CALLIGRAPHIE AU MOYEN AGE.
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remberg (par De Murr), etc.; et dans le ÆaHMr/ & publié par M. N. de Wailly
sous Louis-Philippe L
Ce luxe de copie, si naturel à un écrivain qui allège ainsi son fastidieux travail en se
plaisant à l'embellir, avait fait irruption dès i origine dans les monastères; puisqu'un abbé
des premiers siècles de la vie cénobitique craignait déjà de voir attacher ainsi plus d'im-
portance aux accessoires qu'au fond, et qu'il ne se glissât dans cette complaisance des
pour leur ouvrage, quelque sentiment de vaine gloire*. Saint Jérôme, dont le génie
ardent condamne si souvent l'abus dans des termes où l'on croirait lire la censure de l'usag'e
même légitime, se plaignait aussi du luxe des manuscrits au iv" siècle y voyant plus d'af-
fection pour le matériel, que d'amour pour le sens pratique des Saintes Écritures. Plus tard
encore, la rivalité des Cisterciens et des Clunistes inspirant aux premiers le même excès de
zèle*, les disciples de saint Bernard blâmèrent aussi amèrement la recherche des manuscrits
de Cluny. Mais des hommes, du reste, non moins austères, ne partagèrent point la sévérité
de ces rudes censeurs. Saint Ephrem, cité par Mabillon^, loue au contraire les solitaires du
iv° siècle qui écrivaient en or ou en argent, sur des peaux teintes de pourpre ; et ce luxe fut
considéré plus tard comme de rigueur pour les copies de l'Écriture sainte, ou pour les
livres destinés au service de 1 Égalise. En sorte que nous voyons saint Meinwerk, évêque de
Paderborn (xi" siècle), un des plus grands artistes du moyen âge, prendre en ce point pré-
cisément le contre-pied de saint Bernard et de saint Jérôme; si bien qu'il Ht jeter au feu
le missel de son hôte, saint Heimrad, ne trouvant pas que ce livre fût digne de figurer
dans l'office divinL Lingardl, et le ÆomraM cù'p/owdfiyMr, parlent d'une copie des
quatre évangiles commandée par saint Wilfrid (vif siècle), et exécutée en lettres d'or sur
fond de pourpre. Le saint, qui destinait ce livre à l'église de Ripon, le fit enfermer dans une
cassette d'or garnie de pierres précieuses ; et, comme nous le verrons plus tard (s'il plaît à
Dieu), ce n'est là qu'un exemple, entre mille, de la magnificence généralement employée
au moyen âge pour les livres liturgiques.
Cluny, la Chartreuse et les Camaldules ne croyaient pas faire acte de coquetterie blâma-
ble en embellissant les livres saints dans une solitude si profonde. On peut en juger sur des
1. Jansen (Essai sar l'orâylHe de 2a gravure) parle de la
calligraphie dans son second volume ; et M. H. Langlois a
consacré à ce sujet un petit mémoire curieux. L'ouvrage
intitulé nbyen âge et Renaissance renferme aussi bien des
renseignements utiles en ce genre. Mais M. le comte Au-
guste de Bastard avait commencé à réunir une collection
splendide qui n'a pu aboutir par suite de nos révolutions.
Plusieurs publications récentes de M. L. Curmer renfer-
ment des reproductions de livres fort peu connus jusqu'à
lui, mais dignes d'être étudiés.
Ee Catalogue des mss. Slavo-Russes de 2a MMIotAégue du
comte Tolstoï (publié en russe par Kalaidovitsch et P. Stroieff
à Moscou et à Pétersbourg, en 1823) renferme des planches
paléographiques du xi' siècle au xvm°. C'est du reste une
région que je ne me propose point d'explorer.
2. Régula Isaiæ abbatis, cap. xxm : « Si feceris librum, ne
exornes ilium, hoc quippe affectum tuum ostendit; x ap.
Mabillon, Études monast-, c. vi.
3. Hieronym. Æp. 22 ad ÆastocAÎMm. << Inficiuntur mem-
« branæ colore purpureo, aurum liquescit in litteras :
« gemmis codices vestiuntur, et nudus ante fores Chris-
<t tus emoritur. « Item, Præfat. iu Joè.
S. Chrysostome, vers la même époque, se plaignait (In
Joann. homil. xxxu; ed. Montfaucon, t. VIH, p. 188) de
voir les livres devenus objet de coquetterie bien plus que
de lecture. Le saint homme en savait plus que nous sur les
véritables intentions de ses contemporains; mais avait-il
prévu que ce luxe même ne nuirait pas à la conservation
de maints textes vénérables qui ne sont arrivés peut-être
jusqu'à nos jours que grâce aux peintures dont ils étaient
embellis ?
4. Martène, TAesaurus, t. V, col. 1383.
5. Etudes mouast., c. xv.
6. S. Heimrad n'en fut point quitte pour si peu, grâce au
zèle de l'impératrice sainte Cunégunde qui voulût enchérir
sur celui de l'évêque. « Sibi libros in quibus cantaverat
« (ReûnradMs) deferri mandavit (Afetuvercas). Quos incomp-
« tos et neglectos, et nullius ponderis aut pretii aspiciens,
« eodem momento in ignem projici fecit : eumque jussu
« reginæ, episcopi justo zelo ut videbatur compatientis,
h verberibus cædi præcepit. x Vita S. Meinverci (ap. Leib-
nitz, Script. R. Brunsvlc, t. I,) §. 18.
7. Ling. Awtlg. of tAe AMgdo-saæou cAureA, c. iv. — N.
Traité de Dipl., 1.11.
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remberg (par De Murr), etc.; et dans le ÆaHMr/ & publié par M. N. de Wailly
sous Louis-Philippe L
Ce luxe de copie, si naturel à un écrivain qui allège ainsi son fastidieux travail en se
plaisant à l'embellir, avait fait irruption dès i origine dans les monastères; puisqu'un abbé
des premiers siècles de la vie cénobitique craignait déjà de voir attacher ainsi plus d'im-
portance aux accessoires qu'au fond, et qu'il ne se glissât dans cette complaisance des
pour leur ouvrage, quelque sentiment de vaine gloire*. Saint Jérôme, dont le génie
ardent condamne si souvent l'abus dans des termes où l'on croirait lire la censure de l'usag'e
même légitime, se plaignait aussi du luxe des manuscrits au iv" siècle y voyant plus d'af-
fection pour le matériel, que d'amour pour le sens pratique des Saintes Écritures. Plus tard
encore, la rivalité des Cisterciens et des Clunistes inspirant aux premiers le même excès de
zèle*, les disciples de saint Bernard blâmèrent aussi amèrement la recherche des manuscrits
de Cluny. Mais des hommes, du reste, non moins austères, ne partagèrent point la sévérité
de ces rudes censeurs. Saint Ephrem, cité par Mabillon^, loue au contraire les solitaires du
iv° siècle qui écrivaient en or ou en argent, sur des peaux teintes de pourpre ; et ce luxe fut
considéré plus tard comme de rigueur pour les copies de l'Écriture sainte, ou pour les
livres destinés au service de 1 Égalise. En sorte que nous voyons saint Meinwerk, évêque de
Paderborn (xi" siècle), un des plus grands artistes du moyen âge, prendre en ce point pré-
cisément le contre-pied de saint Bernard et de saint Jérôme; si bien qu'il Ht jeter au feu
le missel de son hôte, saint Heimrad, ne trouvant pas que ce livre fût digne de figurer
dans l'office divinL Lingardl, et le ÆomraM cù'p/owdfiyMr, parlent d'une copie des
quatre évangiles commandée par saint Wilfrid (vif siècle), et exécutée en lettres d'or sur
fond de pourpre. Le saint, qui destinait ce livre à l'église de Ripon, le fit enfermer dans une
cassette d'or garnie de pierres précieuses ; et, comme nous le verrons plus tard (s'il plaît à
Dieu), ce n'est là qu'un exemple, entre mille, de la magnificence généralement employée
au moyen âge pour les livres liturgiques.
Cluny, la Chartreuse et les Camaldules ne croyaient pas faire acte de coquetterie blâma-
ble en embellissant les livres saints dans une solitude si profonde. On peut en juger sur des
1. Jansen (Essai sar l'orâylHe de 2a gravure) parle de la
calligraphie dans son second volume ; et M. H. Langlois a
consacré à ce sujet un petit mémoire curieux. L'ouvrage
intitulé nbyen âge et Renaissance renferme aussi bien des
renseignements utiles en ce genre. Mais M. le comte Au-
guste de Bastard avait commencé à réunir une collection
splendide qui n'a pu aboutir par suite de nos révolutions.
Plusieurs publications récentes de M. L. Curmer renfer-
ment des reproductions de livres fort peu connus jusqu'à
lui, mais dignes d'être étudiés.
Ee Catalogue des mss. Slavo-Russes de 2a MMIotAégue du
comte Tolstoï (publié en russe par Kalaidovitsch et P. Stroieff
à Moscou et à Pétersbourg, en 1823) renferme des planches
paléographiques du xi' siècle au xvm°. C'est du reste une
région que je ne me propose point d'explorer.
2. Régula Isaiæ abbatis, cap. xxm : « Si feceris librum, ne
exornes ilium, hoc quippe affectum tuum ostendit; x ap.
Mabillon, Études monast-, c. vi.
3. Hieronym. Æp. 22 ad ÆastocAÎMm. << Inficiuntur mem-
« branæ colore purpureo, aurum liquescit in litteras :
« gemmis codices vestiuntur, et nudus ante fores Chris-
<t tus emoritur. « Item, Præfat. iu Joè.
S. Chrysostome, vers la même époque, se plaignait (In
Joann. homil. xxxu; ed. Montfaucon, t. VIH, p. 188) de
voir les livres devenus objet de coquetterie bien plus que
de lecture. Le saint homme en savait plus que nous sur les
véritables intentions de ses contemporains; mais avait-il
prévu que ce luxe même ne nuirait pas à la conservation
de maints textes vénérables qui ne sont arrivés peut-être
jusqu'à nos jours que grâce aux peintures dont ils étaient
embellis ?
4. Martène, TAesaurus, t. V, col. 1383.
5. Etudes mouast., c. xv.
6. S. Heimrad n'en fut point quitte pour si peu, grâce au
zèle de l'impératrice sainte Cunégunde qui voulût enchérir
sur celui de l'évêque. « Sibi libros in quibus cantaverat
« (ReûnradMs) deferri mandavit (Afetuvercas). Quos incomp-
« tos et neglectos, et nullius ponderis aut pretii aspiciens,
« eodem momento in ignem projici fecit : eumque jussu
« reginæ, episcopi justo zelo ut videbatur compatientis,
h verberibus cædi præcepit. x Vita S. Meinverci (ap. Leib-
nitz, Script. R. Brunsvlc, t. I,) §. 18.
7. Ling. Awtlg. of tAe AMgdo-saæou cAureA, c. iv. — N.
Traité de Dipl., 1.11.