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MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE.
de se donner cette même marque de dignité. L'église de Bourges, si je ne me trompe, s'adjugea
la première, bien qu'assez tard, cet attribut soi-disant patriarcal; parceque ses canonistes lui
décernaient la première place après les quatre patriarcats primitifs'. Au dire d'un historien
du Berry, l'église de Sens n'aurait adopté cet insigne que par une espèce d'emprunt fait à la
métropole berrichonne, lors de la translation d'un archevêque de Bourges sur le siège de la
métropole sénonaise. s
Quoi qu'il en soit,, le blason finit par admettre cette double croix comme indication de la
dignité non seulement patriarcale, mais même archiépiscopale; s, et pour ne pas demeurer en
reste, les graveurs imaginèrent comme attribut papal une triple croix qui n'a jamais été vue que
sur les estampes (sauf certains tableaux fort modernes). Car, quant aux papes, ils se con-
tentent à Rome, de temps immémorial \ d'une simple croix comme celles que nous nommons
croù? & pywamhyz (croix stationale); et s'il est une croix triple qui puisse réclamer des anté-
cédents historiques, ce n'est pas celle qu'un symbolisme bâtard a mis en vogue parmi les fai-
seurs d'emblèmes. Il en est une, la seule que je connaisse d'après les monuments, que l'on
rencontre parfois dans les peintures grecques surtout au sommet des édifices ; mais les di-
mensions et les distances relatives des trois croisillons y montrent dès le premier coup d'œil
qu'ils représentent l'un (l'inférieur) l'escabeau, l'autre (celui du milieu) les proprement
dits, et le troisième l'inscription s. Pour ce qui est des trois traverses fort rapprochées l'une
de l'autre, et décroissant progressivement de longueur depuis la plus basse jusqu'à la plus
élevée, c'est chose qui ne peut se justifier ni par les monuments, ni par la liturgie, ni même
par un usage suffisamment ancien pour prescrire à défaut d'autres raisons.
VIL
JÉSUS-CHRIST SUR LA CROIX : SA STATURE ET SON ATTITUDE.
19. A la manière dont notre Seigneur est représenté généralement dans les crucifix
des hautes époques, il est visible qu'on lui supposait une taille assez élevée. C'est aussi ce
i SU ne s'agissait que du droit primatial de Bourges sur les
Aquitaines, il paraît très bien fondé ; quant au reste, je ne
m'en fais point du tout le garant. Cf. Thaumas de la Tliau-
massière, de Berry, livr. iv, chap. 1, 2 (p. 273, sv.).
— Chasseneux, Cafa/oy. ylor. P. iv, cons. 21.
^ La Thaumassière, C Cîf., ch. 97 (p. 133); il parle de
Rcgnaud de Beaune, nommé à Sens en 1602.
3 On pourra bien imaginer d'attribuer au titre de légat du
Saint-Siège la double croix qui se montre sur les monnaies des
rois de Hongrie ; mais comme elle n'y paraît guère avant le
quatorzième siècle, il est assez probable que c'est là une im-
portation sicilienne due à la maison angevine de Naples. Ceci
soit dit à mes risques et périls, et sans préjudice des faits al-
légués dans un autre mémoire de ce recueil (ci-dessus, p. 116) ;
où je dois, du reste, faire observer que l'expression crofæ à
branches désignait tout simplement une croix stationale
(croix de procession). Dans le langage de l'auteur, la croix
soi-disant pafzuarca/e eût été une croix à cinq branches ; et
pour désigner la prétendue C7wa? papaû? des artistes mo-
dernes, il eût fallu la nommer croix à sept branches. C'est
simple alfaire de nomenclature, causée par le peu de fixité du
langage archéologique.
4 Cf. Luc. Tudens., L (p. 223).
s Cf. Schioppalalba, w peraMfûytiam faûafaTTt yrz5ca7n^
MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE.
de se donner cette même marque de dignité. L'église de Bourges, si je ne me trompe, s'adjugea
la première, bien qu'assez tard, cet attribut soi-disant patriarcal; parceque ses canonistes lui
décernaient la première place après les quatre patriarcats primitifs'. Au dire d'un historien
du Berry, l'église de Sens n'aurait adopté cet insigne que par une espèce d'emprunt fait à la
métropole berrichonne, lors de la translation d'un archevêque de Bourges sur le siège de la
métropole sénonaise. s
Quoi qu'il en soit,, le blason finit par admettre cette double croix comme indication de la
dignité non seulement patriarcale, mais même archiépiscopale; s, et pour ne pas demeurer en
reste, les graveurs imaginèrent comme attribut papal une triple croix qui n'a jamais été vue que
sur les estampes (sauf certains tableaux fort modernes). Car, quant aux papes, ils se con-
tentent à Rome, de temps immémorial \ d'une simple croix comme celles que nous nommons
croù? & pywamhyz (croix stationale); et s'il est une croix triple qui puisse réclamer des anté-
cédents historiques, ce n'est pas celle qu'un symbolisme bâtard a mis en vogue parmi les fai-
seurs d'emblèmes. Il en est une, la seule que je connaisse d'après les monuments, que l'on
rencontre parfois dans les peintures grecques surtout au sommet des édifices ; mais les di-
mensions et les distances relatives des trois croisillons y montrent dès le premier coup d'œil
qu'ils représentent l'un (l'inférieur) l'escabeau, l'autre (celui du milieu) les proprement
dits, et le troisième l'inscription s. Pour ce qui est des trois traverses fort rapprochées l'une
de l'autre, et décroissant progressivement de longueur depuis la plus basse jusqu'à la plus
élevée, c'est chose qui ne peut se justifier ni par les monuments, ni par la liturgie, ni même
par un usage suffisamment ancien pour prescrire à défaut d'autres raisons.
VIL
JÉSUS-CHRIST SUR LA CROIX : SA STATURE ET SON ATTITUDE.
19. A la manière dont notre Seigneur est représenté généralement dans les crucifix
des hautes époques, il est visible qu'on lui supposait une taille assez élevée. C'est aussi ce
i SU ne s'agissait que du droit primatial de Bourges sur les
Aquitaines, il paraît très bien fondé ; quant au reste, je ne
m'en fais point du tout le garant. Cf. Thaumas de la Tliau-
massière, de Berry, livr. iv, chap. 1, 2 (p. 273, sv.).
— Chasseneux, Cafa/oy. ylor. P. iv, cons. 21.
^ La Thaumassière, C Cîf., ch. 97 (p. 133); il parle de
Rcgnaud de Beaune, nommé à Sens en 1602.
3 On pourra bien imaginer d'attribuer au titre de légat du
Saint-Siège la double croix qui se montre sur les monnaies des
rois de Hongrie ; mais comme elle n'y paraît guère avant le
quatorzième siècle, il est assez probable que c'est là une im-
portation sicilienne due à la maison angevine de Naples. Ceci
soit dit à mes risques et périls, et sans préjudice des faits al-
légués dans un autre mémoire de ce recueil (ci-dessus, p. 116) ;
où je dois, du reste, faire observer que l'expression crofæ à
branches désignait tout simplement une croix stationale
(croix de procession). Dans le langage de l'auteur, la croix
soi-disant pafzuarca/e eût été une croix à cinq branches ; et
pour désigner la prétendue C7wa? papaû? des artistes mo-
dernes, il eût fallu la nommer croix à sept branches. C'est
simple alfaire de nomenclature, causée par le peu de fixité du
langage archéologique.
4 Cf. Luc. Tudens., L (p. 223).
s Cf. Schioppalalba, w peraMfûytiam faûafaTTt yrz5ca7n^