Le charivari (11.1842)

SAMEDI Jf .J A N VIF H 184 2

ONZIEME ANNEE N° Ier

.1 ANVIER.—SIGNE DU FACTEUR.

Ainsi nommé

•nuse de la publication des lettres attribuées
à Louis-Philippe.)

Un scandile me pèse encor: c'est une lettre
Qu'entre tes mains, public, on m'a dit de remettre.
Cette ignoble lecture a soulevé partout,
A l'honneur du pays, la honte et le dégoût.
Le Parqùet, pour s'y reconnaître,

Durant trois jours s'est recueilli ;

Puis il a fait saisir, et, bien qu'en fait de lettre,
Cela- ne pouvant faire un pli.

« La signature est simulée, »

A crié la cour désolée.

On a peu chicané sa dénégation,

Car ces comédiens de faux libéralisme
Qui, lors de l'insurrection,

Ont si longtemps devant la nation

Simulé le patriotisme,

Doivent s'entendre en simulation.

Par un grand drame de Gozlan
•le devais illustrer les premiers soirs de l'an.

Avec talent l'auteur avait su mettre en scène
Le bizarre destin du mari d'une reine....

Mais un pareil sujet ne peut-il pas, ô ciel !

Troubler en Angleterre une lune de miel?

La Censure en deux nois à son aise a pu mordre
Sur les détails du drame avec soin épluché.

Pourtant au dernier jour l'ouvrage est empêché.
Au « relâche par orilre » à l'instant affiché
Le public fit un trait.... On lut : « ... Lâche par ordre! »

(Ainsi nommé à cause du vote de la loi qui a mis la truelle en
main aux constructeurs de bastilles.)

Aux bons Parisiens, j'ai donné des bastilles ;
« La guerre est proche », ont dit les députés félons ;
« Entourez vos enfans, vos trésors, vos familles,

» D'une barrière de moellons. »

Ils voulaient de Paris prévenir la colère,

Pratiquer l'injustice avec impunité ;

Ils ont fait une cage au lion populaire ;

Le grand Paris est garrotté!

Pour asseoir sur le sol ces murailles traîtresses :
On a choisi des jours où le soleil pâlit.

Le brumeux février bâtit des forteresses ;

L'ardent juillet les démolit.

Lamennais en prison ! .. Gémis, humanité !
Mais que son âme à lui soit calme et consolée!
Depuis le Christ, Socrate et Galilée,
Le cachot a toujours été
Le, Garni de la Vérité.

De T-uénos-Ayres le traité
Sous mou règne a reçu sa sotte signature ;
Deux jours après un notaire a sauté.

Ainsi j'ai vu, par aventure,

Presqu'â 1. fois monsieur Lehon
Et l'honneur de la nation
Tous les de»; en déconfiture.

MARS. — SIGNE»DJJ RECUREUR.

(Ainsi nommé à cause du puits-Mulot, qui .n'a rien produit,
qu'on ne puisse pas dire qu'il n'a fait que de l'eau claire.
?.

Sur le piédestal de lu gloire
En forant son grand puits, Mulot s'est exhaussé.

Paris n'y gagne pas même de l'eau pour boire.

Mais qu'importe! Mulot en perçant a percé.

Maître Bugeaud est fait gouverneur d'Algérie ;

Il va cueillir là-bas de lucratifs lauriers.

S'il déclare la guerre aux boudjous, je parie
Que ce héros fera beaucoup de prisonniers.

A Marseille on conspire.... ici le mot est vrai:

C'est contre eux qu'ils ont conspiré.

Granier deCassagnac. par de lointains espoirs
Se sentait attiré, colons, vers vos comptoirs.

Gaillard bien avisé, ce fougueux politique.

Trop noir parmi les blancs, vogue vers l'Amérique,
Pour se blanchir auprès des noirs.

Pour juger le National
La cour des pairs est convoquée ;

Ta place est d'avance marquée
En prison, mou noble journal !

Par le pouvoir jamais tu ne t'es fait séduire.

Et tes premiers sermens te furent toujours chers ;
Dès-lors an Luxembourg lorsqu'on te voit traduire,
Tu n'es pas jugé par tes pairs.