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Le charivari — 11.1842

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Octobre (No. 274-304)
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ME CHABXVABI.

Bref, les environs du Louvre et du Carrousel sonl
l'Arabie-Heureuse ; le Carrousel et le Louvre sont l'Ara-
bie-Pétrée. Malheureusement il y a trop d'endroits où
la capitale est ainsi enpétrée.

Pourquoi celte différence?... Eh ! mon Dieu, je vous
l'ai fait pressentir : c'est pour cause de Liste-civile. En
d'autres termes, ce qui est propre, élégaut et soigné, est
entretenu aux trais de la ville; ce qui est dégoût;
horrible et abandonné, devrait être entretenu aux frais
de la Liste-civile... Comprenez-vous?

L'administration de la ville de Paris a de l'activité et
du soin, il fautle reconnaître à lalouangede qui de droit
voire de M. de Rambuteau, que nous avons assez à atta-
quer sous d'autres rapports. Il y a du gâchis dans nos rues
et des embarras sans nombre ; mais ce n'est point parce
qu'on néglige de réparer, c'est au contraire parce qu'on
répare trop. Malheureusement la Liste-civile craint de dé-
bourser de l'argent, autant qu'un matou de recevoir de
l'eau. Voilà pourquoi sous la belle colonnade , chef-
d'œuvre de Perrault, le Louvre conserve une ignoble
grille de bois pourri, qui tombe en lambeaux ; voila
pourquoi la cour des quatre façades ressemble à une
cour des miracles; voilà pourquoi, sur le Carrousel, aux
petits gaminsqui balayent un chemin praticable,en faisant
payer un sou aux passans, il faudra bientôt adjoindre
de jeunes pontonniers abaissant un pont-levis sur les
précipices, et des mariniers en herbe offrant une barque
pour traverser les marécages.

L'impraticabilité (pardon du mot) est arrivée au point
que, chose inouïe et qu'on ne pourra pas croire, l'admi
nislration du pont des Saint-Pères, qui voyait diminuer
ses recettes par suite du mauvais état de la place du Car-
rousel, a été obligée de demander l'autorisation d'y pa-
ver un chemin à ses frais. Quel coup de pavé pour la Lis-
te-civile !

Sérieusement, n'est-ce pas une honte que, tandis qu'on
dépense tant d'argent et tant de soins pour nettoyer et
embellir la ville, l'incurie de M. de Montalivet (ou de
toute autre administrateur, nous n'y tenons pas) laisse
les parties les plus fréquentées et qui avoisinent nos plus
beaux édifices, dans un si p toyable état de dégradation ?
Que doivent penser de nous les étrangers en voyant
tant de malpropreté et de ruines devant tant de magni-
ficence et de grandeur? La grande ville, ainsi faite, res-
semble à ces femmes équivoques qu'on voit en grande
toilette avec des bas sales et des soulieri crottés.

La Liste-civile objectera qu'elle ne mérite pas ces ac-
cusations de parcimonie puisqu'elle a fait bénévole-
ment Versailles. Avoir fait Versailles est bien , sauf
l'exécution; mais il serait mieux ^encore de paver le
Carrousel et d'arranger la cour du Louvre. Il était plus
pressé pour la Liste-civile, toute grande dame qu'elle
est, de se laver les mains et de faire cirer ses brodequins
que d'ajouter une fleur à son bonnet.

On sait que le ministère a toujours fait grand bruit de
la vivacité et de l'inconvenance des attaques que, selon
lui, se permet la presse opposante. Nous demandons si
jamais journal de l'opposition aurait osé publier une dia-
tribe semblable à celle qui suit, dont nn journal dévoué
vient de se faire l'éditeur, pour punir une viile d'un choix
radical.

« Pour qui a seulement passé par le bourg de Brionne,
il est toutnaturel de penser qu'un député de l'opposition
dite avancée peut seul sortir de l'élection de cet horrible
lieu.

» Brionne, au physique comme au moral, n'est pas un

meessamment dans les cabarets, que nourrit le mauvais
avocat, le mauvais médecin d'alentour. C'est un bourg
cabécien; c'est le digne temple du vertueux brutal qui
y prononce son oracle. Nulle part l'ignorance n'est plus
profonde, le mauvais vouloir plus invétéré, l'envie plus
violente et plus rancuneuse.

» M. Legendre est le député sorti de cette urne fan
geuse ; M. Legendre, que l'industrieux et agricole Pont
Audemer a repoussé ! »

Brionne n'est ainsi traité de bourg infâme que parce
que c'est un bourg indépendant. Il serait un bourg ad-
mirable et aussi propre qu'honnête, s'il devenait un bourg
pourri.

Seeond-Théâtre-Françalg.

bourg, c'est un antre. Au milieu de la plus fertile contrée,
au débouché de l'antique forêt normande, forêt célèbre
aussi par ses voleurs., on tombe sur un amas de maisons
ignobles, d'une construction bizarre et barbare.

» Dans des rues étroites, infectes et tortueuses, et au
milieu de figures inouïes, on sent mauvais partout dans
ce cloaque ; il y a quelque chose d'impur, de hargneux,
répandu sur le personnel et le matériel de cette popula-
tion exceptionnnelle.

» Vous passeriez plutôt la nuit dans la forêt voisine.,
voyageur attardé., que de consentir a reposer sous un des
toits noirs et écrasés de cet amas grossier de sales habi-
tations.

» Les habitudes repondent à, cette physionomie. Ce ne
sont qu'injures, ivrognerie, disputes et batailles.

» Là, le mauvais commis-voyageur en eau-de-vie trône

L'Héritage du Mal, drame en quatre acte et en vers,
par feu Camille Bernay.

Le Second-Théâtre-Français a rouvert hier ses portes
Aussitôt poètes et critiques d'accourir. Nous ne parlons
pas des étudians' qui sont en vacances : ils avaient cédé
leurs places à, une jeunesse toute aussi nombreuse et
bruyante qu'elle aurait pu l'être six mois plus tôt ou plus
tard. A l'aspect de cette foule impatiente, nos souvenirs
se sont reportés involontairement sur une autre première
représentation donnée il y a cinq ans environ, et a la
quelle nous assistâmes dans la loge même de l'auteur
Nous le vîmes ce jour-là, pour la première et dernière
fois. C'était un jeune homme blond, fatigué, nerveux
L'accès de fièvre que lui donnait cette heure d'angoisse
d'espérance et de terreur, qui avait enfin sonné pour lui
animait ses joues et faisait frémir sa voix. Il ne pouvait
tenir en place et nous quitta bientôt pour aller dans les
coulisses porter un peu de la flamme électrique qui le
tourmentait aux interprètes de son œuvre chérie.

Puis, à la fin, lorsque la chance du combat eut défini
tivement tourné en sa faveur, lorsque Monrose, qui pro
tégeait le jeune auteur et son premier drame, eut dé
ployé, pour le faire réussir, toute l'activité, toute la ver-
ve, tout le feu de son talent, nous vîmes revenir le
triomphateur épuisé, haletant, se soutenant à peine et ne
répondant que par un sourire de bonheur aux félicita
tions de ses amis et aux nôtres.

La pièce que l'on jouait ce soir-là aux Français était le
Ménestrel, et le front qu'entourait l'auréole de ce pre-
mier succès était celui de Camille Bernay.

Hier, nous écoutions encore des vers de Bernay récités
par Monrose ; seulement c'étaient des vers posthumes et
Monrose fils au lieu de Monrose père. Le poète était mort,
empoisonné, dit-on, par un remède trop énergique. L'ac-
teur, frappé dans ses affections de famille, a quitté la
scène où sa mémoire a faibli; l'égarement de ses yeux,
sa physionomie convulsée, sa douloureuse gaîté, rappe
lant sans cesse le mal contre lequel il luttait, donnait le
spectacle le plus triste et le plus pénible que nous ayons
contemplé depuis longtemps.

Comme pour compléter ce rapprochement auquel nous
ne pouvions nous soustraire, l'œuvre elle-même avait
changé de nature. La première pièce de Bernay, — celle
dont nous venons de donner le titre, — était une comédie
plus que vive, où je ne sais quelle donnée historique, fort
cavalièrement traitée, encadrait mille détails scabreux
mille équivoques hasardés; l'amour, — si tant est qu'on
put donner ce nom au sentiment dont il était question,—
l'amour s'y montrait leste et badin avec des allures tout-
à-fait voltairiennes, un gouverneur débauché, une
bourgeoise plus madrée que la femme à Sganarelle, une
grande dame très disposée à faire l'éducation d'un jeune
homme; ce dernier assez peu soucieux de cette noble
conquête pour envoyer un remplaçant au rendez-vous
qu'il avait accepté; et ce remplaçant (le Ménestrel) me-
nant son rôle aussi loin qu'il pouvait aller, tels sont les
vagues souvenirs que nous avons gardé de cette frivole
comédie. Nous nous rappelons aussi que la versification
en était remarquable par une certaine grâce nonchalante,
heureusement renouvelée de Molière et de Regnard. A
part quelques néologismes bien pardonnables à l'âge du
poète, on eut dit un centon patiemment extrait de leurs
ouvrages.

Hier au contraire, l'interprétation la plus sombre; les
conceptions les plus exagérées du fatalisme tragique. Ce
n'est plus Molière et Regnard qui ont tenté la fantaisie
mobile de notre jeune homme. Il semhle que,pressentant
une fin précoce, il se soit tressé à lui-même une couron-
ne funèbre ; son drame exhale l'odeur des cimetières, le
glas mélancolique y tinte dès le premier acte. De solen-
nelles funérailles le traversent au second ; et ce qui jure
d'une manière terrible avec le ton sarcastique et moqueur,
l'excessive liberté, l'indifférence morale qui caractérisaient
la première œuvre, la seconde porte écrit sur toutes ses
faces les noms de damnation et de damné. Quel est ce

caprice? Que signifie cette variation si brusque et
complète ?

Nous sommes en Ecosse, au moyen-âge, disent les cos-
tumes : chez un laird puissant, à n'en juger que par son
feu et ses trophées d'armes. Uu grand remords pèîe sur
lui, sur ce vieillard vénéré de tous. Jadis, dans un mo-
ment de folie ambitieuse, égaré d'ailleurs par les mauvais
conseils d'un traître, il assassina son frère aîné. Ce n'est
pas tout ; pour détourner de lui les soupçons, il accusa
du meurtre le fils même de la victime. Raoul, — c'était
le nom de cet infortuné neveu, — fut contraint de se dé-
rober par la fuite aux conséquences de l'arrêt injuste qui
le déclarait parricide. Mais après quelque années d'exil
apprenant qu'il était menacé dans son honneur d'époux
par les assiduités de Fergus, son cousin-germain, auprès
de sa femmeEdma, il revînt secrètement sur les domaines
héréditaires dont on l'avait dépouillé.

Les choses en sont à ce point lorsque s'ouvre le drame
nouveau. Donald qui avait été l'instigateur de l'assassinat
commis par le père de Fergus cherche à tirer parti de
l'ascendant qu'il doit au crime resté secret, et comme le
vieux laird résiste avec emportement à ses avides obses-
sions, ce misérable évoque sans ménagement autour de
lui les cruels fantômes du fratricide. Le délire s'empare
du malheureux vieillard qui laisse échapper devant son
lils l'horrible aveu du forfait qui charge sa conscience et
flétrit son nom. Puis il meurt, lui laissant cet écrasant
héritage du mal qui donne son nom à la pièce.

Tout ce qui suit fournit à l'analyse une seule situa-
tion essentielle, laquelle se résume ainsi. Las d'exil et de
déshonneur, Raoul, qui sait que Fergus connaît le véri-
table auteur du meurtre, veut à toute force purger sa
contumace devant ce juge nouveau. Fergus, en revanche
placé entre la nécessité de consommer à bon escient une
abominable injustice ou de révéler le fatal secret qui fié-
rirait le mémoire de son père, se débat pour échapper à
ces violentes extrémités. Donald, son mauvais génie,
complique la situation en faisant arrêter Raoul au mo-
ment où celui-ci tirait l'épée contre le chef du clan. Le
jugement que l'exilé réclamait semble devenir inévita-
ble, et Fergus fait un premier pas dans la voie du mal en
laissant plonger Raoul au fond d'un cachot. Mais la voix
de la vertueuse Edma le rappelle bientôt à de meilleurs
sentimens, et, de concert avec elle, il fait enlever
Raoul, endormi par un narcotique puissant. Cette éva-
sion du prisonnier, consommée à son corps défendant,
met le juge bien à l'aise, et il va prononcer sans remords
une sentence qu'il sait ne devoir pas être exécutée, lors-
que Raoul, échappant à son escorte et trompant la ten-
dresse d'Edma, revient se placer en face du tribunal pré-
sidé par son cousin. Il met comme on voit à être jugé le
même entêtement que le Philocleon d'Aristophane, ou le
Dandin de Racine à juger les autres.

En cette extrémité, Donald, fidèle a son rôle d'âme
damnée, propose à Fergus de faire disparaître une bonne
fois pour toutes l'embarrassant accusé. Cette offre crimi-
nelle alarme la conscience déjà bourrelée du jeune chef
en lui monlrant le but sanglant vers lequel il s'est déjà
laissé entraîner ; uu paroxisme de fureur bouleverse tout
à coup en la ramenant au bien cette âme tourmentée par
une tempête de sentimens contradictoires. Fergus plonge
sa claymore dans la poitrine du traître Donald, s'empoi-
sonne ensuite, et, déchirant l'arrêt qui vient d'être ren-
du contre Raoul, se déclare, — mensonge sublime, —
l'auteur du meurtre commis par son père.

Ou peut en juger, même sur cette rapide esquisse,
'est bien là une tentative de jeune homme, noble et
hardie dans son but, faible, exagérée, illogique dans ses
moyens. La distribution des scènes et le style lui-même
portent aussi le cachet de l'inexpérience et de l'irréflexion.
Le goût encore peu formé du jeune poète nej l'avait pas
averti que les licences autorisées par le vers familier de
la comédie ne sont pas de mise dans les couplets sonores
et nombreux que demande le drame sérieux. Égaré par
les succès illégitimes de quelques novateurs, il avait eu
le tort de leur emprunter cette négligence déplorable qui
multiplie dans leurs vers les mots parasites, les chevilles,
les césures irrégulières, etc.

Mais à quoi bon prolonger ces remarques ; le public
les a faites comme nous, et, quant à Bernay, il n'est plus
là pour profiter, s'il y avait lieu, de nos bienveillans
conseils: Aussi constaterons-nous, sans rien ajouter de
plus, que plusieurs beaux vers, trouvés çà et là au cou-
rant d'une improvisation qui a dû être rapide, ont sou-
levé d'unanimes bravos. La pièce elle-même a été écou-
tée d'un bout à l'autre sans le moindre symptôme défa-
vorable.

Il faut rendre cette justice aux acteurs qu'ils ont li-
vré de leur mieux cette bataille. On voyait à leur ardeur
qu'ils se sentaient sur un terrain difficile, et qu'ils riva-
lisaient de zèle pour compenser ce désavantage. Un in-
(La suite à la 4e page.)

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