ET DE LA CURIOSITÉ
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l’histoire des débuts de l’impressionnisme, nous
furent montrées à la galerie Georges Petit (1).
Elles apparaissent comme un lien entre l’école de
1830 et celle de 1880. L’observation de l'atmosphère
etdela lumière confèrent de l’intérêt aux vastes éten-
dues sans accidents pittoresques de ces paysages
de France et de Hollande ; la perception prompte
s’y marque en notes brèves. Ils sont bien, par
là, précurseurs de l’impressionnisme. Pourtant,
comme ils nous semblent encore proches de Corot !
L’artiste s’y dénote occupé de valeurs plutôt que
de couleur, soucieux parfois de mise en page,
ennemi de tout éclat et de toute hâte . il garde, en
peignant le transitoire, la tradition de l’immuable.
Le souvenir des générations qui le suivirent,
ardentes à conquérir le soleil, à arrêter l’effet fu-
gitif, persiste dans la clarté des tons, dans la fac-
ture alerte de M. Lebasque (2). Il dit l’amitié delà
nature pour l’homme, son emprise joyeuse sur la
silhouette en plein air. La lumière la pénètre, la
fait comme diaphane, les arbres la parent du reflet
de leurs feuilles, le soleil harmonise aux parterres
et au ciel les teintes fantasques des robes et des
ombrelles. Ainsi nous captivent, entre autres, la
série de toiles où resplendit l’allégresse des rives
de la Méditerranée et le grand panneau L’Eté :
les fruits, où le juste équilibre des tons prévient
le danger d’inconsistance, parfois frôlé ailleurs.
Enfin, les esquisses pour la décoration du Sous-
Secrétariat des Beaux-Arts montrent que l’artiste
peut assembler des nus en rythmes classiques
sans perdre sa grâce primesautière.
M. d’Espagnat (3), qui s’inléresse plutôt à la
figure isolée et en fixe les attitudes avec bonheur
( Jeune mère mouchant sa fille), tient lui aussi à
l’impressionnisme par la diaprure des couleurs, le
rôle important qu’il donne aux reflets ; il s’en évade
par la recherche d’un dessin plus précis, d’une
construction plus solide.
Ces tendances presque générales au style, que
nous notons encore chez M. Peské (4), chez M. Vin-
cent-Darasse (5), engagent souvent les impression-
nistes à exposer avec des peintres d'intentions
plus austères. Nous trouvions ainsi assemblés pour
le plaisir de nos yeux quelques personnalités no-
toires, MM. Besnard, Henri Martin, Le Sidaner,
Raffaëlli, et avecMM. Cottet, Mesnard,Simon, cha-
cuu fidèle, sans défaillance, à sa manière habi-
tuelle (6). Ailleurs, M. Lebasque, M. Laprade,
M. d’Espagnat joignaient leurs œuvres à celles
des initiateurs du symbolisme: M. Maurice Denis
(Madone et Paysages), M. Paul Sérusier, dont les
études bretonnes, à la fois voulues et sincères, sont
d’un art raffiné. M. Yallotton, avec de curieuses
vues de théâtre, MM. Yaltat, Hermann-Paul lenr
faisaient cortège (7).
Plus grand semble l’écart entre les premiers
symbolistes et ceux qui poussent à l’extrême
leurs théories. Parmi eux rangeons M. Van Don-
gen qui, à la galerie Paul Guillaume (8), suc-
céda à M. Matisse. 11 est proche de celui-ci par sa
doctrine et sa mise en œuvre et encore par des
dons de peintre, par un tempérament vigoureux
(1) 16-31 mars. — (2) Galerie Georges Petit, 2-15
mars. — (3) Galerie l)ruet, 4-15 mars. — (4) Gale-
rie Nunès ctFiquet, 10 mars-10 avril. — (5) Gale-
rie Devambez, 28 février-14 mars. — (6) Galerie
Georges Petit. 8-23 mars. — (7; Galerie Druet, 18-
30 mars. — (8) 17-29 mars.
qui le retient à la matière, tandis que l’abstraction
le sollicite. M. Van Dongen a souvent encouru le
reproche de vulgarité, de perversité; M. Apolli-
naire, en le vantant, cite Baudelaire. Ici, pourtant,
où les sujets de mauvais lieux sont rares, nous
notons des qualités de santé, voire de distinction,
évidentes dans des cavaliers orientaux, une bai-
gneuse, un nu â peine modelé sur fond pâle et
presque classique. Faut-il conclure qu’il y a chez
M. Van Dongen un côté littéraire plutôt qu’intel-
lectuel qu’il lui est loisible de dépouiller sans faire
tort à son talent ?
Rappelons les paysages de M. Verdilhan in-
fluencés par M. Marquet d’une grande délicatesse
de vision (1), les fleurs de MUe Grissey, d’une pâte
ample et d’une couleur harmonieuse (2), celles de
M. Ludvvik Gros, pétries de lumière (3), les œuvres
hésitantes de Mm0 Val (4), les peintures « cubistes »
de MM. Ilensel (5) et A. Hérbin (6).
De personnalité moins tranchée sont les membres
du Salon des femmes peintres et sculpteurs (7),
ceux du Cercle de l’Union artistique (8), où fleurit
comme aux plus beaux jours d’avant-guerre le
portrait d’apparat. Ils semblent moins consulter
leur propre goût que celui du public mondain ou
bourgeois pour lequel ils peignent. M. Filliard
lave avec une grande habileté des fleurs au coloris
chaud (9), et Mme Mathilde Sée s’efforce de
l’imiter (10).
Citons encore les dessins militaires de M. Jean
Droit (11), de M. Jodelet (12), les aquarelles de
Grèce et de Serbie de M. Lobel-Riche (13), l’expo-
sition rétrospective d’Ernest Chevalier, duquel la
galerie Devambez avait réuni des paysages et
des marines (14).
M. Manzana-Pissarro (15) groupait au même
lieu un ensemble d’œuvres récentes. Les qualités
de décorateur dont témoignèrent jadis ses mono-
types et ses peintures se manifestent ici non seule-
ment en des panneauxàl’huileetà la gouache, mais,
selon la logique, en des tapisseries qui ornent les
murs ou les sièges, en des paravents, même en de
menus bibelots. Nous retrouvons les modèles chers
à son inspiration ; les Coqs et poules Faverolles, les
Canards chinois, les Dindons noirs-, des créatures
humaines à demi-animales. Orientales à la peau
sombre, toutes d’indolence sensuelle. L’artiste ré-
clame ainsi de la nature les éléments de ses œu-
vres et il excelle à en fixer le caractère. Puis son
imagination s’en empare. Elle les ordonne en com-
positions équilibrées où les ramages des étoffes, la
mosaïque des feuillages ont un rôle égal à celui du
corps humain. Elle en exalte la somptuosité : les
tons de pierres précieuses voisinent avec l’or et
l’argent qui lustrent les plumages, rehaussent les
draperies, couvrent les fonds ; et voici négresses
ou Arabes, et jusqu'aux moindres figurants de la
basse-cour, qui participent d’un conte d’Oricnt à la
fois barbare et raffiné. On aurait mauvaise grâce à
(1) Galerie Marseille, 18 février-9 mars. — (2
Galerie Bernheim, 7-14 mars. — (3) Galerie Lo-
renceau,15 31 mars. — (4) Galerie Bernheim, 7-14
mars. — (5) Galerie AVeill, en mars. — (6) Galerie
« L’Effort moderne », 1-22 mars. —- (7) Galerie
Brunner, 16 mars-15 avril. ■— (8) 20 mars-20 avril.
— (9) Galerie Georges Petit,1-15 mars. — (10) Gale-
rie Georges Petit, 16-31 mars.—(11) Galerie De-
vambez, 4-20 avril. —- (12) Galerie Georges Petit. —
(13) Galerie Devambez, :8 février-14 mars. — (14)
4-20 avril. — (15) 16 31 mars.
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l’histoire des débuts de l’impressionnisme, nous
furent montrées à la galerie Georges Petit (1).
Elles apparaissent comme un lien entre l’école de
1830 et celle de 1880. L’observation de l'atmosphère
etdela lumière confèrent de l’intérêt aux vastes éten-
dues sans accidents pittoresques de ces paysages
de France et de Hollande ; la perception prompte
s’y marque en notes brèves. Ils sont bien, par
là, précurseurs de l’impressionnisme. Pourtant,
comme ils nous semblent encore proches de Corot !
L’artiste s’y dénote occupé de valeurs plutôt que
de couleur, soucieux parfois de mise en page,
ennemi de tout éclat et de toute hâte . il garde, en
peignant le transitoire, la tradition de l’immuable.
Le souvenir des générations qui le suivirent,
ardentes à conquérir le soleil, à arrêter l’effet fu-
gitif, persiste dans la clarté des tons, dans la fac-
ture alerte de M. Lebasque (2). Il dit l’amitié delà
nature pour l’homme, son emprise joyeuse sur la
silhouette en plein air. La lumière la pénètre, la
fait comme diaphane, les arbres la parent du reflet
de leurs feuilles, le soleil harmonise aux parterres
et au ciel les teintes fantasques des robes et des
ombrelles. Ainsi nous captivent, entre autres, la
série de toiles où resplendit l’allégresse des rives
de la Méditerranée et le grand panneau L’Eté :
les fruits, où le juste équilibre des tons prévient
le danger d’inconsistance, parfois frôlé ailleurs.
Enfin, les esquisses pour la décoration du Sous-
Secrétariat des Beaux-Arts montrent que l’artiste
peut assembler des nus en rythmes classiques
sans perdre sa grâce primesautière.
M. d’Espagnat (3), qui s’inléresse plutôt à la
figure isolée et en fixe les attitudes avec bonheur
( Jeune mère mouchant sa fille), tient lui aussi à
l’impressionnisme par la diaprure des couleurs, le
rôle important qu’il donne aux reflets ; il s’en évade
par la recherche d’un dessin plus précis, d’une
construction plus solide.
Ces tendances presque générales au style, que
nous notons encore chez M. Peské (4), chez M. Vin-
cent-Darasse (5), engagent souvent les impression-
nistes à exposer avec des peintres d'intentions
plus austères. Nous trouvions ainsi assemblés pour
le plaisir de nos yeux quelques personnalités no-
toires, MM. Besnard, Henri Martin, Le Sidaner,
Raffaëlli, et avecMM. Cottet, Mesnard,Simon, cha-
cuu fidèle, sans défaillance, à sa manière habi-
tuelle (6). Ailleurs, M. Lebasque, M. Laprade,
M. d’Espagnat joignaient leurs œuvres à celles
des initiateurs du symbolisme: M. Maurice Denis
(Madone et Paysages), M. Paul Sérusier, dont les
études bretonnes, à la fois voulues et sincères, sont
d’un art raffiné. M. Yallotton, avec de curieuses
vues de théâtre, MM. Yaltat, Hermann-Paul lenr
faisaient cortège (7).
Plus grand semble l’écart entre les premiers
symbolistes et ceux qui poussent à l’extrême
leurs théories. Parmi eux rangeons M. Van Don-
gen qui, à la galerie Paul Guillaume (8), suc-
céda à M. Matisse. 11 est proche de celui-ci par sa
doctrine et sa mise en œuvre et encore par des
dons de peintre, par un tempérament vigoureux
(1) 16-31 mars. — (2) Galerie Georges Petit, 2-15
mars. — (3) Galerie l)ruet, 4-15 mars. — (4) Gale-
rie Nunès ctFiquet, 10 mars-10 avril. — (5) Gale-
rie Devambez, 28 février-14 mars. — (6) Galerie
Georges Petit. 8-23 mars. — (7; Galerie Druet, 18-
30 mars. — (8) 17-29 mars.
qui le retient à la matière, tandis que l’abstraction
le sollicite. M. Van Dongen a souvent encouru le
reproche de vulgarité, de perversité; M. Apolli-
naire, en le vantant, cite Baudelaire. Ici, pourtant,
où les sujets de mauvais lieux sont rares, nous
notons des qualités de santé, voire de distinction,
évidentes dans des cavaliers orientaux, une bai-
gneuse, un nu â peine modelé sur fond pâle et
presque classique. Faut-il conclure qu’il y a chez
M. Van Dongen un côté littéraire plutôt qu’intel-
lectuel qu’il lui est loisible de dépouiller sans faire
tort à son talent ?
Rappelons les paysages de M. Verdilhan in-
fluencés par M. Marquet d’une grande délicatesse
de vision (1), les fleurs de MUe Grissey, d’une pâte
ample et d’une couleur harmonieuse (2), celles de
M. Ludvvik Gros, pétries de lumière (3), les œuvres
hésitantes de Mm0 Val (4), les peintures « cubistes »
de MM. Ilensel (5) et A. Hérbin (6).
De personnalité moins tranchée sont les membres
du Salon des femmes peintres et sculpteurs (7),
ceux du Cercle de l’Union artistique (8), où fleurit
comme aux plus beaux jours d’avant-guerre le
portrait d’apparat. Ils semblent moins consulter
leur propre goût que celui du public mondain ou
bourgeois pour lequel ils peignent. M. Filliard
lave avec une grande habileté des fleurs au coloris
chaud (9), et Mme Mathilde Sée s’efforce de
l’imiter (10).
Citons encore les dessins militaires de M. Jean
Droit (11), de M. Jodelet (12), les aquarelles de
Grèce et de Serbie de M. Lobel-Riche (13), l’expo-
sition rétrospective d’Ernest Chevalier, duquel la
galerie Devambez avait réuni des paysages et
des marines (14).
M. Manzana-Pissarro (15) groupait au même
lieu un ensemble d’œuvres récentes. Les qualités
de décorateur dont témoignèrent jadis ses mono-
types et ses peintures se manifestent ici non seule-
ment en des panneauxàl’huileetà la gouache, mais,
selon la logique, en des tapisseries qui ornent les
murs ou les sièges, en des paravents, même en de
menus bibelots. Nous retrouvons les modèles chers
à son inspiration ; les Coqs et poules Faverolles, les
Canards chinois, les Dindons noirs-, des créatures
humaines à demi-animales. Orientales à la peau
sombre, toutes d’indolence sensuelle. L’artiste ré-
clame ainsi de la nature les éléments de ses œu-
vres et il excelle à en fixer le caractère. Puis son
imagination s’en empare. Elle les ordonne en com-
positions équilibrées où les ramages des étoffes, la
mosaïque des feuillages ont un rôle égal à celui du
corps humain. Elle en exalte la somptuosité : les
tons de pierres précieuses voisinent avec l’or et
l’argent qui lustrent les plumages, rehaussent les
draperies, couvrent les fonds ; et voici négresses
ou Arabes, et jusqu'aux moindres figurants de la
basse-cour, qui participent d’un conte d’Oricnt à la
fois barbare et raffiné. On aurait mauvaise grâce à
(1) Galerie Marseille, 18 février-9 mars. — (2
Galerie Bernheim, 7-14 mars. — (3) Galerie Lo-
renceau,15 31 mars. — (4) Galerie Bernheim, 7-14
mars. — (5) Galerie AVeill, en mars. — (6) Galerie
« L’Effort moderne », 1-22 mars. —- (7) Galerie
Brunner, 16 mars-15 avril. ■— (8) 20 mars-20 avril.
— (9) Galerie Georges Petit,1-15 mars. — (10) Gale-
rie Georges Petit, 16-31 mars.—(11) Galerie De-
vambez, 4-20 avril. —- (12) Galerie Georges Petit. —
(13) Galerie Devambez, :8 février-14 mars. — (14)
4-20 avril. — (15) 16 31 mars.