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ET DE EA CURIOSITÉ

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c’est un Degas ingriste et classique qui continue de
se dévoiler à la surprise des amateurs fidèles aux
innombrables croquis prodigués par le vieux confi-
dent narquois des intimités farouches,des danseuses
vulgaires et des jockeys étiques ; c’est le plus fort
dessinateur du siècle dernier, depuis Ingres, et le
plus savamment naturaliste, depuis l’étude la plus
arrêtée jusqu’à l’impression la plus leste. Enfin,
comment et pourquoi celui qui reçut les leçons de
la terre antique, où Delacroix et Fanti-n n’ont jamais
abordé, finit-il par échouer si longtemps dans la
buée du café-concert? Aussi bien, la terre promise
de la Beauté renaissante prend-elle, en ce long
répertoire, l’ironique mélancolie d’un paradis
perdu ! Mais cela, c’est le secret de tout l’art moderne.

Succession de Mme Léo Delibes (1)

N’est-ce pas l’aimable compositeur Léo Delibes et
sa fameuse interprète, Mllc Fiocre, dans le ballet
intitulé La Source, qui, très inconsciemment d’ail-
leurs, en 1866, inspiraient à la poétique jeunesse
d’Edgar Degas une de ses plus savoureuses créations?
Et, par une coïncidence que le hasard seul a pré-
méditée, voici toute une idéale série de Puvis de
Chavannes offerte aujourd’hui par la Vente après
décès de la veuve du musicien.

Pour emprunter le mot de Poussin, c’est une
« délectation » sans seconde, et d’autant plus vive
qu’elle est plus rare, que de rencontrer dans une
vente les œuvres transportables de ce pur décorateur.
On sait que le peintre du Pauvre pêcheur ou de la
fluette Espérance que le Luxembourg acquit pour
63.000 francs à la vente Henri Rouart à la fin de
1912, n’a guère multiplié les tableaux de chevalet.
En voici deux qui nous rappellent avec une élo-
quence plus familière combien ce poète du paysage
et de la forme savait rester lui-même en des dimen-
sions restreintes.

Dans sa blancheur, qu’on dirait soulevée par l’ex-
tase, La Musc inspiratrice (n° 20i) ne rejette pas sa
lyre soi-disant démodée; et le n° 203 n’est pas moins
élyséen, où rêve, sur une gerbe d’épis mûrs, cette
jeune femme drapée de mauve dans l’atmosphère
argentée de la nuit bleue qui s’étoile... Au verso,
cette amusante dédicace, autographe: « A Madame
L. Delibes. Au clair de la lune, par son ami Pierrot».
Même suavité, signature du maître, dans un pastel
d'Orphée et dans cinq dessins au crayon noir: La
Toilette de Thétys, La Grande sœur, une étude poul-
ie groupe central du Ludus prb patria du musée
d’Amiens, deux études de nu.

Loin du bois sacré, la même vente nous signale
un très joli Boucher, L'Art du dessin, tel que le
comprenait une galante époque ; plusieurs Decamps,
dont un blond tableau, Les Bohémiens en voyage,
qui ne passa pas inaperçu le 5 avril 1893 à la vente
de M"'° Denain ; deux petits portraits de Diaz, des
aquarelles d’isabey, d’Eugène Laïni, des dessins de
Prul'hon, de Meissonier, de Détaillé, un paysage
rêvé par Victor llugo, dont la plume ajoute cette
mention dans un coin d’ombre légèrement bistrée;
« V. H. pour mon Chariot, Château du Moine, lie
Saint-Ilonorat, 7 octobre 1839». Parmi de nombreux
objets d’art et d’ameublement, la céramique se dis-
tingue à côté d’une riche boiserie et de beaux bronzes
de l’époque Louis XVI.

(1) Dont la vente aura lieu à l’Hôtel Drouot, les
vendredi 4 et samedi o juillet.

Atelier Gustave Courbet (1)

Serait-ce la faute de sa participation malencon-
treuse aux troubles de son temps? Ou seulement, et
plus profondément, sa mâle et saine verdeur de
« maître-peintre» de musée qui lui donne plus que
jamais l’air d’un ancêtre au milieu des « impres-
sions » trop hâtives d’un nouveau siècle épris de
l’à peu près? Toujours est-il que le centenaire de sa
naissance en pays comtois n’a donné lieu qu’à la
seule cérémonie du retour de ses cendres à Ornans;
mais cette trentaine d’œuvres ou d’études provenant
de son atelier (29 toiles et 2 dessins) sera d’autant
mieux la bienvenue.

Courbet! Ce nom seul, pourtant, ne réveille-fil
pas, dans le silence lourd de l’été luxuriant et dru
comme sa peinture, une longue page de notre his-
toire artistique et sociale? Courbet, c’est la défini-
tion vivante d’un art « essentiellement concret »,
qui ne conçoit rien en dehors de la réalité visible
et pour qui l’imagination créatrice n’a d’autre fonc-
tion que d’extraire le beau de la nature: « Le réa-
lisme est l’antipode de Part », répondai t le lyrique
Eugène Delacroix, à qui cet aveu permettait d’ad-
mirer en toute franchise les hautes* qualités de
l’exécutant. Or, n’est-ce pas la poésie de l’exécution
qui nous captive encore, ici même, en cette antholo-
gie rapide, mais complète, qui commence par la
sombre idylle romantique et provinciale pour finir
avec les plus tendres clartés des soirs alpestres sur
la terre d’exil?

Dans tout réaliste, on retrouve un poète mort
jeune à qui le peintre survit : revoici donc le Courbet
sentimental, écrivant le nom d’une amie sur la rude
écorce du Gros chêne ou dessinant rêveusement pour
illustrer Paul et Virginie'. C’est vers 1845, avant les
songes proudhoniens, le printemps romanesque des
Amants dans la campagne (n° 18), dont là salle Cour-
bet au Petit-Palais, enrichie par la donation d’une
soeur, nous montre seulement les pâles profils exta-
siés. Même date pour le portrait de Justine, amou-
reusement peint par Gustave (n° 24).

Le peintre apparaît plus aguerri dans la série des
portraits de famille (Juliette et Zélie, ses sœurs,
Régis Courbet, son père, le grand-père Oudot, l’ami
Tony Martel), ou dans ces grandes figures encadrées
d’un vaste paysage qui n’est pas encore du « plein
air » {La Dame de Francfort, La Dame en périssoire et
La Source, grand nu de la meilleure époque, qui
parut à la Centennale de 1900) ; et le peintre triom-
phe en cette symphonie des verts, si largement har-
monisée sur la roche grise et dont voici quelques
modestes, mais vigoureux échantillons (La Source du
Lizon, La Cascade d’Hauteville, et Les Chênes).

Gn admirateur de ces verdoyants paysages, qui ne
leur reprochait que de ne pas nous suggérer « le
chant des oiseaux (2) », retrouverait cette belle sève
un peu matérielle dans le décor où respirent La
Bergère ou La Fileuse bretonne, contemporaines des
plus fortes pages du livre de nature (3). Parmi plu-
sieurs études peintes en pleine pâte, n’allons pas
oublier une copie d’après un Rembrandt de la Pina-
cothèque de Munich ; et n’en!endez-vous pas le poète
qui reparle aux dernières heures d’exil, avant le 31

(1) Dont la vente aura lieu galerie Georges Petit,
le mercredi 9 juillet.

(2) Camille Lemonnier, Courbet et son œuvre (au
début des Peintres de la Vie, 1888).

(3) La Remise de chevreuils, du Salon de 1866, au
Louvre, ou La Sieste, au Petit-Palais.
 
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