entourait
qu’une partie de l’ancienne superficie urbaine. Il
a publié récemment, dans le même ordre d’études,
un mémoire (i) dont c’est pour nous un devoir de
résumer ici les résultats, puisqu'il se rapporte à
l’un des monuments antiques les plus importants
de notre musée : la colonne itinéraire de Tongres.
Cette borne à huit pans, en calcaire noir, se dres-
sait sans doute à l’époque romaine sur une place
publique, à laquelle aboutissaient sept voies, et
elle donnait pour chacune de ces routes, rayon-
nant en tous sens, l’indication des cités ou stations
qu’elles traversaient. La distance qui séparait
chacun de ces points du précédent était indiquée
en lieues gauloises. Ce monument a une impor-
tance considérable pour la géographie antique de
la Gaule septentrionale.
On admettait généralement, d’après la forme des
(i) Congrès de la fèdér. arch. et hist. de Belgique, à
Tongres, içoi. Question I. Age de la colonne itin. de
Tongres.
caractères, que l’inscription de Tongres était delà
fin du me siècle. M. Schuermans n'a pas de peine
à établir que ce critère est trompeur, et il suppose
avec bien plus de raison que notre colonne remonte
au règne de Septime Sévère ou de ses fils et date
par conséquent environ de l’an 300. O11 sait, en
effet, que cet empereur prit un soin spécial de la
viabilité des routes militaires et, par une innova-
tion, dont les conséquences se prolongent encore
aujourd’hui, il adopta officiellement, au nord de
Lyon, la mesure gauloise des lieues (leugae) en la
substituant aux anciens milles romains. Notre
colonne fut érigée au moment où l’on établit sur
les voies de Belgique les bornes marquant les nou-
velles distances.
Elle a probablement été brisée avant la fin du
111e siècle car elle paraît avoir été employée, avec
les débris d’autres monuments, dans la construction
des remparts que Dioclétien fit élever à Tongres
aussi bien qu’à Arlon et à Namur. C’est ce que
prouvent et le lieu de la trouvaille et les nombreux
fragments antiques exhumés au même endroit. Si
l’administration de Dioclétien n’a donc point,
comme on l’a soutenu, fait graver notre inscrip-
tion, on peut dire cependant qu’elle nous l’a con-
servée, en se servant de la pierre comme moel-
lon dans la construction des murailles d’Aduatuca,
métropole des Timgri. F. C.