CRUCIFIX DE LOTHAIRE. PI. XXXII.
227
YI.
APPENDICES DE LA CROIX, ET SON INSCRIPTION.
16. Je n'ai pas l'intention d'entrer dans aucun détail sur les étais qui ont pu ou dû assu-
jettir la croix dans le sol, et qui peuvent servir jusqu'à un certain point à expliquer ou à
excuser l'énumération des divers bois ' mentionnés par les Grecs quand ils parlent du Cal-
vaire. Il s'agit de savoir si la tradition, représentée par les textes et les monuments, a cru
que le corps de Jésus-Christ crucifié reposât sur quelque appui adapté à la tige principale de
la croix, ou seulement sur les clous qui perçaient les mains et les pieds. On peut affirmer,
je pense, que le plus grand nombre des crucifix antérieurs au treizième siècle qui sont par-
venus jusqu'à nous, appuient les pieds de notre Seigneur sur une tablette
àncxgJfcy) que nous appellerons, si l'on veut, escabeau s. Toutefois la gravure sur bois qui
accompagne ce mémoire suffirait à faire juger que cette adjonction n'était point considérée
comme une formule imprescriptible; bien qu'à vrai dire, les plus anciens auteurs ecclésiasti-
ques grecs et latins aient certainement indiqué quelque chose de semblable s. Le témoignage
de S. Irénée surtout^ devait être bien connu dans l'Occident, puisque la version latine de ses
œuvres est fort ancienne et nous en a conservé la plus grande partie (ce passage-là, entre autres)
que les Grecs ont laissé perdre; mais à défaut de ce Père, S. Grégoire de Tours pouvait ap-
prendre cette particularité à nos vieux artistes. Ce dernier écrivain cependant raconte que
de son temps un grand nombre de crucifix n'avaient point l'escabeau ; quoique dans la tige
verticale de la vraie croix on pût encore reconnaître, dit-il s, le point d'insertion où avait été
encastrée cette tablette (qui dès lors n'y était plus jointe ). Quant aux passages des anciens
Pères à ce sujet, ce n'est que fort tard (et pour la première fois, je crois, au temps des chi-
canes protestantes) qu'on a imaginé d'y voir l'indication d'un soutien en manière de siège
qui aurait supporté le poids du supplicié assis ou à cheval (pour ainsi parler) sur cette pièce
i Cf. Grætzer, /. eû., cap. 5.
s Si, dans le crucifix de Lothaire, l'escabeau est présenté
d'une manière un peu louche, il faut l'attribuer aux tâtonne-
ments du vieil artiste en fait de perspective. Ce qui est du reste
assez remarquable dans cette maladresse même, c'est qu'elle
est tout à fait semblable à l'essai hasardé dans l'ivoire de Na-
than (Psautier de Charles-le-Chauve, ci-dessus, planche X),
pour mettre en perspective le banc où s'asseoit le pauvre
caressé par sa brebis. Cf. d'Agincourt, PemfMre^ pi. LXi, n° 1.
s Cf. Justin., Iren., Tertullian., ap. Grætzer, L c.j cap. %.
— Th. Bartholin. De cracù §§ 3 et 4. — Id.
De f%?ere ChWsfi aperce, cap. 9; et Saumaise, ùt h. f. —
Corn. Curt., De ciavts domÛMC., cap. xi. — Etc.
4 Iren., libr. n, 2ù (al. ù2; ed. Massuet, p. 151, sq.) : « Ipse
habitus crucis, fines et summitates habet quinquc : duos in
longitudine et duos in latitudinc et anant m ?ne^:a, m <yao
reqMte-scff a Je reviendrai dans un ins-
tant sur le sens de m medto, qui semble pourtant assez clair.
s Gregor. Turon. De gfor. Marf.., i, 6 (cd. Ruinart, p. 727) :
K Clavorum ergo dominicorum... quod quatuor fuerint hæc
est ratio : duo sunt ahixi in palmis, et duo in plantis. Et quæ-
ritur cur plantæ aiïixæ sint, quæ in cruce sancta dependere
visse sint potius quam stare. Sed in stipite erccto foramen
factum manifestum est, pes quoque parvulæ tabulæ in hoc
foramen insertum est; super hanc vero tabulant, tamquam
stantis hominis, sacræ adfixæ sunt plantæ. a
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YI.
APPENDICES DE LA CROIX, ET SON INSCRIPTION.
16. Je n'ai pas l'intention d'entrer dans aucun détail sur les étais qui ont pu ou dû assu-
jettir la croix dans le sol, et qui peuvent servir jusqu'à un certain point à expliquer ou à
excuser l'énumération des divers bois ' mentionnés par les Grecs quand ils parlent du Cal-
vaire. Il s'agit de savoir si la tradition, représentée par les textes et les monuments, a cru
que le corps de Jésus-Christ crucifié reposât sur quelque appui adapté à la tige principale de
la croix, ou seulement sur les clous qui perçaient les mains et les pieds. On peut affirmer,
je pense, que le plus grand nombre des crucifix antérieurs au treizième siècle qui sont par-
venus jusqu'à nous, appuient les pieds de notre Seigneur sur une tablette
àncxgJfcy) que nous appellerons, si l'on veut, escabeau s. Toutefois la gravure sur bois qui
accompagne ce mémoire suffirait à faire juger que cette adjonction n'était point considérée
comme une formule imprescriptible; bien qu'à vrai dire, les plus anciens auteurs ecclésiasti-
ques grecs et latins aient certainement indiqué quelque chose de semblable s. Le témoignage
de S. Irénée surtout^ devait être bien connu dans l'Occident, puisque la version latine de ses
œuvres est fort ancienne et nous en a conservé la plus grande partie (ce passage-là, entre autres)
que les Grecs ont laissé perdre; mais à défaut de ce Père, S. Grégoire de Tours pouvait ap-
prendre cette particularité à nos vieux artistes. Ce dernier écrivain cependant raconte que
de son temps un grand nombre de crucifix n'avaient point l'escabeau ; quoique dans la tige
verticale de la vraie croix on pût encore reconnaître, dit-il s, le point d'insertion où avait été
encastrée cette tablette (qui dès lors n'y était plus jointe ). Quant aux passages des anciens
Pères à ce sujet, ce n'est que fort tard (et pour la première fois, je crois, au temps des chi-
canes protestantes) qu'on a imaginé d'y voir l'indication d'un soutien en manière de siège
qui aurait supporté le poids du supplicié assis ou à cheval (pour ainsi parler) sur cette pièce
i Cf. Grætzer, /. eû., cap. 5.
s Si, dans le crucifix de Lothaire, l'escabeau est présenté
d'une manière un peu louche, il faut l'attribuer aux tâtonne-
ments du vieil artiste en fait de perspective. Ce qui est du reste
assez remarquable dans cette maladresse même, c'est qu'elle
est tout à fait semblable à l'essai hasardé dans l'ivoire de Na-
than (Psautier de Charles-le-Chauve, ci-dessus, planche X),
pour mettre en perspective le banc où s'asseoit le pauvre
caressé par sa brebis. Cf. d'Agincourt, PemfMre^ pi. LXi, n° 1.
s Cf. Justin., Iren., Tertullian., ap. Grætzer, L c.j cap. %.
— Th. Bartholin. De cracù §§ 3 et 4. — Id.
De f%?ere ChWsfi aperce, cap. 9; et Saumaise, ùt h. f. —
Corn. Curt., De ciavts domÛMC., cap. xi. — Etc.
4 Iren., libr. n, 2ù (al. ù2; ed. Massuet, p. 151, sq.) : « Ipse
habitus crucis, fines et summitates habet quinquc : duos in
longitudine et duos in latitudinc et anant m ?ne^:a, m <yao
reqMte-scff a Je reviendrai dans un ins-
tant sur le sens de m medto, qui semble pourtant assez clair.
s Gregor. Turon. De gfor. Marf.., i, 6 (cd. Ruinart, p. 727) :
K Clavorum ergo dominicorum... quod quatuor fuerint hæc
est ratio : duo sunt ahixi in palmis, et duo in plantis. Et quæ-
ritur cur plantæ aiïixæ sint, quæ in cruce sancta dependere
visse sint potius quam stare. Sed in stipite erccto foramen
factum manifestum est, pes quoque parvulæ tabulæ in hoc
foramen insertum est; super hanc vero tabulant, tamquam
stantis hominis, sacræ adfixæ sunt plantæ. a