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LÀ chronique des arts

246

d’automne... U Assiette aux fruits ne paraît pas moins
attrayante dans sa discrétion « chardinesque »

Les fleurs de Renoir ou de Manet sont plus libre-
ment joyeuses et reflélent la claire insouciance de
leur portraitiste; mais les Heurs de Fantin gardent
le secret d’une « physionomie » toute particulière,
qui parle tacitement à l’âme par cela seul qu’elle en
provient. Réaliste exquis, Fantin-Latour était le
musicien de la couleur et le Prud’hon des roses.

Par sa facture à la fois plus hâtive et plus homo-
gène, M. Lebourg est un poète du paysage et se
rattache plus directement, quoique très librement,
à l’évolution désormais terminée de l’impression-
nisme.

Il y a deux façons d’être paysagiste et de regarder
le monde extérieur: avec le regard patient du des-
sinateur qui dégage de la nature la forme immanente
et les contours permanents sous les caprices de l’at-
mosphère; — avec les yeux émerveillés du coloriste
qui s’absorbe en cette capricieuse magie. Or, ces
vingt-sept toiles vaporeusement ensoleillées, qui
jalonnent une longue carrière, nous répètent ce que
nous avait déjà dit la suggestive exposilion faite à
la galerie Georges Petit au début de 1918, en pleine
guerre : que l’harmoniste Albert Lebourg n’a jamais
cessé de préférer la palette de Turner au style de
Poussin. C’est un confident de la neige ou de la
brume et des pâles rayons qui les dorent; et si le
paysage a pu mériter d’être défini « la victoire de
Part moderne (1) », n’est-ce pas par cette constante
et bien significative prépondérance de l’atmosphère
colorée sur la précision du dessin? De ce point de
vue, qui nous apparaît capital dans la tardive évo-
lution d'un gcnre.de peinture, des pages telles qu’un
Effet de neige au pont d’Asnières (n° 27), les Bords de
la Seine aux environs de Rouen (n° 33), PHiver à Nan-
terre, daté de 1892 (n° 42), les Environs de Rotterdam,
daté de 1893 (n°4o), le Bas-Meudon en automne (n° SG),
Gelée blanche à Rondo avilie (n° 51), Le Croisset au
printemps (n°52), sans oublier ces tournants de Seine
a Charenton, où Watteau découvrait le décor de son
Embarquement pour Cythère, nous semblenttouf par-
ticulièrement caractéristiques pour illustrer l’histoire
d’un tempérament de peintre et de son temps.

Sous leur aspect pl us rude, les cinq toiles d’Armand
Guillaumin ne sont pas moins expressives, car elles
nous montrent le peintre de Sannois, de la Creuse ou
de Moret sorti de « l’orage coloré » de ses débuts,
selon le mot de J.-K. Huysmans. Douze peintures et
quatre dessins rattachent pareillement M. Henri
Lebasque paysagiste ou fi gu ris te au récent mouve-
ment de l’impressionnisme ; et la Fillette à lamaudo-
line est encadrée par de poudroyants portraits des
Saisons.. Nommons encore Maufra, MM. Diriks et
Seyssaud et deux aquarelles contemporaines, mais si
différentes, d’Harpignies et de Pissarro.

Collection Hazahd (2)

Depuis la très curieuse vente Goujon, qui compo-
sait, au printemps de 1919, une éphémère anthologie
de la modernité, nous n’avions guère vu de collec-
tion particulière où la liberté lumineuse de l’impres-
sionnisme se trouvât mieux rapprochée des roman-
tiques, ses aînés.

Sur392 numéros catalogués, deux ouvrages anciens
seulement: un petit panneau de l'école flamande

(1) \ . Edmond et Jules de Concourt, La Peinture
à l’Exposition Universelle de 1855.

(2) Dont la vente aura lieu galerie Georges Petit,
les lundi 1er, mardi 2 et mercredi 3 décembre.

primitive, à côté d’une Résurrection, lavis de J.-R.
Tiepolo ; mais, en revanche, — et ce n’est qu’une
première vente, — 19 Corot, 52 Cals, 12 Daumier,
41 Lépine, 23 Guillaumin, 35 Victor Vignon, dans
la peinture; 22 aquarelles de Jongkind; et, parmi
les nombreux dessins, 8 Delacroix, 27 Daumier, 13
Gais, 15 Millet, 18 Théodore Rousseau. L’école mo-
derne est terriblement féconde: à défaut de grands
poèmes définitifs, elle a multiplié les études et les
poésies fugitives : l’avenir qui commence fera son
choix dans l’inépuisable fonds du siècle dernier.

La France romantique, dont il faudra fêter les
grandes dates bientôt centenaires, n’offre guère ici
qu’une esquisse peinte par Delacroix. La Mort de
Sénèque, une autre par Tassaert évoquant Mirabeau,
le 33 juin 1789, pour un concours ouvert en 1831,
auquel prirent part Delacroix et Ghenavard. Une fois
de plus, Corot domine son époque, et ce n’est pas
uniquement par la quantité : Corot peintre de figures
et devancier de Manet par la naïveté spontanée de
la touche lumineuse, avec la Jeune fille au ruban rouge
(-183S); une Rébecca de 1839, dans un paysage néo-
classique qui rappelle le décor de VAgar du Salon
de 1835, revue à la Centennale de 1900 ; un petit nu
posé par Mariella le modèle, qu’on pourrait appeler
l'Odalisque ou, mieux, l'Olympia romaine ; enfin, la
Bohémienne à la mandoline, plus récente et contem-
poraine d’un beau Souvenir des boj'ds du Rhône
(1865) et d’un Abattage d’arbres en forêt, qui mar-
quent la fin d’une radieuse carrière commencée par
les études précises de Fontainebleau.

Non loin de Daumier, le vigoureux peintre issu de
Decamps, c’est un plaisir délicat de retrouver Gais,
non moins bien représenté qu’autrefois dans les
collections du Dr Picard ou du comte Doria: depuis
la Dînette enfantine, refusée au Salon de 1859 par
un jury doctrinaire, et la Vieille couseuse, datée de
1860, jusqu’au Bon père, réduction d’un sujet qui
parut en 1874 à la première exposition des Impres-
sionnistes, et qui précède d’un an la Jeune fille lisant,
c’est une joie mélancolique de suivre ce trop discret,
mais indépendant élève de Léon Gogniet, qui ne
connut d’autre bonheur que celui de peindre.

Au premier rang de ces petits maîtres oubliés,
revoici le fantasque et savant peintre-aquarelliste
Adolphe ilervier (1), qui-procède d’Isabey comme ce
Jongkind, lequel meta son tour son empreinte origi-
nale sur Doudin, sur Jules Héreau, sur Lépine, dont
La Marne à Créteil, Le Vieux Montmartre où se
dresse la maison de Berlioz, et tel Clair de lune au
ciel pommelé (n° 152) ne sauraient nous contredire.
Près de Gourbet et de Daubigny (Villeroilie, 1876),
revoici Bonlard et.Bonvin. Lavieille se réclame plu-
tôt de Gorot, et, dans sa Corrida, Gustave Golin se
souvient de Goya.

Revoici l’admirable Fantin-Latour avec l'Assiette
de fruits, un Bouquet de marguerites et des Roses,
proches parentes de ses nymphes. Manet n’a qu’une
toile, mais qui résume vivement scs innovations : un
petit portrait d'une élégante Parisienne ; et voici
tout l’impressionnisme avec un Sisley de la belle
époque : U Auberge, de 1876 ; un Glaude Monet plus
récent de la «série» des Glaïeuls, Pissarro, Guillau-
min, Renoir, peintre du Pont-Neuf en 1872 comme
le furent üld Grome et Turner, Gauguin, Cézanne,
Gaillcbotte et le charmant Victor Vignon. L’évolu-
tion lumineuse continuesous nos yeux avec MM. Luce,

(1) V. Gazette des Beaux-Arts, année 1896, t. il, où
nous avons donné les dates exactes d’Adolphe Her-
vier, né à Paris en 1818, mort le 18 janvier 1879.
 
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